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Hiromi aurait préféré ne pas lui répondre, mais elle ne pouvait pas non plus lui mentir.

— Hier matin. Nous avons bu du café ensemble. Les policiers m’ont posé de nombreuses questions à ce sujet, mais je n’ai rien remarqué de bizarre. M. Mashiba était tout à fait normal.

— Ah bon ! souffla Ayané, qui inclina la tête comme pour réfléchir, avant de reposer les yeux sur Hiromi. Tu ne leur as rien caché, n’est-ce pas ? Tu leur as dit tout ce que tu savais, j’imagine.

— Oui, je pense.

— Très bien, mais si jamais tu as oublié quelque chose, tu dois absolument leur dire. Parce que leurs soupçons peuvent se tourner vers toi aussi.

— Peut-être me soupçonnent-ils déjà. Pour l’instant, je suis la seule personne à avoir rencontré M. Mashiba samedi.

— C’est vrai. Cela leur donne une bonne raison de te soupçonner.

— Je voulais vous demander… Vous croyez qu’il faudra que je leur dise que je vous ai rencontrée ce soir ?

— Euh… commença Ayané, en posant la main sur sa joue, perplexe. Tu n’as pas à leur cacher, en tout cas. Moi, cela m’est égal. En plus, s’ils s’en aperçoivent, cela pourrait renforcer leurs soupçons.

— Très bien.

Le visage d’Ayané se détendit.

— C’est assez particulier, non ? Une femme à qui son mari avait annoncé son intention de rompre discute avec sa maîtresse dans une chambre comme celle-ci. Sans se disputer, parce qu’elles sont désorientées toutes les deux. D’ailleurs, si nous pouvons le faire, c’est peut-être parce qu’il est mort.

Hiromi ne réagit pas, mais elle pensait la même chose. Si cela avait pu ramener Yoshitaka à la vie, elle aurait accepté avec plaisir de se faire conspuer. Elle était convaincue qu’elle souffrait plus de sa disparition qu’Ayané. Mais elle savait aussi qu’elle ne pouvait pour l’instant lui expliquer pourquoi.

8

La maison des parents d’Ayané Mashiba était située dans un agréable quartier résidentiel. Comme le rez-de-chaussée servait de garage, il était administrativement considéré comme une cave. Leur maison avait deux étages, mais dans les documents de propriété, elle apparaissait comme une maison avec un rez-de-chaussée et un étage.

— C’est fréquent par ici, expliqua Kazunori Mita en cassant un cracker au riz. Comme il neige beaucoup en hiver, ce n’est pas pratique d’avoir l’entrée de la maison au rez-de-chaussée.

— Je comprends, fit Kusanagi en hochant la tête tout en tendant la main vers le gobelet à thé que lui avait apporté Tokiko Mita, la mère d’Ayané, qui était assise à côté de son mari, le plateau en équilibre sur ses genoux.

— Vous ne pouvez imaginer à quel point la mort du mari de notre fille nous a surpris. Apprendre qu’il ne s’agissait ni d’un accident ni d’une maladie nous a paru incompréhensible. Mais de là à penser que quelqu’un de la police viendrait nous voir… continua Kazunori en levant ses sourcils poivre et sel.

— Nous ne sommes pas encore absolument certains qu’il s’agisse d’un meurtre, précisa Kusanagi pour la forme.

Son interlocuteur fit une mine perplexe. Il était mince, et son visage paraissait d’autant plus ridé.

— Il devait avoir beaucoup d’ennemis. C’est souvent le cas des hommes d’affaires qui réussissent. Mais quand même, qui a pu faire une chose aussi affreuse…

Kazunori Mita avait travaillé dans une banque jusqu’à sa retraite, cinq ans plus tôt, et il avait sans doute fréquenté un grand nombre d’hommes d’affaires.

— Euh… commença sa femme. Comment va Ayané ? Elle nous a dit de ne pas nous faire de souci pour elle mais…

Une mère pense d’abord à sa fille.

