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— Oui. Elles avaient servi pendant le dîner du vendredi.

— Normalement, elles sont rangées dans un meuble du salon. J’ai remarqué un espace vide leur correspondant dimanche soir.

— Et alors ? coupa Mamiya. Je dois être idiot, car je ne vois pas où est le problème.

Kusanagi partageait son incompréhension. Il regarda le profil volontaire de sa collègue.

— Pourquoi Mme Mashiba ne les a-t-elle pas rangées avant de partir ?

— Quoi ? s’exclama Kusanagi.

Mamiya posa la même question une seconde plus tard.

— Je ne vois pas comment le fait qu’elles aient ou non été rangées a de l’importance, ajouta Kusanagi.

— D’ordinaire, elle devait les ranger. Vous avez dû remarquer l’ordre qui règne dans le buffet, si rigoureux qu’on en devinait immédiatement la place de ces coupes. À mon avis, une personne comme elle ne supporte pas que les choses ne soient pas à leur place. Ce qui rend incompréhensible la présence des flûtes dans l’évier.

— Elle a pu oublier, non ?

La jeune femme secoua vigoureusement la tête en l’entendant.

— C’est impossible.

— Pourquoi ?

— Je ne dis pas qu’elle aurait pu ne pas y penser un jour ordinaire. Mais pas quand elle savait qu’elle allait s’absenter quelques jours. Cela me semble rigoureusement impossible.

Kusanagi et Mamiya échangèrent un regard. Mamiya semblait surpris. Kusanagi devinait que son propre visage exprimait le même étonnement. Ils n’avaient ni l’un ni l’autre prêté attention au point dont elle venait de leur parler.

— Je ne peux envisager qu’une seule explication, continua la jeune inspectrice. Elle avait prévu qu’elle ne serait pas absente longtemps. Elle a dû se dire qu’elle n’aurait qu’à les ranger à son retour.

Mamiya s’adossa au dossier de sa chaise et croisa les bras. Il leva ensuite les yeux vers Kusanagi.

— As-tu une objection à faire à ta jeune collègue ?

Kusanagi se gratta le front. Aucun argument ne lui vint à l’esprit.

— Pourquoi ne nous en as-tu pas parlé plus tôt ? Tu y as pensé dès hier soir, non ? demanda-t-il.

Elle pencha la tête sur le côté et esquissa un sourire, manifestant un embarras rare chez elle.

— Je craignais de m’entendre dire que j’attachais trop d’importance aux détails. Et j’ai pensé que si elle était coupable, on trouverait autre chose. Je vous présente mes excuses.

Mamiya soupira vigoureusement, avant de se tourner vers Kusanagi.

— Nous devons changer d’attitude. À quoi peut nous servir d’avoir à présent une femme dans notre équipe si l’ambiance qui y règne l’empêche de s’exprimer ?

— Ce n’est pas du tout mon sentiment, s’empressa de bredouiller Kaoru Utsumi, mais son chef l’arrêta de la main.

— Si tu as quelque chose à dire, tu dois le faire sans crainte. Que tu sois une femme ou la dernière arrivée chez nous n’a aucune importance. Je vais informer ma hiérarchie de ta déduction. Il ne faut pas que ça te monte à la tête. Je suis d’accord, le fait que Mme Mashiba n’ait pas rangé ces verres est bizarre. Pourtant cela ne prouve rien. Et ce que nous cherchons, ce sont précisément des preuves. Je vous donne l’ordre de vous mettre en quête d’éléments qui établissent l’alibi de Mme Mashiba. Vous n’avez pas besoin de penser à l’usage qui en sera fait. Vous m’avez compris ?

Kaoru Utsumi baissa les yeux et battit des cils.

— Oui, chef, répondit-elle ensuite en le regardant.

7

Hiromi ouvrit les yeux en entendant la sonnerie de son portable.

Elle ne dormait pas. Les yeux fermés, elle se reposait, allongée sur son lit. Elle s’apprêtait à passer une autre nuit sans sommeil, comme la précédente. Yoshitaka lui avait donné des somnifères quelque temps auparavant, mais elle avait peur de s’en servir.

