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— Que s’est-il passé ? demanda-t-il d’une voix sévère. On m’a dit que celui que vous étiez censé liquider hier soir est sorti de l’hôtel, ce matin, bien vivant.

— Il y a eu un problème, avoua le Polonais.

Ils lui expliqua comment le guetteur lui avait indiqué que sa cible rentrait à l’hôtel, alors qu’il n’en était rien. Ce qui laissa son interlocuteur de glace.

— Donc, le contrat n’a pas été rempli ! conclut-il.

— Non, mais…

— Laissez tomber, on ne recommence pas deux fois ce genre de chose. Maintenant, il est sur ses gardes. Vous avez rapporté l’arme ?

Sephan Oswacim faillit dire non, mais il sortit le pistolet et le posa sur ses genoux. Le Russe le glissa aussitôt dans sa poche et demanda :

— Vous n’avez laissé aucune trace à l’hôtel ?

— Non.

— Rendez-moi le passeport aussi.

Le Polonais s’exécuta. Désormais, il se sentait nu et vulnérable. Le Russe ne perdit pas de temps et dit d’une voix égale :

— Je pense qu’il faut vous faire oublier quelque temps, Stephan. Restez là où vous êtes, je vous contacterai dans quelques jours. Tenez.

Il sortit quelques billets de sa poche et les glissa dans la main du Polonais. Environ 1000 hrivnas.

— Voilà de quoi vous nourrir, dit-il avec un sourire presque chaleureux. Je ne peux pas faire plus, étant donné mon budget.

— Vous pouvez au moins me laisser le passeport, plaida Stephan Oswacim, je ne peux pas me servir du mien.

— Désolé, fit sèchement le Russe, je n’en ai pas le droit. Ce passeport appartient à l’État russe. J’en suis comptable. Et, de toute façon, après l’histoire du Premier Palace, il ne vaut plus rien : je vais le détruire. Dobre. Je vous rappelle.

Il sortit de la Skoda sans même lui serrer la main et s’éloigna à grands pas. Stephan Oswacim maudit sa stupidité. Il aurait dû garder le passeport et le pistolet. Il était coincé. Il regarda les billets. Il n’irait pas loin avec ça. En plus, l’homme puissant qui l’hébergeait, suite à la demande d’un colonel du SBU, risquait de le mettre dehors… Comme un automate, il démarra et remonta la rue Kourska.

* * *

Nikolaï Zabotine, arrêté devant le marchand de gâteaux au pavot, surveilla du coin de l’oeil le départ de Stephan Oswacim. Depuis le matin, il savait que le Polonais avait échoué dans sa mission, et en avait tiré les conséquences.

D’abord, ce contretemps le forçait à adopter la solution qu’il avait rejetée à priori : faire confiance au destin pour la dernière partie de sa mission. Il n’avait pas le choix. Une seconde tentative pour éliminer l’agent de la CIA aurait représenté un risque de sécurité élevé. S’il avait eu de la religion, il aurait prié… Le second problème était Stephan Oswacim. Le tueur polonais représentait désormais un risque. Le lien entre plusieurs éléments de l’opération. Grillé, il n’était plus utilisable, mais devait disparaître le plus vite possible. Nikolaï Zabotine avait été tenté de le liquider tout de suite, sur le parking de la rue Kourska, mais il pouvait y avoir des témoins et c’était vraiment trop près de l’ambassade russe. L’élimination de Stephan Oswacim était déjà programmée depuis le matin, grâce aux anciens berkut qui obéissaient au doigt et à l’œil au colonel Gorodnaya, leur ancien chef. Ils avaient ordre de liquider le Polonais le plus vite possible. Os devaient le prendre en charge à partir du rendez-vous de la rue Kourska et le liquider à la première occasion. Stephan Oswacim n’avait plus aucune utilité.

