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— Vous avez bien dormi ? demanda Kusanagi après avoir bu une gorgée de café.

— Pas vraiment…

— La découverte du corps a été un choc pour vous, j’imagine ?

Les lèvres serrées, les yeux baissés, elle ne répondit pas.

Si Kaoru Utsumi avait raison, la jeune femme s’était effondrée en pleurs dès son retour chez elle. Même si leur liaison n’était pas officielle, la découverte du corps sans vie de son amant avait dû la bouleverser.

— Il y a quelques questions que nous n’avons pas pu vous poser hier soir. Êtes-vous prête à y répondre ?

Hiromi Wakayama inspira profondément.

— Je ne sais rien, moi… Je doute de pouvoir vous satisfaire.

— Ne vous inquiétez pas ! Nos questions sont simples. À condition que vous soyez disposée à y répondre en toute honnêteté.

Elle leva les yeux vers lui. Son regard était indiscutablement hostile.

— Je ne suis pas une menteuse !

— Très bien. Allons-y. Hier, vous avez déclaré avoir découvert le corps de M. Mashiba vers vingt heures, et vous avez précisé que c’était la première fois que vous veniez chez eux depuis le dîner auquel vous aviez été invitée vendredi soir. Vous en êtes sûre ?

— Oui.

— Vraiment ? Il arrive souvent qu’un choc intense entraîne une certaine confusion. Réfléchissez calmement ! Vous n’étiez vraiment pas retournée dans leur maison depuis vendredi soir ?

Kusanagi reformula sa question en regardant attentivement les longs cils de la jeune femme. Il avait insisté sur le mot « vraiment ».

Elle se concentra quelques instants avant de répondre.

— Pourquoi me posez-vous cette question ? J’imagine que vous avez une raison, puisque je vous ai dit que j’en étais sûre.

Kusanagi esquissa un sourire.

— C’est nous qui posons les questions !

— Mais…

— Il s’agit d’une simple vérification. Vous avez remarqué mon insistance, précisément parce que je tiens à ce que vous réfléchissiez avant de répondre. Pour dire les choses d’une manière moins agréable, je pense que si vous prenez ma question à la légère, vous risquez de vous en mordre les doigts plus tard.

La jeune femme serra à nouveau les lèvres. Kusanagi devina qu’elle envisageait toutes les possibilités. Elle devait se demander si elle avait intérêt à mentir à la police, en courant le danger que ce mensonge fût découvert, plutôt que d’admettre la réalité devant eux.

Elle semblait avoir du mal à parvenir à une conclusion et son silence se prolongeait. Kusanagi s’impatienta.

— Hier, quand nous sommes venus chez les Mashiba, il y avait une tasse à café et deux soucoupes dans l’évier. Quand nous vous avons demandé si vous saviez pourquoi, vous avez répondu que non. Mais nous avons trouvé vos empreintes digitales sur la tasse et les soucoupes. Quand les avez-vous touchées ?

Le soupir qu’elle poussa fit se lever et s’abaisser ses épaules.

— Vous avez rencontré Yoshitaka Mashiba pendant le week-end, n’est-ce pas ? Avant qu’il meure, j’entends.

Elle posa les coudes sur la table et se cacha le visage des mains. Peut-être espérait-elle pouvoir garder le silence, mais Kusanagi n’avait pas l’intention de le lui permettre.

Elle détacha les mains de son visage et acquiesça de la tête, les yeux baissés.

— Vous avez raison. Je vous demande pardon.

— Vous avez rencontré M. Mashiba.

— Oui, répondit-elle après un instant.

— À quel moment ?

Elle ne lui répondit pas immédiatement. Sa résistance à admettre sa défaite irritait Kusanagi.

— Dois-je vraiment répondre à cette question ? demanda-t-elle en relevant la tête pour regarder Kusanagi et sa collègue. Je ne vois pas le rapport ! C’est une intrusion dans ma vie privée, non ? demanda-t-elle d’un ton vif.

Elle semblait au bord des larmes, mais la colère n’était pas absente de son regard.

