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— Nous sommes au point mort, conclut Malko. Le Polonais était le dernier fil à tirer pour remonter aux organisateurs du complot contre louchtchenko. Désormais, le calme va revenir. Sauf s’ils ont encore l’intention de tenter quelque chose avant le 26 décembre.

— C’est à nous d’essayer de déjouer une éventuelle nouvelle tentative contre Viktor louchtchenko, conclut Donald Redstone. Evgueni Tchervanienko ne s’occupe que de la protection rapprochée, même s’il a des tuyaux de temps en temps.

— Sûrement, admit Malko, mais, à part la voiture de Stephan Oswacim et les numéros qui ont appelé son portable, il n’y a rien, et…

La sonnerie du sien l’interrompit. C’était la voix de baryton d’Evgueni Tchervanienko.

— J’ai vu les journaux, fit-il sans commentaires. Il faudra en parler.

— Cela vous donne une idée ? demanda Malko.

— Pas vraiment, mais il faut qu’on en discute… Je ne vous appelais pas pour cela. Vous êtes absolument certain du numéro de portable que vous m’avez communiqué l’autre jour ?

— Autant qu’on puisse l’être, affirma Malko. Pourquoi ?

— J’ai identifié son propriétaire, annonça l’Ukrainien. C’est inattendu. Si vous venez me voir, je vous mettrai au courant.

Malko coupa la communication, euphorique. Au moment où tout semblait bouché, il pouvait de nouveau se mettre en campagne.

— Je me rends chez Tchervanienko, lança-t-il à Donald Redstone. On va peut-être reprendre la piste.

CHAPITRE XII

— Il s’agit d’un des oligarques les plus riches du pays, lié au système Koutchma, expliqua Evgueni Tchervanienko. Il est dans le pétrole, producteur de vodka et importe des télés. B s’appelle Igor Baikal. Le portable a été enregistré au nom de sa société de production de vodka, mais à son adresse personnelle, sa datcha d’Osogorki.

Satisfait, le responsable de la sécurité de Viktor Iouchtchenko alluma un cigare. Malko n’en revenait pas. La permanence du candidat de la «révolution orange» était particulièrement calme ce matin là, et il n’avait même pas aperçu la belle Svetlana, la boudeuse du vol de Moscou. La découverte d’Evgueni Tchervanienko ouvrait des horizons.

— Quel pourrait être le lien de cet oligarque avec notre affaire ? demanda-t-il.

— À première vue, je ne vois pas, avoua Tchervanienko. Igor Baikal n’est pas un politique. Il fait du business, c’est tout. Comme c’est l’équipe Koutchma qui est au pouvoir, il marche avec eux. Mais il a donné un peu d’argent à la «révolution orange». Il préserve l’avenir.

— Vous le connaissez ?

— Pas personnellement. Il sort peu. Je sais seulement qu’il est lié à Vladimir Satsyuk, qui est plus ou moins son voisin. Et que ce sera extrêmement difficile d’enquêter sur lui. Il a tout le gouvernement actuel dans sa poche. En plus, c’est un ancien mafieux, qui, en 1993, a fait alliance avec le SBU pour sauver ses affaires. À l’époque, il importait la vodka Smirnoff et possédait des boîtes et des restaurants. Quand le SBU a décidé de s’approprier les affaires des mafieux, il a eu l’intelligence de traiter avec eux.

— C’est peut-être là qu’il faut chercher, avança Malko. Vous pourriez retrouver ses interlocuteurs d’alors au SBU ?

— Je vais essayer, promit Tchervanienko. Mais cela sera très difficile. Il y a plus de dix ans de cela. Dobre, je vous laisse.

— Vous avez un numéro de téléphone pour Igor Baikal ?

— Oui, mais il ne répond jamais lui-même. S’il découvre de quoi il s’agit, vous n’arriverez jamais à l’avoir et, si vous insistez, il vous fera liquider.

Encourageant.

Malko pensa soudain à Tatiana, l’assistante de Vladimir Sevchenko, qui devait arriver par le vol d’Athènes au début de l’après-midi.

