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— Ah… vous avez raison, fit Kaoru en croisant les bras, tête baissée. Dans les deux cas, il faut écarter Ayané Mashiba de la liste des suspects, n’est-ce pas ?

Sans répondre à sa question, Yukawa la fixa des yeux.

— Et que comptez-vous faire à présent ? Si l’épouse n’est pas coupable, allez-vous, comme Kusanagi, envisager que la maîtresse de la victime soit coupable ?

Elle secoua la tête.

— Non, je ne pense pas.

— Vous m’avez l’air sûre de vous. Expliquez-moi pourquoi. Vous n’allez quand même pas me dire qu’elle n’avait aucune raison de tuer l’homme qu’elle aimait.

Yukawa se rassit, et croisa les jambes.

Kaoru dissimula son embarras. C’est ce qu’elle s’apprêtait à lui dire. Elle n’avait pas d’autres preuves.

En regardant Yukawa, elle se rendit compte que lui non plus ne croyait pas à la culpabilité de Hiromi Wakayama, et qu’il avait sans doute de bonnes raisons pour cela. Il ne savait de cette affaire que ce qu’elle lui avait raconté. Lui avait-elle à son insu fourni un indice sur l’impossibilité pour Hiromi Wakayama d’avoir placé le poison dans la bouilloire ?

— Ah ! s’exclama-t-elle en relevant la tête.

— Qu’y a-t-il ?

— Elle aurait lavé la bouilloire.

— Comment ça ?

— Si elle y avait mis le poison, elle aurait lavé la bouilloire avant l’arrivée de la police. C’est elle qui a découvert le corps. Elle avait le temps de le faire.

Yukawa hocha la tête, l’air satisfait.

— Exactement. J’ajoute que si elle était coupable, elle aurait non seulement lavé la bouilloire, mais elle se serait débarrassée du filtre et du marc de café. Elle aurait aussi laissé à proximité du corps le sachet qui avait contenu le poison. Pour faire croire à un suicide.

— Je vous remercie, fit Kaoru en s’inclinant légèrement. Je suis contente d’être venue vous voir, continua-t-elle en se dirigeant vers la porte.

— Hé ! l’arrêta Yukawa. Je ne pense pas que je pourrais moi-même aller sur les lieux du crime, mais cela m’aiderait d’avoir des photos.

— Des photos de quoi ?

— De la cuisine où a été préparé ce café empoisonné. Ainsi que de la vaisselle qui a servi, et de la bouilloire.

Kaoru écarquilla les yeux.

— Vous êtes prêt à m’aider ?

Yukawa se gratta la tête en faisant la grimace.

— En tout cas à y réfléchir un peu si j’ai le temps. Pour décider si quelqu’un qui se trouve à Hokkaido peut tuer une personne qui est à Tokyo.

Kaoru ne put retenir un sourire. Elle ouvrit son sac d’où elle sortit une chemise.

— C’est pour vous.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Ce que vous m’avez demandé. Je les ai prises ce matin.

Ébahi, Yukawa ouvrit la chemise.

— Si nous arrivions à percer cette énigme, c’est à vous qu’il faudra demander conseil ! glissa-t-il avant d’ajouter, avec emphase : Du moins c’est ce que je dirai à Kusanagi !

10

Lorsque Kusanagi téléphona à Hiromi Wakayama, elle lui apprit qu’elle se trouvait à Daikanyama, dans l’atelier de patchwork d’Ayané Mashiba.

Il y partit en voiture avec Kishitani, qui conduisait. L’atelier se trouvait au deuxième étage d’un immeuble. Sa façade blanche était couverte de carrelage, mais il n’y avait pas d’interphone à l’entrée sur rue de ce quartier élégant, à la différence de la plupart des immeubles aujourd’hui. Les deux policiers prirent l’ascenseur. Le panneau fixé sur la porte de l’appartement 305 indiquait : Ann’s House.

Ils sonnèrent. Hiromi Wakayama, qui leur ouvrit, les accueillit avec une expression inquiète.

— Désolé de vous déranger, dit Kusanagi en faisant un pas vers l’intérieur.

