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— Non, pas du tout, mais vous en avez une autre ?

— Ne t’en fais pas pour ça. Je t’appellerai pour te dire quand je rentre, et si jamais tu ne peux pas être là, j’attendrai le retour de Yoshitaka le soir.

— Si vous le souhaitez, j’accepte, cela va de soi.

— Merci ! s’écria Ayané.

Elle glissa la clé dans les mains de Hiromi, lui dit au revoir et se dirigea vers l’ascenseur en tirant sa valise.

— Écoutez, je… bafouilla Hiromi en la voyant s’éloigner.

Ayané s’immobilisa et se retourna vers elle.

— Qu’y a-t-il ?

— Rien. J’ai oublié de vous souhaiter bon voyage.

— Merci, répondit Ayané qui repartit en lui faisant au revoir de la main.

Hiromi passa la journée à l’atelier. Les élèves se succédèrent sans lui laisser le temps de faire une pause. Lorsque la dernière partit, ses épaules et son cou étaient endoloris.

Son portable sonna au moment où elle s’apprêtait à quitter l’atelier qu’elle venait de ranger. Elle regarda l’écran et vit que l’appel venait de Yoshitaka.

— Tu as fini ? demanda-t-il sans s’embarrasser de préambules.

— Oui, à l’instant.

— Bien. Je suis encore en rendez-vous. Je rentrerai sitôt que j’aurai terminé. Retrouve-moi à la maison.

Prise au dépourvu par cette demande formulée sans ambages, elle ne sut que répondre.

— Qu’y a-t-il ? Ça ne te convient pas ?

— Si mais… Tu es sûr ?

— Tu sais très bien qu’elle ne va pas revenir tout de suite.

Hiromi l’écouta en regardant son sac dans lequel se trouvait la clé que lui avait confiée Ayané.

— J’ai des choses à te dire.

— Quoi donc ?

— Je t’en parlerai de vive voix. Je serai rentré pour neuf heures. Appelle-moi pour me dire quand tu arrives, dit-il avant de raccrocher.

Elle le fit après avoir dîné dans un restaurant d’une chaîne connue pour ses plats de pâtes à l’italienne. Il était rentré et il lui recommanda d’un ton chaleureux de se dépêcher.

Dans le taxi, Hiromi fut submergée par une vague de dégoût pour elle-même. L’attitude de Yoshitaka, qui ne paraissait nullement tourmenté par la mauvaise conscience, la choquait, mais elle devait aussi reconnaître qu’elle en était ravie.

Il lui fit bon accueil. Elle ne décela pas la moindre trace d’embarras chez lui. Il était parfaitement à l’aise.

Une odeur de café flottait dans le salon.

— Cela faisait longtemps que je n’en avais pas fait. Je ne suis pas sûr du résultat, commenta-t-il en revenant de la cuisine avec deux tasses, mais aucune soucoupe.

— C’est la première fois que je te vois aller dans la cuisine.

— Vraiment ? Tu as sans doute raison. Depuis que je suis marié, je ne fais plus rien à la maison.

— Tu as une épouse parfaite, commenta Hiromi en buvant une gorgée du café amer.

Yoshitaka fit la grimace.

— Il est trop fort.

— Je peux en refaire si tu veux.

— Ce n’est pas la peine. Tu t’occuperas du prochain, fit-il en posant sa tasse sur la table basse en marbre du salon. Hier, je lui ai tout dit.

— Je m’en doutais.

— Sans préciser qu’il s’agissait de toi. Je lui ai dit qu’elle ne connaissait pas l’autre femme. Je ne sais pas si elle m’a cru.

Hiromi se souvint du sourire d’Ayané lorsqu’elle lui avait donné la clé de la maison le matin même. Il lui avait paru sincère.

— Et comment a-t-elle réagi ?

— Elle a accepté ma proposition.

— Vraiment ?

— Oui. Je t’avais dit qu’elle n’opposerait pas de résistance.

Hiromi secoua la tête.

— Je me rends compte que cela doit sonner bizarre dans ma bouche, mais j’avoue que je ne comprends pas.

