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Il en connaissait trois : Bohdan Vokzalna, Sasha Malinowski et Alexandre Hadakov. Les assassins d’Ev-guena et de Roman Marchouk. C’était à eux qu’il avait donné les instructions pour l’élimination de l’homme qui avait empoisonné Viktor Iouchtchenko. Le quatrième devait être leur chef. Sans se presser, ils se dirigèrent eux aussi vers la descente Saint-André. Paniqué, le Polonais se demanda quelles étaient leurs consignes : simplement le surveiller ou l’éliminer ? Brusquement, il eut hâte de se retrouver à l’intérieur de la petite église, comme si le heu sacré avait pu le protéger. Il avait eu le temps de réfléchir pendant qu’il conduisait. Viktoria Posnyaki n’allait sûrement pas venir seule au rendez-vous. Les berkut risquaient d’avoir une surprise désagréable s’ils avaient de mauvaises intentions. Il regarda l’heure à sa vieille montre soviétique : deux heures dix. Lorsqu’il pénétra dans la nef, il mit quelques secondes à s’habituer à la pénombre. Il y avait peu de monde. Un groupe de touristes en train de discuter avec un pope, plusieurs babouchkas abîmées en prière et une jeune femme, un peu à l’écart, dans un long manteau de cuir noir. Tout de suite, il vit que ce n’était pas Viktoria. Il lui fallut un peu plus de temps pour reconnaître celle avec qui il avait pris l’ascenseur au Premier Palace. La compagne de l’agent de la CIA.

* * *

— Il vient de pénétrer dans la nef, annonça Malko dans son portable. J’arrive.

Dissimulé derrière les auvents en toile des marchands en plein air, il était invisible de la cathédrale. Stephan le Polonais n’avait pas pu le repérer, mais il ne voulait prendre aucun risque avec Irina.

Au moment où il commençait à traverser, il aperçut sur sa droite deux hommes corpulents, le bonnet noir enfoncé jusqu’aux oreilles, les mains dans les poches de leurs blousons noirs. Son pouls grimpa en flèche : c’étaient ceux qui l’avaient attaqué chez Iouri Bogdanov. Cela changeait tout !

Il comprit instantanément : ils voulaient liquider Viktoria ! Stephan n’était là que pour désigner la victime aux tueurs… Ils étaient déjà en train de monter les marches menant au parvis de la cathédrale. Il se mit à courir, passant son Makarov de sa ceinture à la poche de son manteau.

* * *

Stephan Oswacim était encore en train de regarder la jeune femme blonde au long manteau de cuir noir lorsque la porte capitonnée de la cathédrale s’écarta sur deux hommes en bonnet de laine noire. L’un d’entre eux avait un portable collé à l’oreille. Stephan Oswacim les avait aperçus du coin de l’œil. Il se retourna d’un bloc, le cœur dans la gorge. Ils le fixaient comme un cobra regarde un lapin. Celui qui téléphonait rangea son portable et murmura quelques mots à son acolyte.

Ensuite, ils s’avancèrent lentement vers lui. Stephan Oswacim sut instantanément qu’ils venaient de recevoir l’ordre de le tuer. Il s’approcha de la jeune femme au manteau de cuir noir et lui jeta, affolé :

— Qui êtes-vous ?

— Vous le savez bien, lui répondit-elle.

Du coin de l’œil, il voyait les deux hommes approcher. Des types comme ça ne se gêneraient pas le moins du monde pour tuer quelqu’un dans une église. Paniqué, il jeta à Irma :

— Vous êtes armée ?

Surprise, Irina secoua négativement la tête. Étonnée de le voir aussi affolé. Par-dessus l’épaule de Stephan, elle guettait la porte de la cathédrale, par où Malko devait la rejoindre.

— Derrière moi, les deux hommes… ils veulent me tuer, souffla Stephan Oswacim. Et vous aussi, sûrement.

