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— Où est Igor Baikal ? demanda Malko. J’ai rendez-vous avec lui.

Anatoly regarda le Poulimiot, puis Malko, et encore le fusil-mitrailleur braqué sur lui.

— Dans sa chambre, dit-il d’une voix blanche. Il fait la sieste.

— On va l’interrompre. Davai.

Sans mot dire, Anatoly fit demi-tour et les précéda dans un couloir tendu de tissu mauve avec de très belles gravures du XVIII, vaguement érotiques. Il frappa ensuite à une porte rehaussée de boiseries. N’obtenant pas de réponse, au bout de quelques instants, il se retourna.

— Il ne répond pas. Il doit dormir.

Étonné, Malko l’écarta, tourna la poignée de la porte, qui s’ouvrit. Anatoly semblait terrifié. D’une voix mal assurée, il bredouilla :

— Il est furieux quand on le réveille.

— Je vais quand même le réveiller, assura Malko.

Tatiana pivota légèrement, braquant le Poulimiot sur le garde du corps.

— Recule un peu, fit-elle d’un ton sec.

L’autre, liquéfié, glissa le long du mur. Une toute petite rafale du Poulimiot l’aurait coupé en deux.

La chambre était plongée dans une semi-pénombre, mais Malko distingua très bien une forme allongée sur le Ut. U s’approcha et s’arrêta net. Personne ne risquait de réveiller Igor Baikal. Une balle tirée dans l’oreille droite lui avait traversé la tête de part en part, souillant l’oreiller de sang et de matière cervicale.

* * *

Malko se pencha et effleura de la main le visage du mort. Il était encore tiède. Il aperçut sur les draps un gros pistolet, probablement un Tokarev, qu’Igor Baikal tenait encore entre ses doigts. Son visage semblait très calme. Les morts sont toujours calmes, d’ailleurs.

Près de lui, posé sur la table de chevet, il vit un portable, plaqué or, qu’il empocha avant d’aller retrouver Tatiana. Celle-ci tenait toujours en respect Anatoly qui baissa les yeux devant Malko.

— Vous saviez qu’il s’était tué ? demanda ce dernier.

L’autre inclina silencieusement la tête et balbutia :

— J’ai voulu le prévenir de votre arrivée et je l’ai trouvé comme ça. Il s’est suicidé.

Malko était troublé. Igor Baikal n’avait pas le profil à se suicider.

— Venez dans la chambre, ordonna-t-il.

Anatoly l’y suivit, talonné par Tatiana.

Malko prit son portable, consulta son carnet et composa un numéro. Aussitôt une petite musique aigrelette s’éleva d’Anatoly qui sursauta, mais ne sortit pas son portable.

— Répondez, Anatoly, conseilla gentiment Malko.

Le garde du corps saisit son portable et le porta à son oreille. Juste pour entendre la voix de Malko, planté à deux mètres de lui…

— Vous vous appelez bien Anatoly Girka ?

— Tak, tak, répondit le garde du corps.

— Vous avez une arme ?

— Tak.

— Sortez-la doucement.

Le garde du corps obéit, sortant un Makarov de sa ceinture. Ils le posa sur la moquette, sans quitter Malko des yeux.

— Karacho, Anatoly, approuva ce dernier. Maintenant, donnez-moi votre portable.

Le garde du corps le lui tendît et Malko l’empocha et se rapprocha de lui.

— Anatoly, dit-il, c’est vous qui avez « suicidé » votre patron, Igor Baikal. Sur l’ordre d’Oleg Budynok. J’avais prévenu Igor que je venais le voir. Je pense qu’il a eu le tort de téléphoner à Budynok, qui vous a appelé immédiatement. Comme il l’a fait hier soir. Il a compris qu’Igor Baikal représentait un risque, il vous a donc donné l’ordre de l’abattre. Ce que vous avez fait, probablement avec son propre pistolet. U ne se méfiait pas de vous.

Anatoly Girka avait repris un peu d’assurance. Il jeta à Malko un regard mauvais.