Kusanagi se rappela ce que lui avait dit jadis un collègue plus âgé : les femmes qui ont une liaison avec un homme marié paraissent faibles, mais il faut s’en méfier.

Peut-être, mais il n’avait pas de temps à perdre. Il décida d’abattre sa prochaine carte.

— Nous connaissons la cause de la mort de M. Mashiba. Il a été empoisonné.

La jeune femme le regarda, déconcertée.

— Empoisonné ?

— Nous avons trouvé du poison dans le café qui restait dans sa tasse.

Elle ouvrit tout grands les yeux.

— C’est impossible !

Kusanagi se pencha légèrement en avant pour la dévisager.

— Pourquoi dites-vous cela ?

— Mais…

— Serait-ce parce que, lorsque vous en avez bu plus tôt, il ne s’est rien produit ?

Elle cligna des yeux et fit oui de la tête, à contrecœur.

— C’est bien là qu’est le problème, mademoiselle Wakayama. Si M. Mashiba avait mis le poison dans son café, et que nous en ayons retrouvé la trace, tout serait simple. Ce serait un suicide, ou une mort accidentelle. Mais cette possibilité est quasiment exclue pour l’instant. La situation nous force à penser que quelqu’un a mis du poison dans le café de M. Mashiba, dans un but criminel. D’autant plus que nous en avons retrouvé des traces dans le filtre dont il s’est servi. À l’heure actuelle, l’hypothèse la plus vraisemblable est que le poison ait été mélangé au café moulu.

Abasourdie, Hiromi Wakayama fit vivement non de la tête.

— Je ne sais rien, moi !

— Dans ce cas, nous aimerions que vous répondiez au moins à nos questions. Savoir quand vous avez bu du café avec lui nous sera très utile. Cela nous aidera à déterminer à quel moment le meurtrier, et j’ai peut-être tort de parler de meurtre, nous n’en sommes pas encore sûrs, enfin, à quel moment quelqu’un a mélangé du poison au café. Alors ? conclut-il en se redressant pour la regarder de haut, avec l’intention de ne plus ouvrir la bouche jusqu’à ce qu’elle se mette à parler.

Elle se cacha la bouche des deux mains et laissa son regard divaguer sur la table.

— Ce n’est pas moi, lâcha-t-elle au bout de quelques instants.

— Quoi ?

— Ce n’est pas moi qui l’ai mis, reprit-elle en secouant la tête, le regard plaintif. Je n’ai pas mis de poison dans le café. Je vous le jure. Vous devez me croire.

Kusanagi et Kaoru Utsumi échangèrent un regard.

Hiromi Wakayama faisait indéniablement partie des suspects. Elle était tout en haut de leur liste. Elle avait eu l’opportunité de mettre le poison et, si elle était la maîtresse de Yoshitaka Mashiba, une brouille entre eux aurait pu lui fournir un motif. Peut-être avait-elle fait semblant de découvrir le crime pour cacher qu’elle en était l’auteur.

Pour l’instant, Kusanagi s’efforçait de lui parler sans aucune idée préconçue. Il n’avait pas conscience de lui avoir fait sentir qu’il la soupçonnait. La seule question qu’il lui avait posée concernait le moment où elle avait bu du café avec Yoshitaka Mashiba. Pourquoi lui avait-elle répondu cela ? Peut-être avait-elle perçu une insinuation dans sa question et essayé de devancer son attaque parce qu’elle était coupable.

— Nous ne vous soupçonnons pas, déclara-t-il en souriant. Comme je viens de vous le dire, nous cherchons à établir à quel moment le crime a eu lieu. Si vous avez rencontré M. Mashiba et que vous avez bu du café avec lui, pouvez-vous nous dire quand cela s’est produit, qui a préparé le café, et de quelle manière ?

Hiromi Wakayama, le visage pâle, paraissait inquiète. Kusanagi était incapable de déterminer si c’était seulement parce qu’elle hésitait à reconnaître sa liaison devant eux.

— Mademoiselle Wakayama ! intervint tout à coup Kaoru Utsumi.