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Kusanagi soupira et réfléchit rapidement. Lui parler du nouvel élément qui conduisait les enquêteurs à considérer la jeune femme comme suspecte ne nuirait pas à l’enquête, se dit-il.

— Nous savons à présent comment le poison a été introduit dans le café, commença-t-il.

Il lui expliqua que des traces d’arsenic avaient été retrouvées dans la bouilloire, et que Hiromi Wakayama était la seule personne dont la présence était attestée chez les Mashiba le jour du meurtre.

— Dans la bouilloire… Vraiment…

— Il ne s’agit pas d’une preuve irréfutable. Nous ne pouvons cependant que soupçonner votre assistante, dans la mesure où elle est la seule personne qui aurait pu l’y mettre.

— Mais… commença Ayané sans finir sa phrase.

— Je ne peux pas rester plus longtemps, l’interrompit Kusanagi avant de quitter l’atelier en la saluant de la tête.

Sitôt le petit groupe arrivé dans les locaux de la police métropolitaine, Mamiya entama l’interrogatoire de Hiromi Wakayama. Il avait préféré ces bureaux au commissariat de Meguro où se trouvait le quartier général de l’enquête parce qu’il estimait ainsi augmenter les chances qu’elle passe aux aveux. Si elle devait le faire, elle serait ramenée au commissariat de Meguro. Cela permettrait de fournir aux médias la possibilité d’assister à l’arrivée de la suspecte au moment de son arrestation.

Pendant que Kusanagi attendait dans son bureau les résultats de l’interrogatoire, Kaoru Utsumi revint. La première chose qu’elle lui dit était que Hiromi Wakayama n’était pas coupable.

Le découragement l’envahit en écoutant sa collègue. Non parce que ses explications étaient dépourvues d’intérêt, bien au contraire. La logique de sa collègue – pourquoi Hiromi Wakayama n’aurait-elle pas fait disparaître le poison de la bouilloire si elle l’y avait mis ? – était convaincante.

— Veux-tu dire que quelqu’un d’autre l’y a introduit ? N’oublie pas que ce ne peut être Ayané Mashiba.

— Je ne sais pas de qui il s’agit. Ce ne peut être que quelqu’un qui est venu chez les Mashiba dimanche après le départ de Wakayama.

Kusanagi fit non de la tête.

— Personne n’est venu chez eux. Yoshitaka Mashiba a passé la journée seul.

— Tu ne penses pas que c’est juste que nous n’avons pas encore trouvé cette personne ? En tout cas, interroger Hiromi Wakayama n’a aucun sens. Cela pourrait même être considéré comme une violation de ses droits.

Le ton de sa collègue, encore plus assuré que d’ordinaire, fit vaciller Kusanagi. La sonnerie de son portable le tira d’embarras. Heureux de cette diversion, il regarda qui l’appelait et sursauta en lisant le nom d’Ayané Mashiba.

— Je suis confuse de vous déranger en plein travail, mais il faut que je vous parle…

— De quoi s’agit-il ? demanda-t-il en serrant plus fort son téléphone.

— C’est à propos du poison retrouvé dans la bouilloire. Je pense que cela ne signifie pas nécessairement que quelqu’un l’y ait mis.

Kusanagi, qui s’attendait à ce qu’elle l’adjure de laisser repartir son assistante, était perplexe.

— Comment ça ?

— J’aurais peut-être dû vous en parler plus tôt mais il se trouve que mon mari, par souci pour sa santé, ne buvait jamais d’eau du robinet. Je me servais uniquement d’eau filtrée pour la cuisine, vous savez, le second robinet sur l’évier. Il ne buvait que de l’eau en bouteille, et s’en servait aussi pour le café. C’est ce qu’il a dû faire quand il s’est préparé ce café.

Il comprit où elle voulait en venir.

— Vous pensez que le poison pourrait venir de l’eau de la bouteille ?

Kaoru Utsumi l’entendit, car il la vit soulever un sourcil.

— Exactement. Par conséquent, vous faites fausse route si vous soupçonnez uniquement Hiromi. Elle n’est pas la seule personne à avoir eu l’opportunité d’y mettre le poison.