— C’était une règle entre nous. Énoncée par moi, je l’admets. Tout ça pour dire que tu n’as plus de souci à te faire. Tout est arrangé.

— Tu en es certain ?

— Évidemment, dit-il en lui passant le bras sur les épaules pour la faire venir près de lui.

Elle se blottit contre lui et sentit sa bouche se rapprocher de son oreille.

— Ce soir, tu dors ici, hein !

— Dans votre chambre ?

Mashiba sourit.

— Dans la chambre d’amis. Elle a un lit double.

Hiromi acquiesça sans réussir à se débarrasser de son sentiment de mal faire, de son hésitation, de ses craintes.

Le lendemain matin, Yoshitaka la rejoignit dans la cuisine au moment où elle commençait à préparer le café.

— Montre-moi comment il faut faire !

— C’est Ayané qui m’a appris, tu sais.

— Ça ne me dérange pas. Vas-y, dit-il en croisant les bras.

Hiromi mit soigneusement un filtre en papier dans le porte-filtre, puis elle mesura le café moulu à l’aide du doseur. Il hocha la tête en l’observant.

— Il faut d’abord humecter le café moulu. Avec un tout petit peu d’eau bouillante. Et attendre qu’il gonfle, expliqua-t-elle en joignant le geste à la parole.

Elle laissa passer une vingtaine de secondes avant d’en verser à nouveau.

— Tu vois, il faut faire ce geste, en rond, pour permettre au café de rester également gonflé partout. Et arrêter sitôt que le café dans la cafetière atteint le niveau indiqué pour deux tasses. À ce moment-là, il faut vite enlever le porte-filtre. Faute de quoi, le café sera trop léger.

— C’est plus compliqué que je ne pensais.

— Autrefois, tu t’en faisais, non ?

— J’avais une cafetière électrique, mais elle s’en est débarrassée après notre mariage. Elle le trouve meilleur fait à la main.

— Comme elle sait que tu ne peux pas vivre sans café, elle voulait que celui que tu boives soit le meilleur possible.

Yoshitaka hocha légèrement la tête de droite à gauche, avec la petite grimace qu’il faisait chaque fois que Hiromi soulignait les qualités de son épouse.

Ils burent le café fraîchement passé, et il le déclara meilleur que celui de la veille.

Ann’s House était fermé le dimanche, mais Hiromi enseignait ce jour-là le patchwork dans un centre culturel du quartier d’Ikebukuro, un emploi qu’Ayané lui avait procuré.

Yoshitaka lui avait demandé de l’appeler quand elle aurait terminé. Il voulait dîner avec elle. Hiromi n’avait aucune raison de décliner son invitation.

Il était dix-neuf heures passées lorsque son dernier cours s’acheva. Elle lui téléphona en se préparant à partir, mais elle n’arriva pas à le joindre. Son portable sonnait, mais il ne décrochait pas. Elle n’eut pas plus de succès avec le téléphone fixe des Mashiba.

Était-il sorti ? Cela ne lui ressemblait pas d’oublier son portable.

Elle se résolut à passer chez lui. Chemin faisant, elle essaya plusieurs fois de l’appeler.

Arrivée devant la maison, elle vit qu’il y avait de la lumière dans le salon. Mais il ne répondit pas au téléphone lorsqu’elle fit une nouvelle tentative.

Elle se décida à sortir de son sac la clé que lui avait confiée Ayané.

La porte était verrouillée. Elle tourna la clé dans la serrure et l’ouvrit. La lampe de l’entrée était allumée.

Elle ôta ses chaussures et avança dans le couloir. Une légère odeur de café flottait dans l’air. Il avait dû en refaire dans la journée.

Elle poussa la porte du salon. Et s’immobilisa, pétrifiée.

Yoshitaka gisait sur le sol, une tasse à café renversée à côté de lui. Le liquide noir s’était répandu sur le plancher.

D’une main tremblante, elle sortit son portable de son sac pour appeler une ambulance. Elle ne parvenait pas à se souvenir du numéro à composer.