— Vous pensez que Vladimir Sevchenko connaît Igor Baikal ? demanda-t-il.

Evgueni Tchervanienko éclata de rire.

— Bien sûr ! Mais ils ne se sont pas vus depuis un moment. Demandez-lui quand même.

Malko ressortit perplexe de cette entrevue. Pourquoi un milliardaire abritait-il un petit voyou polonais dans sa datcha ? Qui le lui avait demandé ? S’il répondait à cette question, il pénétrerait au cœur du complot monté pour liquider Viktor Iouchtchenko.

Mais c’était comme plonger dans un marigot grouillant de crocodiles très affamés.

* * *

Noyé dans la foule de l’aérogare de Borystil, Malko guettait la porte coulissante par laquelle les voyageurs quittaient la zone sous douane. Pendant le trajet, il avait beaucoup réfléchi. Plus qu’un combat d’arrière-garde, il avait la sensation qu’il menait une vraie bataille. Son sixième sens lui hurlait en effet que ceux qui avaient tenté d’éliminer Viktor Iouchtchenko de l’élection présidentielle n’avaient pas renoncé.

Tatiana Mikhailova émergea des deux battants de verre dépoli comme une déesse. Drapée dans un manteau de fourrure de coupe très mode, qui tenait du poncho, de l’étole et de la peau de bête de l’époque jurassique… Dessous, elle était moulée dans un cachemire noir et un pantalon de cuir. Les seins étaient toujours aussi aigus et le regard aussi dur. Il s’adoucit lorsqu’elle aperçut Malko et, sous le regard ahuri des badauds, vint se coller à lui, dardant jusqu’au fond de son gosier une langue vive comme celle d’un lézard. Malko eut la sensation de recevoir une décharge de 100000 volts.

— Dobredin, dit-elle joyeusement, quand elle eut repris son souffle. Vladimir Ivanovitch m’a chargée de te transmettre toute son amitié. Il regrette de ne pas avoir pu venir.

Son bassin se frottant à celui de Malko s’appliquait activement à la transmission de cette amitié. Il entraîna la Russe avant qu’un milicien ne les arrête pour attentat à la pudeur… En touchant son manteau, il réalisa, à sa douceur, qu’il s’agissait de zibeline… La fourrure la plus chère du monde.

— Ce que tu portes est magnifique, remarqua-t-il. Tu as trouvé ça à Chypre ?

— Non, à Paris, chez Revillon, fit simplement la Russe. Vladimir avait de l’argent là-bas. Je l’ai utilisé.

Malko la guida jusqu’à son taxi loué au Premier Palace, une superbe limousine Mercedes 600, et Tatiana s’étala voluptueusement sur les sièges arrière.

— J’ai un message pour toi ! annonça-t-elle. De la part de ton ami.

Malko n’eut pas le temps de demander la teneur du message.

Sans se préoccuper du chauffeur, Tatiana avait posé la tête sur ses cuisses. Elle entreprit immédiatement de déboucler la ceinture Hermès de Malko. En sentant sa langue s’enrouler autour de lui, celui-ci se souvint du surnom donné à Tatiana par Vladimir Sevchenko. Elle n’avait pas perdu la main, si on peut dire. Il explosa dans sa bouche juste avant le grand pont sur le Dniepr et ne put s’empêcher de crier, ce qui provoqua une légère embardée de la lourde Mercedes. Il avait l’impression qu’on venait de lui aspirer la moelle épinière. Le chauffeur, lui, serrait son volant comme pour l’étrangler.

Tatiana se redressa, impassible, et lança :

— Dobre. Zu rabote Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

Malko laissa ses neurones reprendre leur place tandis qu’elle allumait une cigarette, fière de cette démonstration de son savoir.

Il valait mieux ne pas la présenter à Irina, qui flairerait immédiatement une rude concurrence.

— J’ai besoin de joindre quelqu’un, fit-il. Un certain Igor Baikal. Tu le connais ?