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Dans ce cas, il leur suffisait d’en convenir tous les deux et ils n’avaient pas besoin d’aller à cette soirée, avait-elle pensé, mais Yoshitaka avait été jusqu’à prévoir un témoin pour leur rencontre, Ikai. Si cette attention aux détails lui ressemblait, Ayané s’était douté que sa manœuvre avait pour but d’éliminer tout lien entre lui et Junko. Elle ne lui en avait cependant rien dit. Elle était allée à cette réception, comme il le souhaitait, et ils avaient joué le « coup de foudre » suivant le scénario qu’il lui avait communiqué.

Ils avaient continué à se fréquenter. Six mois après la réception, Yoshitaka l’avait demandée en mariage.

Elle en avait été ravie, malgré les doutes qui la rongeaient, au sujet de Junko. Pourquoi s’était-elle suicidée ? Quelle avait été la nature de sa relation avec Yoshitaka ?

Elle avait à la fois envie de savoir la vérité et de continuer à l’ignorer. Tel était son état d’esprit à l’approche de son mariage.

C’est pendant cette période qu’il lui avait fait une annonce qui l’avait ébranlée. Lui, cependant, ne paraissait pas la trouver extraordinaire.

« Après un an de mariage, on se séparera si nous n’arrivons pas à faire un enfant », lui avait-il annoncé d’un ton léger.

Ayané avait douté de ses oreilles. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il envisage le divorce avant même qu’ils soient mariés.

Elle avait d’abord cru à une plaisanterie, mais elle faisait erreur.

— Je le pense depuis longtemps. Un an suffit. La plupart des couples qui n’utilisent pas de moyens contraceptifs arrivent à concevoir dans ce laps de temps. Quand cela ne marche pas, cela signifie que l’un des deux a un problème. Moi, j’ai vérifié, et ce n’est pas mon cas.

Elle avait eu la chair de poule en l’entendant.

— Tu as dit la même chose à Junko ? lui avait-elle demandé en le regardant droit dans les yeux.

— Quoi ? s’était-il exclamé, le regard vide, pour une fois désemparé.

— Réponds-moi franchement. Tu es sorti avec elle, n’est-ce pas ?

Yoshitaka avait froncé les sourcils, sans cacher son déplaisir. Mais il avait fait face.

— Oui, avait-il reconnu, l’air contrarié. Je pensais que tu le découvrirais plus vite. Je m’attendais à ce que vous ayez parlé de moi.

— Tu sortais avec elle en même temps que tu étais avec moi ?

— Non. J’avais l’intention de la quitter quand nous nous sommes rencontrés. C’est la vérité.

— Quelle raison lui as-tu donnée pour lui expliquer que tu voulais rompre ? avait demandé Ayané en dévisageant son futur mari. Que tu ne pouvais pas te marier avec une femme qui ne pouvait pas avoir d’enfant ?

Il avait haussé les épaules.

— Pas exactement dans ces termes, mais cela revenait au même. Je lui ai dit que son temps était passé.

— Son temps était passé ?

— Elle avait trente-quatre ans. Nous ne faisions rien pour éviter une grossesse, mais ça n’arrivait pas. Je ne pouvais pas continuer plus longtemps.

— C’est pour ça que tu m’as choisie ?

— J’ai eu tort ? Fréquenter une femme avec qui ça ne peut pas arriver n’a pas de sens. J’ai pour principe de ne pas perdre mon temps.

— Pourquoi ne m’as-tu pas dit plus tôt ce qu’il en était entre vous ?

— Je n’en voyais pas la nécessité. Je savais que tôt ou tard cela viendrait sur le tapis. Et que je t’expliquerais comment les choses s’étaient passées quand cela arriverait. Je ne t’ai pas trahie, je ne t’ai pas menti. Je ne te raconte pas d’histoires.

Elle lui avait tourné le dos et elle avait regardé les fleurs sur le balcon. Les pensées. Ces fleurs qu’aimait Junko. Elle s’était souvenue de son amie. Les larmes avaient afflué à ses yeux en pensant à ce qu’elle avait souffert.

