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Lorsqu’il arriva à l’ambassade américaine, Donald Redstone était plongé dans une revue de presse, avec Irina Murray. La jeune femme adressa à Malko un sourire presque distant. De toute évidence, elle ne voulait pas que le chef de station soit au courant de sa vie privée. Pour une fois, elle était presque décente, avec une jupe noire arrivant aux genoux et de courtes bottes.

— J’ai rencontré Stephan le Polonais hier soir, annonça Malko.

Donald Redstone en posa ses lunettes et son crayon, stupéfait.

— Où ?

Malko le lui expliqua. Omettant l’intermède brûlant avec Irina. Le chef de station n’en revenait pas.

— C’est incroyable ! fit-il. Pourquoi ont-ils pris un tel risque ?

— C’est bien la question que je me pose, renchérit Malko. Ce Stephan, quand il est arrivé à l’hôtel, ignorait encore que j’étais remonté jusqu’à lui. Or, à part cet élément, je n’ai rien qui puisse inquiéter ceux qui ont monté ce complot. En tout cas, je vais aller demander à Evgueni Tchervanienko de chercher à quel nom est enregistré le portable de ce Polonais.

— Cela ne vous dira pas où il se planque, observa l’Américain. En plus, le numéro n’est probablement pas à son nom…

— C’est vrai, reconnut Malko, mais il faut quand même essayer. Sinon, je n’ai plus qu’à regagner l’Autriche.

Un ange passa, avec des battements d’ailes découragés. Soudain, Irina rompit le silence.

— J’ai une idée, annonça-t-elle. Puisque vous avez le numéro de Stephan, pourquoi ne pas essayer de l’appeler ? Je pourrais l’appeler…

— Mais il ne répondra pas ! Et vous allez l’alerter, objecta Donald Redstone.

— Non, corrigea Irina, je vais l’inquiéter. Parce ce que je me ferai passer pour Viktoria Posnyaki. D’après celle-ci, Stephan ne l’a vue qu’une fois, donc il ne peut identifier sa voix.

— Et qu’allez-vous lui dire ?

— Que je sais des choses sur la mort d’Evguena et que j’ai besoin d’argent.

L’ange repassa, effaré par tant de noirceur.

— Effectivement, reconnut Donald Redstone. Il risque de vous répondre, et même d’essayer de vous rencontrer. Seulement, avec ce que nous savons de cet homme, c’est extrêmement dangereux.

Irina Murray ne se démonta pas.

— Il va probablement me donner rendez-vous pour me tuer. S’il se manifeste, j’irai au rendez-vous. Sous votre protection, évidemment…

Donald Redstone semblait réticent.

— Je dois demander un feu vert à Langley, dit-il, je n’ai pas le droit de vous faire courir ce genre de risque. S’il vous arrivait quelque chose, je serais responsable.

— Faites en sorte qu’il ne m’arrive rien ! trancha Irina avec un sourire. C’est beaucoup plus amusant que de faire des revues de presse. Et, si vous voulez, je vous signerai une décharge…

Piqué au vif, le chef de station grommela une réponse inintelligible. Puis, il laissa tomber, un peu gêné :

— O.K., appelez-le !

Ils retinrent leur souffle tandis que la jeune femme composait le numéro de Stephan. Au bout de cinq sonneries, l’appareil passa sur messagerie.

— C’est Viktoria, commença Irina Murray, l’amie d’Evguena…

Elle délivra son message d’une voix chargée de menace. Disant savoir qu’Evguena Bogdanov n’avait pas été tuée par Roman Marchouk, terminant en donnant son numéro de portable.

— À mon avis, conclut Malko, il va rappeler.

* * *

Stephan Oswacim broyait du noir. Après avoir quitté en pleine nuit le Premier Palace, il s’était d’abord réfugié dans les galeries de Metrograd, l’immense centre commercial souterrain s’étendant sous la place Bessara-biaska. Il n’en revenait pas encore de ce qui était arrivé ! Comment sa victime avait-elle pu réagir de cette façon ? La balle avait arraché le rembourrage de sa veste, l’effleurant à peine, mais il s’était vu mort. Il cherchait encore quelle erreur il avait pu commettre, sans trouver.

Plus tard, il avait repris sa voiture garée dans une rue voisine et regagné sa planque.

Il avait dû dormir deux heures, angoissé à l’idée de son rendez-vous avec celui qu’il connaissait sous le pseudo de «Volodymyr», fixé à deux heures. Il savait déjà que cela n’allait pas bien se passer. Le Russe ne faisait pas de sentiment. La tentation était forte de filer avec le passeport russe qui lui avait servi à s’enregistrer à l’hôtel et le pistolet. Seulement, à part sa fausse carte de crédit, Stephan Oswacim n’avait ni argent, ni moyen de paiement… Et le passeport serait immédiatement signalé… Quand son portable sonna, il regarda le numéro s’afficher et ne répondit pas. Numéro inconnu et, de toute façon, il ne connaissait pas grand monde à Kiev, à part des morts…

Peu après, il écouta le message et crut que son cœur s’arrêtait en entendant prononcer son prénom… La suite du message ne le rassura pas. Il l’écouta trois fois, avec une fureur grandissante. Maudissant Evguena et cette salope de Viktoria qui cherchait à lui extorquer du fric… Si «Volodymyr» l’apprenait, il lâcherait immédiatement Stephan. Celui-ci se rassura en pensant que Viktoria ne pouvait pas le localiser. Il n’avait jamais dit à Evguena où il demeurait. Par contre, si cette fille allait trouver des journalistes ou la Milicija, cela pouvait poser de sérieux problèmes. Il fallait donc la faire taire, mais, auparavant, il devait affronter son «employeur».

* * *

Evgueni Tchervanienko était toujours aussi impressionnant avec sa carrure de lutteur de foire. Malko l’avait rejoint au QG de campagne de Viktor Iouchtchenko.

Une secrétaire avec un pull orange l’introduisit auprès du chef de la sécurité. La bouche pleine, celui-ci était en train de manger un sandwich énorme. En face de lui était posée une bouteille de Defender « Success » bien entamée.

— Alors ? Vous avez du nouveau ? demanda l’Ukrainien.

Malko tira le numéro de portable de sa poche et le posa sur la table.

— Pouvez-vous trouver à qui appartient ce numéro ?

L’imposant chef de la sécurité examina longuement le papier, puis leva ses petits yeux rusés.

— Pourquoi ?

— C’est celui d’un des hommes qui ont organisé l’assassinat de Roman Marchouk. Un certain Stephan, un Polonais.

Evgueni Tchervanienko en oublia de mastiquer son sandwich. Buvant avidement le récit de Malko, y compris la tentative de meurtre contre lui, la nuit précédente.

Il lui jeta un regard admiratif.

— On dirait que vous avez fait du bon boulot ! Sinon, on ne voudrait pas vous tuer… Je connais quelqu’un à Kievstar. J’espère qu’il me trouvera le propriétaire de ce numéro. Je lui demande tout de suite.

* * *

Evgueni Tchervanienko paraissait déçu lorsqu’il raccrocha, après avoir patienté près de dix minutes, tandis que son correspondant effectuait des recherches.

— Ce numéro est sur liste rouge, ça va prendre un peu plus de temps, mais je finirai par le trouver, promit-il.

Dès que je l’ai, je vous appelle.

* * *

Stephan Oswacim grelottait dans la petite Skoda dont le chauffage ne marchait plus. Comme toujours, « Volodymyr» surgit comme une ombre et prit place à côté de lui. Le Russe arborait un visage sombre.