* * *

Stephan Oswacim s’était fait une raison après avoir quitté «Volodymyr». Ce n’était qu’un mauvais moment à passer, ensuite le Russe ferait de nouveau appel à lui. Perdu dans ses pensées, il se retrouva au croisement de Chervonozorianvi Prospekt, sur la file de gauche, bloqué par une voiture qui s’apprêtait à tourner à gauche. Les voitures continuaient à défiler à sa droite, profitant du feu vert. Alors qu’il regardait dans cette direction pour trouver un créneau dans le flot de voitures, il vit passer une Lada blanche avec deux hommes à bord.

Son pouls fit un bond.

L’homme au volant était Bohdan Vokzalna, un des assassins d’Evguena Bogdanov !

En un éclair, Stephan Oswacim comprit : le Russe allait le faire liquider. Dans cette affaire, on ne laissait pas de témoins. Dans son cas, c’était du gâteau. Il ne pouvait évidemment pas se rendre à la police. Ni sortir du pays, sauf à retourner en Pologne clandestinement. Ce qui était extrêmement risqué. Certes, il aurait été tout prêt à continuer à exercer la seule profession qu’il connaissait — tueur -, mais à Kiev, il ne connaissait pas grand monde et, dans ce milieu, on ne recrutait pas par petites annonces…

Il arriva enfin à se dégager et continua, surveillant la chaussée. Cent mètres plus loin, ses derniers doutes furent levés. La Lada blanche attendait, garée en double file. Il la dépassa et elle démarra aussitôt, reprenant sa filature. Stephan Oswacim en avait les mains moites et l’estomac tordu d’angoisse. Ces berkut étaient des machines à tuer. Il n’essaya même pas de les semer. À quoi bon ? Ils savaient où il habitait Pendant qu’il cherchait désespérément une solution qui n’existait pas, son portable sonna.

Son pouls grimpa quand il reconnut la voix de « Volodymyr».

— Il y a du nouveau, annonça le Russe. J’ai du travail pour vous. Je vous retrouverai à deux heures dans la cathédrale Saint-André, au début de Andreïvski Uzviz.

Il mit fin à la communication sans formule de politesse, à son habitude. Pendant quelques secondes, Stephan Oswacim se sentit à nouveau euphorique, puis la vérité lui dégringola dessus, comme une douche glacée. Bohdan Vokzalna avait dû rendre compte de la difficulté d’une filature dans Kiev, et le Russe avait décidé d’accélérer le processus de liquidation.

Pendant un certain temps, le Polonais conduisit au hasard, comme un canard sans tête. Se disant qu’il lui restait deux heures à vivre. Puis, soudain, il entrevit une porte de sortie. Il s’arrêta pour composer un numéro sur son portable. À la troisième sonnerie, on décrocha.

— Viktoria ?

— Tak, fit une voix de femme.

— J’ai eu votre message. Je voudrais vous rencontrer. Aujourd’hui.

— Où ?

— À la cathédrale Saint-André. Deux heures. Si vous connaissez des gens qui s’intéressent à l’affaire Iouchtchenko, prévenez-les Je connais beaucoup de choses.

Il raccrocha, de nouveau euphorique. Viktoria ne viendrait pas seule au rendez-vous… Par «Volody-myr », le Polonais savait qu’elle avait été en contact avec l’agent de la CIA qu’il avait voulu tuer… Tant qu’à changer de camp, autant le faire jusqu’au bout. Pour se rassurer, Stephan Oswacim se dit qu’après tout, il n’avait tué personne de ses mains à Kiev.

Il imagina la tête de son employeur russe se trouvant nez à nez avec des agents de la CIA et les copains de Viktor Iouchtchenko. On dit parfois que la vengeance est un plat qui se mange froid. Lui allait le déguster brûlant, comme un bon bortsch.

CHAPITRE X

Irina Murray frappa un coup sec à la porte du bureau de Donald Redstone et se rua à l’intérieur sans même attendre qu’il réponde. Le chef de station, plongé dans l’étude d’un dossier, leva la tête, surpris par cette tornade blonde.

— Il a téléphoné ! lança-t-elle. J’ai rendez-vous avec lui. Il me prend bien pour Viktoria Posnyaki.

— Holy cow ! marmonna l’Américain. It’s wonderful ! Vous avez prévenu M. Linge ?