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— Tu veux que je te suce ?

Roman Marchouk avait renoncé à partir, au moins pour le moment. Cette petite salope le rendait fou. Il regarda autour de lui, repéra une table contre le mur d’en face et grogna :

— Non, je veux te baiser. Et après, je me tire.

Il saisit Evguena par la taille, la décolla du sol et la porta jusqu’à la table. Elle réussit à ne pas lâcher le gros sexe, s’y accrochant comme à une bouée. À peine Roman Marchouk l’eut-il déposée sur la table qu’il tira sur la culotte, la fit descendre le long des cuisses, puis des bottes. Il n’avait pas particulièrement envie d’être brutal, seulement de défoncer cette allumeuse.

La petite culotte blanche resta accrochée à une des bottes. Roman dégrafa sa ceinture puis son jean qui tomba sur ses chevilles. Le sexe pointé vers le ventre d’Evguena, il lui releva les jambes, tâtonna un peu, s’enfonça en elle si violemment qu’elle glissa sur la table, faisant tomber les objets qui s’y trouvaient. Evguena poussa un cri de douleur. Elle n’était pas vraiment excitée et les dimensions du cylindre de chair qui l’envahissait lui donnaient l’impression d’être déchirée… Roman Marchouk souffla quelques instants puis, bien abuté au fond du sexe de la jeune femme, il la saisit sous les cuisses, la tirant vers lui et la pénétrant encore plus profondément. Evguena poussa une exclamation.

— Doucement !

— Tu as voulu que je te baise, non ! grommela Roman Marchouk.

Avec la force tranquille d’un bûcheron, agrippé à ses cuisses largement écartées, il se mit à la pilonner à grands coups de reins, la repoussant peu à peu jusqu’au mur. La table craquait. Roman Marchouk soufflait comme un bœuf, prenant chaque fois son élan après s’être retiré presque entièrement, pour s’enfoncer dans le ventre d’Evguena de toutes ses forces. Celle-ci avait l’impression d’être forée par un derrick… Chaque fois que le gros sexe plongeait en elle, un râle s’échappait de ses lèvres comme s’il était remonté jusqu’à ses poumons. Peu à peu, son sexe s’était humidifié et elle ne souffrait plus. Le cerveau vide, elle recevait cet assaut sans vrai plaisir, mais sans déplaisir. Un cri étranglé fusa de la bouche de Roman Marchouk, qui, d’un ultime coup de reins, la cloua à la table, les jambes repliées comme une grenouille. Elle le sentit se vider en elle. À peine eut-il joui qu’il lui lâcha les jambes. Il recula, arrachant d’elle son sexe encore dur, et, sans même l’essuyer, le rentra dans son caleçon gris.

— Karacho ! lança-t-il. Maintenant, je m’en vais.

Il était déjà en train de remonter son jean. Evguena revint à la réalité, glissa de la table, attrapa sa culotte et lui fit face.

— Non, il faut…

Le bourdonnement de l’interphone l’interrompit et elle poussa un cri de joie.

— Les voilà !

Elle ne s’était pas fait baiser pour rien.

* * *

— 8630 ! cria Evguena dans l’interphone.

L’immeuble était muni d’un vieux code digital soviétique, simple mais robuste. Ils attendirent en silence. L’ascenseur était d’une lenteur incroyable, lui aussi aux anciennes normes de l’Union soviétique.

Enfin, on frappa à la porte : la sonnette était cassée. Evguena Bogdanov gagna la petite entrée et ouvrit, se trouvant nez à nez avec trois hommes massifs, un bonnet de laine noire enfoncé jusqu’aux oreilles, engoncés dans des blousons de cuir rembourrés. Des visages carrés, brutaux, des regards inexpressifs. Evguena se sentit mal à l’aise mais réussit à sourire.

— Vous venez chercher Roman ?

— Tak, répondit un des hommes.

— Vous êtes en retard. Il était nerveux. Vous partez tout de suite pour Odessa ?

— Tak.

