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Les deux hommes émergèrent d’un dernier escalier étroit pour se retrouver au rez-de-chaussée de la Pierre où des couloirs aussi larges que des routes conduisaient à toutes les sorties. Ici, les tapisseries brillaient par leur absence et de simples lampes en fer fixées sur des supports sans ornements perçaient difficilement la pénombre de ces longs passages dépourvus de fenêtres. Et les pavés du sol, en pierre brute, étaient conçus pour résister aux sabots des chevaux, pas pour réjouir l’œil.

Perrin accéléra le pas. Les écuries n’étaient plus bien loin et au-delà, il apercevait l’imposante porte du Mur du Dragon. Gardée par une poignée de Défenseurs, elle était ouverte en ce début de journée. Pour empêcher Perrin et ses compagnons de partir, Moiraine allait avoir besoin de la chance du Ténébreux – et encore, ça risquait de ne pas suffire.

Perrin franchit la porte des écuries – une grande arche également ouverte –, fit quelques pas et s’immobilisa.

Une odeur de paille et de foin flottait dans l’air en même temps que des relents de grain, d’avoine, de cuir et de fumier. Des stalles s’alignaient des deux côtés du bâtiment et sur tout le mur du fond. Des dizaines de garçons d’écurie s’échinaient à bouchonner une multitude de chevaux de Tear, une race universellement appréciée. D’autres employés réparaient des harnais ou entretenaient les lieux. Sans jamais cesser de travailler, ils jetaient de temps en temps un coup d’œil à Loial et à Faile. En tenue de voyage, l’Ogier et la jeune femme s’acquittaient des ultimes préparatifs. Près d’eux, Bain et Chiad, équipées exactement comme Gaul, attendaient que sonne l’heure du départ.

— C’est à cause d’elles que tu m’as seulement promis de faire de ton mieux pour emmener Faile ? demanda Perrin à Gaul.

— Eh bien, je ne baisserai pas les bras, mais elles prendront son parti, c’est sûr. Chiad est une Goshien.

— Et ça fait une différence ?

— Sa tribu et la mienne ont une querelle de sang, et bien entendu, je ne suis pas sa sœur de la Lance ! Mais le serment de l’eau la retiendra peut-être. En tout cas, je ne danserai pas avec elle le ballet de la lance, sauf si elle le propose.

Perrin secoua la tête. Un peuple étrange, décidément… Et qu’était donc ce « serment de l’eau » ?

Remettant à plus tard les questions compliquées, le jeune homme se contenta de demander :

— Que font-elles avec Faile ?

— Selon Bain, elles ont envie d’explorer davantage les terres mouillées. Mais en réalité, le conflit qui vous oppose, Faile et toi, exerce sur elles une véritable fascination. Elles aiment bien ton amie. Du coup, elles ont décidé de l’accompagner plutôt que de venir avec toi.

— Tant qu’elles la gardent loin des ennuis…, soupira Perrin.

Voyant Gaul éclater de rire, la tête inclinée en arrière, le jeune homme se gratta pensivement la barbe.

Ses longs sourcils frémissant d’inquiétude, Loial vint à la rencontre des deux hommes. Comme toujours lorsqu’il voyageait, toutes ses poches étaient pleines à craquer – de livres, si on se fiait aux formes géométriques qu’on devinait sous le tissu. Apparemment, sa jambe blessée allait beaucoup mieux.

— Perrin, Faile perd patience… Elle va vouloir partir d’ici peu, je le sens. Sans moi, tu ne trouveras même pas le Portail, j’en ai peur. Mais ça ne t’empêchera pas d’essayer… S’il te plaît, dépêche-toi ! Je me demande bien pourquoi je continue à fréquenter les humains alors qu’ils me font tourner en bourrique. Par pitié, ne traîne pas !

— Je ne le laisserai pas en plan ! lança Faile. Même s’il est trop bête et trop entêté pour demander une simple faveur. Dans ce cas, il pourra me suivre comme un chiot égaré. Je promets de le caresser entre les oreilles et de m’occuper de lui.

Les deux Aielles s’en tordirent de rire.

Gaul sauta soudain à pieds joints, décollant d’une hauteur considérable, et décrivit des arabesques dans l’air avec sa lance.