— Elle est très forte. Le choc a dû être terrible pour elle, et nous lui sommes reconnaissants de collaborer à notre enquête.

— Vraiment ? Vous me rassurez, répondit sa mère, sans pour autant paraître moins préoccupée.

— Votre fille est arrivée ici samedi, n’est-ce pas ? Elle nous a dit que vous, monsieur Mita, n’étiez pas en très bonne santé.

Kusanagi se décida à aborder le sujet de sa visite en le regardant. Il était maigre et avait mauvaise mine, mais il ne semblait pas malade.

— J’ai eu une pancréatite il y a trois ans, dont je ne me suis pas vraiment remis. J’ai parfois de la fièvre et des douleurs au ventre et au dos, qui m’empêchent de bouger. Mais je m’efforce de faire comme si tout allait bien.

— Vous n’aviez cependant pas particulièrement besoin de la présence de votre fille ?

— Non, pas particulièrement. N’est-ce pas ? répondit Kazunori en recherchant l’approbation de son épouse.

— Elle nous a téléphoné vendredi en fin de journée pour nous apprendre qu’elle arrivait le lendemain. Parce qu’elle se faisait du souci pour son père et qu’elle n’était pas venue nous voir une seule fois depuis son mariage.

— Elle ne vous a rien dit d’autre ?

— Non.

— Elle ne vous a pas non plus indiqué combien de temps elle pensait rester ?

— Non. Quand je lui ai demandé combien de temps elle passerait chez nous, elle m’a dit qu’elle ne le savait pas encore.

À en croire les parents d’Ayané, elle n’avait aucune raison impérieuse de revenir chez eux. Pourquoi, dans ce cas, avait-elle décidé de le faire ?

La première raison qui vient à l’esprit pour expliquer qu’une femme mariée agisse ainsi est un différend avec son mari.

— Dites, monsieur l’inspecteur, reprit Kazunori après quelques instants de silence, j’ai l’impression que vous vous intéressez particulièrement à la décision d’Ayané de venir nous voir. Elle vous pose un problème ?

Il était retraité, mais sa longue expérience des contacts humains lui avait fait deviner, probablement après avoir envisagé plusieurs hypothèses, le but de la visite de cet inspecteur venu exprès de Tokyo.

— Si M. Mashiba a été assassiné, il se peut que le meurtrier ait choisi d’agir en profitant de l’absence de votre fille, commença Kusanagi d’un ton posé. Dans ce cas, nous devons nous demander comment il savait qu’elle ne serait pas chez elle. Voilà pourquoi je suis venu vous déranger. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est important pour notre enquête.

— Ah, je vois… commenta son interlocuteur sans que Kusanagi pût déterminer s’il était sincère ou non.

— Une fois arrivée chez vous, comment votre fille a-t-elle passé son temps ? demanda Kusanagi en regardant alternativement les parents d’Ayané.

— Le premier jour, elle n’est pas sortie de la maison. À part le soir, quand nous sommes allés manger des sushis dans un restaurant du quartier, qu’elle aime beaucoup.

— Vous pouvez préciser son nom ?

Une expression soupçonneuse apparut sur le visage de Tokiko et de son mari.

— Cela pourra s’avérer important plus tard, et je préfère tout vérifier pendant que je suis ici. J’espère que vous le comprendrez. Venir jusqu’ici n’est pas si simple pour nous.

Sans paraître convaincue par ce qu’elle venait d’entendre, Tokiko lui fournit l’information requise.

— Et dimanche, elle a été dans une source thermale avec une amie, n’est-ce pas ?

— Oui, avec Saki, une amie d’enfance, dont les parents habitent à cinq minutes à pied d’ici. Depuis qu’elle est mariée, elle s’est installée dans l’arrondissement de Minami, mais Ayané l’a appelée samedi soir et elles ont décidé d’aller ensemble à Jozankei.

Kusanagi hocha la tête en regardant son carnet. Mamiya avait appris d’Ayané le nom de cette amie, Sakiko Motooka, à qui Kaoru Utsumi devait rendre visite en revenant de Jozankei.