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— Hiromi, comment vont les choses de votre côté ? Je voulais dire, du côté des cours de patchwork que vous donnez maintenant.

— Tout va bien pour l’instant, même si j’ai encore du mal à prendre des décisions.

— Vous vous reposez entièrement sur Hiromi à présent ? demanda Yukiko à Ayané, qui répondit par un hochement de tête avant d’ajouter :

— Je n’ai plus rien à lui apprendre.

— Vous êtes très forte, s’extasia Yukiko en tournant un regard admiratif vers Hiromi.

Hiromi baissa les yeux en esquissant un sourire modeste. Elle ne pouvait s’empêcher de trouver étrange l’intérêt que lui manifestaient les Ikai. Peut-être était-ce parce que sa participation à ce dîner leur semblait inopportune qu’ils se sentaient obligés de lui faire la conversation.

— J’allais oublier… s’écria la maîtresse de maison en se levant pour aller prendre un grand sac en papier posé près du canapé. C’est pour vous !

Yukiko poussa un cri de surprise en se cachant la bouche des deux mains.

Il s’agissait d’un couvre-lit en patchwork d’une taille plus petite que la normale.

— J’espère que vous vous en servirez pour le lit du bébé. Ensuite, s’il vous plaît, vous pourrez l’utiliser comme tapisserie.

— Il est magnifique. Merci, Ayané ! lança Yukiko, en le tenant avec précaution, le visage ému. Soyez sûre que j’en prendrai bien soin. Merci, du fond du cœur.

— Cela représente un travail considérable, non ? Combien de temps demande une telle création ? ajouta Ikai en cherchant le regard de Hiromi.

— Autour de six mois, je pense, répondit-elle en se tournant vers Ayané.

Un seul coup d’œil lui avait suffi pour comprendre la manière dont il avait été fabriqué.

La tête penchée de côté, Ayané regarda sa création d’un air dubitatif.

— Tout ce qui compte pour moi est qu’il vous plaise.

— Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis contente ! Tatsuhiko, je ne suis pas sûre que tu sois conscient de la valeur de ce cadeau. Une création d’Ayané Mita ! Sais-tu que, dans sa dernière exposition dans une galerie de Ginza, les couvre-lits d’une place valaient un million de yens ?

Son mari écarquilla les yeux. Il paraissait étonné d’apprendre que quelques bouts de tissus cousus ensemble pouvaient coûter une telle somme.

— Tu aurais dû voir la ferveur avec laquelle elle l’a réalisé, ajouta Yoshitaka. Même les jours où j’étais à la maison, elle passait son temps à tirer l’aiguille, assise sur le canapé du salon. Du matin au soir. J’en étais impressionné.

— Heureusement que je l’ai fini à temps, murmura Ayané en plissant les yeux.

On passa au salon après le dîner, et les hommes décidèrent de prendre un whisky. Yukiko ayant exprimé le désir de boire une deuxième tasse de café, Hiromi se leva pour aller en refaire dans la cuisine, mais Ayané lui dit, tout en remplissant la bouilloire au robinet :

— Je vais m’en occuper. Tu veux bien sortir les verres à whisky et apporter de la glace ?

Lorsque Hiromi revint dans le salon avec un plateau chargé de verres et d’un seau à glace, la conversation portait sur le jardin. Celui de la maison était illuminé, de manière à pouvoir être admiré même de nuit.

— C’est du travail, toutes ces fleurs, non ? commenta Ikai.

— Je n’en sais rien, mais elle s’occupe tous les jours de celles du jardin comme des jardinières du balcon à l’étage. Cela me paraît beaucoup, mais elle affirme en retirer de grandes satisfactions. Elle a une véritable passion pour les fleurs, répondit Yoshitaka que le sujet intéressait visiblement peu.

Hiromi connaissait son manque d’intérêt pour les plantes et la nature, et elle n’en fut pas surprise.

Ayané les rejoignit en apportant le café. Hiromi se chargea de servir le whisky aux messieurs.