Après que Yoshitaka lui avait annoncé qu’il la quittait, Junko avait dû être tourmentée par le regret. Encore fragile, elle avait rencontré Ayané, et elle avait deviné en voyant la courroie du portable d’Ayané que son amie sortait avec lui. Si grand avait été son choc qu’elle avait décidé de mourir, mais elle avait tenu à envoyer un message à Ayané. L’arsenic. Non parce qu’elle lui en voulait de lui avoir volé son ami, mais en guise d’avertissement.

Pour la prévenir que, tôt ou tard, elle connaîtrait le même sort.

Junko était la seule personne à qui Ayané osait tout dire. Elle lui avait raconté qu’en raison d’une déformation congénitale, elle était stérile. Junko avait voulu la prévenir que Yoshitaka l’abandonnerait rapidement.

— Tu m’écoutes ? avait demandé Yoshitaka.

Elle s’était retournée vers lui.

— Oui, bien sûr. Comment pourrais-je ne pas le faire ?

— Tu ne réagis pas très vite, pourtant.

— Je suis un peu distraite, c’est tout.

— Distraite ? Ça ne te ressemble pas !

— Je suis tellement surprise.

— Ah bon ? Il me semble pourtant que tu es au courant de ce que je veux faire dans la vie, non ?

Il lui avait expliqué qu’à ses yeux le mariage n’avait de sens que pour fonder une famille.

— Écoute Ayané, qu’est-ce qui te déplaît là-dedans ? Tu as tout ce que tu veux, non ? Si je me trompe, n’hésite pas à me dire ce qui te manque. Je ferai ce que je peux. Au lieu de te tourmenter au sujet du passé, pense au futur ! Tu vois autre chose ?

Il ne s’était pas rendu compte à quel point il l’avait blessée. Ayané ne pouvait nier qu’avec son soutien, elle avait pu réaliser ses rêves. Mais comment aurait-elle pu penser à l’avenir quand elle savait qu’il la quitterait dans un an ?

— Il y a une seule chose dont je voudrais être sûre. Je peux te poser la question ? Tu risques de la trouver très bête. Tu as des sentiments pour moi ?

Elle voulait comprendre s’il l’avait choisie parce qu’il la voyait comme un ventre ou à cause de l’amour qu’il éprouvait pour elle.

Il avait pris un air embarrassé.

— Bien sûr que j’en ai. Sois-en sûre. Je t’aime maintenant comme avant.

Ayané avait pris sa décision à ce moment-là. Elle se marierait avec lui. Non parce qu’elle voulait vivre avec lui. Mais pour enfin trancher entre l’amour et la haine qu’elle ressentait pour lui.

Elle voulait être sa femme afin de pouvoir en permanence décider s’il méritait de vivre. Elle lui accorderait le sursis pour le moment.

Placer le poison à l’intérieur du système de filtration n’avait pas été facile. Elle allait désormais devoir veiller à ce que personne ne vienne dans la cuisine. Mais en même temps, elle s’était réjouie de pouvoir le dominer.

Quand il était à la maison, elle ne quittait pas le canapé du salon. Elle ne se servait des toilettes ou de la salle de bains que lorsqu’elle était certaine qu’il ne s’approcherait pas de la cuisine.

Il était charmant avec elle. Elle n’avait pas à se plaindre de lui comme époux. Tant qu’il lui montrait de l’affection, Ayané avait l’intention de continuer à veiller à ce que personne ne se serve du robinet d’eau filtrée. Elle ne pouvait lui pardonner la manière dont il s’était conduit avec Junko mais s’il ne le faisait pas avec elle, elle était prête à vivre ainsi éternellement. La vie conjugale pour Ayané signifiait sauver chaque jour son mari debout sur l’échafaud.

Elle ne s’attendait cependant pas à ce que Yoshitaka renonce à son désir d’enfant. Lorsqu’elle avait pris conscience de la liaison entre lui et Hiromi Wakayama, elle s’était dit que l’heure qui devait arriver était proche.

Le soir du dîner qu’ils avaient donné pour les Ikai, Yoshitaka lui avait fait part de sa décision. D’une voix dénuée d’émotion.

— J’imagine que je ne t’apprends rien, mais tu sais que ton temps est presque terminé. Je veux que tu te prépares à partir d’ici.