— Tout ça, c’est des conneries. Je n’ai rien fait.

— Tatiana, lança Malo, abats-le !

Le canon du Poulimiot pivota légèrement. En une fraction de seconde, les traits d’Anatoly Girka se défirent et il balbutia :

— Niet ! Niet ! Pajolsk !

— Alors, dit Malko, vous allez appeler Budynok et lui dire que son ordre a été exécuté.

Il lui tendit son portable. Terrifié, Anatoly Girka composa un numéro d’un doigt mal assuré. Dès que la communication fut établie, il répéta la phrase dictée par Malko et coupa la communication.

— Vous voyez, remarqua Malko, vous connaissez par cœur le numéro de Budynok.

Anatoly Girka se décomposa, comprenant qu’il s’était fait piéger. Malko tendit la main.

— Rendez-moi ce portable.

L’autre le lui tendit sans résister. Malko lui fit face à nouveau.

— Dobre. Anatoly, vous avez le choix entre deux solutions : je repars et vous restez ici. Vous prévenez la Milicija du suicide de votre patron. Mais je ne parierai pas un kopeck sur vous. Quelqu’un va vous «suicider» très vite. Désormais, Olèg Budynok sait que vous avez été imprudent. Mais c’est votre problème. Ce sera peut-être votre meilleur ami qui vous tirera une balle dans la nuque.

Médusé, Anatoly Girka semblait transformé en statue de sel.

— Il y a une autre solution, continua Malko : vous venez avec moi et vous coopérez. C’est, à mon sens, la seule façon de sauver votre vie.

Il fit signe à Tatiana et ils quittèrent la chambre où gisait Igor Baikal, victime de son imprudence. Ils n’étaient pas encore au milieu du couloir qu’ils entendirent des pas. Anatoly Girka courait derrière eux.

Malko jubilait intérieurement. Pour la première fois depuis son arrivée à Kiev, il marquait un point. La contre-attaque commençait enfin. Il tenait, vivant, un des maillons de la chaîne du Diable.

Ils s’installèrent tous les trois dans la SLK, Anatoly Girka à l’arrière, et ne dirent plus un mot jusqu’à l’ambassade américaine où ils gagnèrent directement le bureau de Donald Redstone. Le chef de station, surpris, dévisagea Anatoly Girka.

— Qui est-ce ?

— Anatoly Girka était un des gardes du corps d’Igor Baikal. Il lui a tiré une balle dans la tête, il y a une heure environ. Sur l’ordre d’Oleg Budynok. Il va vous expliquer tout cela.

Il se pencha et prit sur le bureau de l’Américain un Yellow Pad et un stylo à bille qu’il posa devant l’Ukrainien.

— Anatoly, vous allez raconter tout cela par écrit.

Comme le garde du corps hésitait à se mettre au travail, Malko l’apostropha :

— Si vous avez changé d’avis, vous êtes libre de sortir de ce bureau, mais vous savez ce qui vous attend.

Après un long soupir, Anatoly Girka commença à écrire d’une écriture appliquée.

CHAPITRE XV

Nikolaï Zabotine n’avait même pas dîné et avait très mal dormi. Plus la date du 26 décembre se rapprochait, plus les difficultés s’amoncelaient. Il se demandait encore comment l’agent de la CIA était remonté jusqu’à Igor Baikal. Surtout, comment il avait pu échapper au piège qui lui avait été tendu. Certes, Igor Baikal ignorait tout de Nikolaï Zabotine, l’hébergement de Stephan Oswacim lui ayant été demandé par Oleg Budynok, un des membres les plus actifs du «réseau» Zabotine. Cependant, le seul fait que les Américains remontent jusqu’à Igor Baikal était inquiétant. La sonnerie d’un des portables posés sur le bureau dérangea la réflexion de Nikolaï Zabotine. Le Russe répondit de son habituel ton neutre. Agressé aussitôt par la voix tendue d’Oleg Budynok.

— J’ai été obligé de faire éliminer cet imbécile d’Igor !

annonça le chef de l’administration présidentielle.