Irina sentit ses jambes se dérober sous elle, en découvrant les deux berkut. Ils ne ressemblaient pas vraiment à des paroissiens inoffensifs. À côté d’elle, le vieux pope était toujours en grande conversation avec des visiteurs. Ce n’est pas lui qui allait la protéger. Un des deux hommes désignés par Stephan fit un pas vers elle. Brutalement, il la prit par le bras et la projeta contre la paroi en pierre de la nef. Elle vit briller l’acier d’une lame dans la main de l’autre et poussa un hurlement qui fit sursauter tous ceux qui se trouvaient dans l’église. Le second tueur avançait vers elle, massif, terrifiant, son poing serré autour d’un poignard à la courte lame triangulaire. D’un geste vif comme l’éclair, il balaya l’air devant lui, à l’horizontale. Mna eut le réflexe de faire un bond en arrière, renversant un énorme chandelier et ses bougies. Elle tomba à terre, terrifiée, vit le berkut se pencher sur elle. Il saisit ses cheveux blonds dans sa main gauche, les réunit en torsade pour lui tirer la tête en arrière. Il allait l’égorger.

* * *

Plusieurs choses se passèrent en même temps. Le pope, horrifié, lâcha son auditoire et fonça vers le berkut, l’apostrophant d’une voix furieuse, s’accrochant à lui. L’autre n’hésita pas une seconde. De toutes ses forces, il lui planta son poignard dans le sternum et tourna. Irina en profita pour s’éloigner de quelques mètres en rampant. Elle leva les yeux pour apercevoir Malko pénétrant dans la nef, et cria de toute la force de ses poumons :

— Malko !

Celui-ci vit le berkut arracher son poignard du ventre du pope, et puis rattraper Irina pour la prendre par les cheveux, lui rejetant la tête en arrière pour l’égorger. Il n’hésita pas une fraction de seconde.

Les deux détonations rapprochées du Makarov firent trembler les vitraux. Frappé en pleine poitrine, le berkut plongea en avant, s’effondrant sur Irina Murray. Elle hurla, écrasée sous les cent vingt kilos. Stephan Oswacim, acculé au mur par le second tueur, affolé, profita d’un moment d’inattention de son adversaire pour faire pivoter un des lourds volets de fer qui heurta le berkut à l’épaule, le déséquilibrant.

Aussitôt, le Polonais fonça vers la sortie, bousculant une babouchka, et dévala l’escalier extérieur. Sa voiture n’était garée qu’à quelques dizaines de mètres. Mais un des quatre hommes lâchés à ses trousses attendait à côté… Il fit demi-tour et dévala à corps perdu la descente Saint-André, avec une seule idée : ne pas mourir tout de suite. Son cerveau se refusait à penser au-delà de la minute suivante. C’était son seul projet d’avenir : échapper à cette bande de tueurs.

Il se mit à courir comme un fou sur les pavés inégaux, sans même se retourner. Il avait l’impression de voler au-dessus du sol et se dit qu’il ne pourrait plus s’arrêter.

* * *

Malko hésita quelques secondes, pistolet au poing. Deux babouchkas, penchées sur le pope, essayaient en vain de le ranimer. Il vit Irina Murray se remettre debout, pâle comme une morte, puis ramasser les affaires tombées de son sac.

Elle n’était plus en danger. Le berkut, foudroyé par les deux projectiles de 9 mm, ne bougeait pas plus qu’un bison foudroyé. En anglais, Malko cria à la jeune femme :

— File ! Vite !

Il se précipita lui-même hors de l’église, juste à temps pour voir Stephan le Polonais dévaler la descente Saint-André comme s’il avait le diable à ses trousses. Sautant le parapet dominant la rue, Malko hurla :

— Stephan ! Revenez !

Le Polonais se contenta de zigzaguer et de plonger sur le trottoir occupé par les marchands pour se dissimuler dans la foule des badauds. Il n’avait évidemment aucune raison de faire confiance à un homme qu’il avait essayé d’assassiner la veille, même s’il projetait de changer de camp.