Elle se dit qu’il était ukrainien. Un Russe aurait répondu Da.

— En voiture ?

— Tak. On peut entrer ?

Elle s’effaça et les trois hommes pénétrèrent dans l’appartement. Roman Marchouk, qui avait fini de se rajuster, leur jeta un regard suspicieux.

— On y va ? demanda-t-il. Je cherche mes affaires.

Il disparut dans la chambre. Les trois hommes, debout au milieu de la pièce, regardaient autour d’eux. — Tu vis seule ici ? demanda celui qui avait déjà parlé.

Evguena Bogdanov remarqua que son blouson portait au milieu du dos le sigle «Angeli». Comme les bénévoles qui parcouraient les rues de Kiev à la recherche des ivrognes et des clochards endormis dans la neige pour les emmener à l’hôpital. La vodka et le froid faisaient mauvais ménage.

— Davai ? demanda Roman Marchouk, en réapparaissant, un sac à la main.

— Tak, répondit le porte-parole des trois.

Il fit un pas vers l’Ukrainien, comme pour lui prendre son sac. Au même moment, celui qui s’était posté près de la fenêtre l’ouvrit toute grande, faisant entrer dans la pièce un courant d’air glacé.

— Hé ! Vous êtes fou ! protesta Evguena.

Il faisait quand même -5 °C dehors et le vent soufflait de la Sibérie.

L’homme ne répondit pas. Laissant la fenêtre grande ouverte, il se retourna et marcha sur Roman Marchouk. Au même moment, celui qui s’était rapproché lui passa un bras autour du cou et lui donna un coup de genou dans les reins, puis le tira en arrière. Aussitôt, l’autre lui saisit les chevilles, le soulevant du sol, coinçant ses jambes entre son bras droit et son torse. À eux deux, ils le maintenaient au-dessus du sol, à l’horizontale. Roman tenta de se débattre, à moitié étranglé. Mais, en moins de dix secondes, ils atteignirent la fenêtre ouverte. Avec une synchronisation parfaite, ils projetèrent Roman Marchouk dans le vide.

Il poussa un cri atroce et disparut.

Evguena Bogdanov demeura figée quelques fractions de seconde. Son cerveau n’arrivait pas à enregistrer l’horreur de ce qui venait de se passer. Puis, d’un mou-vement réflexe, elle fonça vers la porte en poussant un cri terrifié.

L’homme qui avait ouvert la fenêtre la rattrapa avant qu’elle ait eu le temps d’ouvrir. Il la saisit sous les aisselles et sous les genoux et, sans s’occuper de ses hurlements ni de ses mouvements désordonnés, marcha jusqu’à la fenêtre. D’une détente puissante, il la projeta à son tour dans le vide.

Le cri de la jeune femme vrilla l’air froid quelques secondes et s’interrompit net. L’homme avait refermé la fenêtre.

— Davai ! fit le chef.

Ils se dirigeaient vers la petite entrée lorsqu’une porte s’ouvrit sur une petite fille blonde aux cheveux frisés qui s’immobilisa en criant :

— Où est maman ?

* * *

Les trois hommes se figèrent. Personne ne leur avait dit qu’il y avait une enfant dans l’appartement. La petite fille s’était mise à pleurer, balbutiant :

— Où est mamouchka ? Où est mamouchka ?

Le chef fit un pas vers elle et s’accroupit pour se mettre à sa hauteur. Il lui dit avec un sourire rassurant :

— Maman est sortie, elle va revenir.

Les sanglots de la petite fille redoublèrent.

— Je l’ai entendue crier ! Vous lui avez fait du mal…

L’homme secoua la tête.

— Met ! Nous sommes des amis de ta maman. Elle va revenir. Tu aimes le chewing-gum ?

La petite fille inclina la tête silencieusement. L’homme fouilla dans une poche de son blouson et en sortit une tablette de chewing-gum.

— Tiens, dit-il, prends ça en attendant que ta maman revienne. Comment t’appelles-tu ?