— Je vois…

— Quelqu’un d’autre, continua Ayané Mashiba, moi par exemple, aurait pu le faire.

11

Il était vingt heures passées lorsque Kaoru quitta l’agence métropolitaine de police au volant de sa voiture pour raccompagner Hiromi Wakayama chez elle. L’interrogatoire de la jeune femme avait duré presque deux heures, c’est-à-dire beaucoup moins longtemps que ce qu’avait dû prévoir Mamiya.

S’il avait été écourté, c’était avant tout à cause de l’appel de l’épouse de la victime. Selon elle, son mari lui avait ordonné de n’utiliser que de l’eau en bouteille pour préparer le café. Si elle disait la vérité, Hiromi Wakayama n’était pas la seule personne susceptible d’y avoir introduit du poison, car cela pouvait être fait à l’avance.

Mamiya n’avait apparemment pas réussi à trouver une manière efficace d’attaquer la jeune femme qui affirmait en pleurant qu’elle n’était pas responsable, et c’est à regret qu’il avait accepté de la laisser repartir, comme le lui avait suggéré Kaoru Utsumi.

Assise à côté de la jeune inspectrice, elle gardait obstinément le silence. Kaoru n’avait aucun mal à imaginer qu’elle était nerveusement épuisée. Elle avait vu des hommes s’effondrer après un interrogatoire mené par un policier expérimenté. Il faudrait sans doute quelques heures à la jeune femme pour se remettre de ses émotions. Elle ne manquerait pas de lui adresser la parole si elle se sentait mieux. Mais maintenant qu’elle savait que la police la considérait comme faisant partie des suspects, elle n’avait aucune raison d’avoir des sentiments amicaux pour l’inspectrice qui la ramenait chez elle.

Hiromi sortit soudain son portable. Quelqu’un était en train de l’appeler.

— Allô, souffla-t-elle. Oui, ça vient tout juste de finir. Je suis en train de rentrer chez moi… Non, la jeune inspectrice a bien voulu me ramener… Non, pas au commissariat de Meguro, à l’agence de police métropolitaine, donc ça va prendre un peu plus longtemps… Oui, je vous remercie, continua-t-elle en parlant tout bas avant de raccrocher.

— C’était Mme Mashiba ? demanda Kaoru d’un ton posé.

La jeune femme se crispa en entendant sa voix.

— Oui. Cela pose un problème ?

— Elle a appelé Kusanagi tout à l’heure. Elle se fait du souci pour vous.

— Vous croyez ?

— Vous lui avez parlé de votre relation avec M. Mashiba, n’est-ce pas ?

— Comment le savez-vous ?

— Par Kusanagi, à qui Mme Mashiba en a parlé. Pendant que vous étiez dans nos locaux.

Comme Hiromi se taisait, Kaoru lui jeta un coup d’œil à la dérobée. Les yeux baissés, sa passagère avait la mine défaite. L’idée que quelqu’un d’autre savait tout ne pouvait lui plaire.

— Au risque de vous choquer, cela me paraît bizarre. Au lieu de vous quereller, vous continuez à vous conduire l’une avec l’autre comme si rien ne s’était passé.

— Je pense… que c’est parce que M. Mashiba est mort.

— Mais tout de même… Pardonnez ma franchise.

Il y eut un silence, puis Hiromi ajouta qu’elle était d’accord avec elle. La jeune inspectrice eut l’impression qu’elle non plus ne s’expliquait pas cette étrange relation.

— J’aimerais vous poser deux ou trois questions, si vous voulez bien.

Hiromi soupira de manière audible.

— Vous en avez encore ?

— Je sais que vous êtes épuisée. Mais je serai brève, et je ne pense pas que vous trouverez mes questions blessantes.

— C’est à quel sujet ?

— Dimanche matin. Vous avez bu du café avec M. Mashiba, n’est-ce pas ? Que vous aviez préparé.

— Encore ! s’écria Hiromi d’une voix geignarde. Je n’ai rien fait. Le poison, ce n’est pas moi.