Au moment où il allait continuer, il s’interrompit, décontenancé. Il venait d’apercevoir Ayané Mashiba au fond de la pièce.

— Il y a du nouveau ? demanda-t-elle en venant à leur rencontre.

— Je ne savais pas que vous étiez ici.

— Nous étions en train de parler de ce que nous allons faire. Vous avez encore quelque chose à lui demander ? Je pensais qu’elle vous avait déjà tout dit, fit-elle d’une voix douce, très calme.

Kusanagi y perçut cependant sa réprobation et il se recroquevilla sous son regard hostile.

— L’enquête a légèrement progressé, répondit-il en se tournant vers Hiromi Wakayama. Nous voudrions que vous nous accompagniez à la préfecture de police.

La jeune femme écarquilla les yeux. Puis elle battit vivement des cils.

— De quoi s’agit-il ? demanda Ayané. Pourquoi doit-elle vous accompagner ?

— Il ne nous est pas possible de vous le dire pour l’instant. Mademoiselle Wakayama, vous acceptez, n’est-ce pas ? Soyez rassurée, nous ne sommes pas venus dans une voiture de police.

Hiromi Wakayama tourna un regard apeuré vers Ayané puis elle hocha la tête.

— Très bien. Vous me laisserez repartir, n’est-ce pas ?

— Oui, une fois que vous aurez répondu à nos questions.

— Laissez-moi le temps de me préparer.

Elle alla chercher son manteau et son sac dans l’autre pièce. Kusanagi n’osait pas affronter le regard d’Ayané. Il avait l’impression qu’elle continuait à le défier des yeux.

Hiromi Wakayama suivit Kishitani dans le couloir. Ayané arrêta Kusanagi au moment où il s’apprêtait à en faire autant.

— Attendez, s’il vous plaît ! fit-elle en le prenant par le bras, avec une vigueur qui le surprit. Vous soupçonnez Hiromi ? Je me trompe, n’est-ce pas ?

Kusanagi était embarrassé. Kishitani l’attendait devant la porte de l’appartement.

— Je vous rejoindrai dans la voiture, lui lança-t-il et il referma la porte en regardant Ayané.

— Oh… pardon, dit-elle en lâchant son bras. Il est impossible qu’elle soit coupable. Vous vous trompez lourdement si vous pensez le contraire.

— Nous devons examiner toutes les possibilités.

Ayané secoua vigoureusement la tête.

— Et celle-ci est égale à zéro. Elle n’a pas tué mon mari. J’imagine que vous le savez, non ?

— Que voulez-vous dire ?

— Vous êtes au courant de sa liaison avec mon mari, n’est-ce pas ?

Pris au dépourvu, Kusanagi hésita.

— Vous le saviez ?

— Nous en avons parlé l’autre jour. Je l’ai interrogée, et elle a tout reconnu.

Ayané entreprit de lui raconter la manière dont leur entretien s’était déroulé. Que, quelques minutes auparavant, les deux femmes aient discuté de leur collaboration professionnelle malgré les circonstances parut plus étrange encore à Kusanagi. Il était sidéré. Sans doute pouvaient-elles le faire car le mari d’Ayané était mort, mais le policier était incapable d’imaginer l’état d’esprit des deux femmes.

— Je suis partie à Sapporo parce que l’idée de rester dans la maison m’était insupportable une fois qu’il m’avait annoncé son intention de me quitter. Je vous ai menti, et je vous prie de m’en excuser, fit-elle en baissant la tête. Mais elle n’avait aucune raison de tuer mon mari. Je vous en supplie, cessez de la considérer comme suspecte.

Son ton pressant troubla Kusanagi. L’entendre plaider à ce point la cause de celle qui lui avait volé son mari lui paraissait incroyable.

— J’y vois plus clair à présent. Mais nous ne pouvons pas nous baser seulement sur les sentiments. Notre devoir est d’enquêter impartialement, à partir de preuves matérielles.

— De preuves matérielles ? Dois-je comprendre que vous disposez d’éléments qui établissent sa culpabilité ? demanda Ayané, en lui lançant un regard soupçonneux.