Elle se releva lourdement en sentant qu’elle avait une légère migraine. L’idée de répondre la remplissait d’appréhension. Qui pouvait l’appeler à cette heure-ci ? Elle vit sur son réveil qu’il était près de vingt-deux heures.

Le nom qu’elle vit sur l’écran de son portable lui fit l’effet d’une douche froide. C’était Ayané. Elle se hâta de répondre.

— Bonsoir, fit-elle d’une voix rauque.

— Oh… excuse-moi. C’est moi, Ayané. Je t’ai réveillée ?

— Non, j’étais allongée, c’est tout. Euh… toutes mes excuses pour ce matin. Je n’ai pas pu revenir chez vous.

— Ce n’est pas grave. Comment te sens-tu, maintenant ?

— Ça va, merci. Et vous, vous n’êtes pas fatiguée ? demanda Hiromi en pensant à autre chose.

Les policiers avaient-ils parlé à Ayané de sa liaison avec Yoshitaka ?

— Si, un peu. Et je me sens perdue… Tout me semble irréel.

Hiromi avait la même sensation. Elle avait l’impression de vivre un cauchemar.

— Je vous comprends, glissa-t-elle.

— Tu es sûre que tu te sens mieux ? Tu n’es pas souffrante ?

— Mais non, je vais bien. Je suis sûre que je serai en état de travailler demain.

— Ne t’en fais pas pour le travail. En fait, je voulais te demander si on pouvait se voir tout de suite.

— Tout de suite… Vous êtes sûre ? demanda-t-elle en sentant l’angoisse l’envahir. Pourquoi ?

— Je préfère t’en parler de vive voix. Je n’en ai pas pour longtemps. Si tu es fatiguée, je peux venir chez toi.

Le téléphone collé à l’oreille, Hiromi fit non de la tête.

— Non, non, je vais venir chez vous. Il faut que je me prépare, je serai chez vous d’ici une heure.

— Je ne suis pas chez moi, mais à l’hôtel.

— Ah… Ah bon.

— Oui, j’ai décidé d’y aller parce que les policiers m’ont dit qu’ils devaient revenir. Je n’avais pas encore défait ma valise et je n’ai eu qu’à y ajouter quelques affaires.

L’hôtel qu’elle avait choisi était proche de la gare de Shinagawa. Hiromi lui dit qu’elle arrivait et raccrocha.

Que pouvait vouloir lui dire Ayané ? En s’habillant, elle ne cessa de s’interroger à ce sujet. Même si Ayané s’était inquiétée de son état de santé, elle avait utilisé un ton plutôt impératif. Il devait par conséquent s’agir de quelque chose d’urgent, ou de tellement important qu’elle devait l’en informer immédiatement.

Dans le train qui l’emmenait à Shinagawa, Hiromi ne put s’empêcher de continuer à y penser. Les policiers lui avaient-ils révélé sa liaison avec Yoshitaka ? Elle n’avait pas eu l’impression que la voix d’Ayané trahissait sa colère, mais peut-être avait-elle fait de grands efforts pour la contenir.

Si la police le lui avait appris, comment avait-elle réagi ? Hiromi n’arrivait pas à se l’imaginer. Elle ne l’avait jamais vue véritablement courroucée. Il était cependant impossible qu’elle soit dépourvue de la faculté de se fâcher.

Comment Ayané, une femme qui parlait d’une voix posée et ne s’emportait pas, accueillerait-elle la femme qui lui avait volé son mari ? Incapable de le prévoir, Hiromi se sentait mal à l’aise. Elle décida cependant de ne pas tenter de le nier si Ayané l’interrogeait. Il lui faudrait s’excuser et s’excuser. Ayané ne lui pardonnerait probablement pas, et ne manquerait pas de la congédier, mais Hiromi était résignée. Elle ressentait le besoin d’une solution définitive.

Arrivée à l’hôtel, elle téléphona à Ayané qui lui dit de monter dans sa chambre.

Elle l’y attendait, vêtue d’une tenue d’intérieur beige.

— Excuse-moi d’avoir insisté, alors que tu es fatiguée.