Il était un peu plus de vingt-trois heures lorsque les Ikai manifestèrent leur intention de rentrer chez eux.

— Merci pour ce délicieux dîner, et cet extraordinaire cadeau, dit Ikai en s’inclinant profondément. J’espère que vous viendrez nous voir bientôt. Il ne faudra pas vous étonner de l’état de notre maison, avec le bébé…

— Ne t’en fais pas, tu retrouveras vite ta maison bien rangée, lança sa femme sur un ton moqueur en lui donnant un petit coup de coude dans les côtes. Nous avons très envie que vous fassiez connaissance avec notre petit prince joufflu.

— Ce sera avec grand plaisir, répondit Ayané.

Consciente de l’heure tardive, Hiromi décida de partir en même temps que les Ikai, qui lui offrirent de partager leur taxi. Au moment où elle remettait ses chaussures dans l’entrée, Ayané lui rappela qu’elle s’absenterait à partir du lendemain matin.

— J’avais oublié le long week-end qui commence demain. Vous partez en voyage ? demanda Yukiko.

— Non, je dois aller voir mes parents.

— Vos parents ? À Sapporo ?

Ayané hocha la tête en souriant.

— Mon père ne va pas très bien et je vais donner un coup de main à ma mère. Je ne pense pas que ce soit grave, mais…

— Je l’espère pour lui. Si vous nous l’aviez dit, nous aurions reporté le dîner. Je suis tout à fait confus, s’écria Ikai en portant la main à son front.

Ayané fit non de la tête.

— Ce n’était pas la peine. Mon père ne va pas si mal, c’est très gentil de vous faire du souci pour lui. Bon, Hiromi, je compte sur toi, et n’hésite pas à me téléphoner sur mon portable si tu as besoin de moi.

— Quand serez-vous de retour ?

— Je ne sais pas encore… répondit Ayané en inclinant la tête. Je t’appellerai sitôt que j’aurai décidé.

— Très bien.

Hiromi jeta un coup d’œil en direction de Yoshitaka qui fixait le vide.

Ikai et les deux femmes trouvèrent un taxi sitôt qu’ils arrivèrent sur l’avenue. Comme Hiromi serait la première à descendre, elle y monta la dernière.

— Je crains que nous n’ayons un peu trop parlé du bébé, déclara Yukiko une fois que le taxi roulait.

— Pourquoi dis-tu cela ? Ils nous ont invités pour célébrer sa naissance, non ? répondit Ikai qui s’était assis à côté du chauffeur.

— Oui, mais j’ai l’impression que nous aurions pu être un peu plus discrets. Je crois qu’eux aussi aimeraient bien que cela leur arrive.

— Tu as raison, Mashiba m’en a parlé autrefois.

— Peut-être ont-ils du mal. Hiromi, vous savez quelque chose à ce sujet ?

— Non, rien du tout.

— Ah bon ! fit Yukiko, sans se donner la peine de dissimuler sa déception.

L’idée que les Ikai lui avaient peut-être offert de partager leur taxi dans l’espoir d’apprendre quelque chose d’elle traversa l’esprit de Hiromi.

Le lendemain matin, elle sortit de chez elle à neuf heures, comme à son habitude, pour aller au studio Ann’s House. Hiromi enseignait dans l’appartement d’un immeuble du quartier de Daikanyama, dont Ayané avait fait son atelier de patchwork. Une trentaine d’élèves, attirées par la renommée dont jouissait Ayané Mita chez les amateurs de patchwork, le fréquentaient.

En sortant de l’ascenseur, Hiromi fut surprise de voir Ayané qui lui souriait, debout devant la porte de l’atelier, une valise posée à côté d’elle.

— Que vous arrive-t-il ?

— Rien de grave ! Je voulais juste te confier cela, dit-elle en sortant une clé de sa poche.

— Mais…

— C’est la clé de chez nous. Je ne sais pas exactement combien de temps je serai absente et je me fais un peu de souci pour la maison. Mais si tu as la clé…

— Vraiment ? Vous êtes sûre ?

— Pourquoi ? Ça t’ennuie ?