— Nous vous suivrons comme des félins sur la piste d’une proie, cria-t-il, ou comme une meute de loups en chasse !

Il atterrit souplement sur ses pieds sous le regard de Loial.

Nonchalante, Bain passa une main dans ses cheveux coupés court.

— Chez moi, j’ai une peau de loup au pied de mon lit, dit-elle à Chiad d’un ton presque las. Ces prédateurs ne sont pas si dangereux que ça…

Perrin ne put s’empêcher de grogner à cette évocation, s’attirant le regard des deux guerrières. Un moment, Bain sembla vouloir ajouter quelque chose, mais le regard jaune du jeune homme l’en dissuada.

— Ce chiot n’est pas encore très bien dressé, dit Faile à ses deux compagnes.

Perrin refusa de regarder la jeune femme. La tête bien droite, il se dirigea vers la stalle de son étalon louvet, un cheval aussi grand que les bêtes locales, mais plus large au niveau des épaules et de la croupe. Faisant signe à un palefrenier de s’éloigner, le jeune homme mit sa bride à Trotteur et se chargea de le faire sortir de sa stalle. Les garçons d’écurie avaient fait prendre de l’exercice aux chevaux, bien entendu, mais l’étalon avait été confiné assez longtemps pour se mettre aussitôt à gambader – au pas vif qui lui avait valu son nom, bien entendu.

Perrin calma et rassura le cheval avec l’assurance d’un professionnel qui avait ferré une multitude d’équidés. Ensuite, il n’eut aucun mal à le seller puis à mettre en place ses sacoches et sa couverture enroulée.

Gaul assista à ce cérémonial sans broncher. Sauf nécessité absolue, il ne serait monté pour rien au monde sur le dos d’un cheval. Et en cas d’urgence, il n’y serait pas resté une minute de plus que nécessaire. Tous les Aiels étaient ainsi. Perrin ignorait pourquoi. Une affaire de fierté, puisqu’ils étaient connus pour pouvoir courir sur de très longues distances ? Les Aiels laissaient penser que c’était plus important que ça, mais il les soupçonnait de ne pas en savoir beaucoup plus long que lui sur le sujet.

Il fallut aussi préparer au départ le cheval de bât, mais ce ne fut ni long ni compliqué, puisque tout ce que Gaul avait acheté et fait livrer attendait dans un coin. Des vivres et des outres d’eau. Du grain et de l’avoine pour les chevaux. Sur les Chemins, on ne trouvait rien de tout ça. Il y avait également des entraves, des médicaments pour les montures, au cas où, un briquet à amadou de rechange et d’autres petits objets de ce type. Les paniers d’osier de la bête de bât étaient remplis de gourdes en cuir semblables à celles que les Aiels utilisaient pour l’eau. Plus grandes, celles-là contenaient de l’huile à lampe. Une fois les lanternes fixées à de grandes hampes attachées au-dessus du reste, les préparatifs furent terminés.

Glissant son arc non bandé sous la sangle de sa selle, Perrin sauta sur le dos de son étalon. La bride du cheval de bât en main, il attendit en bouillant intérieurement d’impatience.

Loial était déjà perché sur un cheval géant qu’il parvenait pourtant à faire passer pour un poney – une affaire de longueur de jambes et de taille en général. En des temps pas si anciens que ça, l’Ogier manifestait envers l’équitation des réticences qui valaient presque celles des Aiels. Depuis, il avait évolué et se sentait très à l’aise en selle.

Faile retardait tout le monde. Tournant autour de la jument noire à la robe brillante qu’elle allait monter, elle l’examinait comme si elle la voyait pour la première fois. En réalité, peu après l’arrivée des deux jeunes gens à la Pierre, elle avait dressé la jument avant même de l’acheter. Baptisée Hirondelle, cette bête de race tearienne avait la jambe fine et l’encolure élégamment arquée. Bref, une jument fougueuse qui semblait taillée à la fois pour l’endurance et la vitesse, mais munie de fers trop légers au goût de Perrin – un avis de professionnel, là encore, parce que les fers de ce type s’usaient beaucoup trop vite.