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S’asseyant au bord du lit, Perrin remit lentement ses bottes. Comment allait-il s’y prendre pour faire ce qu’il avait à faire ? Ce serait difficile, et il allait devoir se montrer malin. Mais avait-il une seule fois dans sa vie été malin ? Franchement, il ne l’aurait pas juré…

Se levant, il tapa des pieds sur le sol pour bien les faire entrer dans ses bottes. Puis il entendit des cris, dehors, et un martèlement de sabots – un cavalier qui s’éloignait.

Perrin se rua sur la fenêtre la plus proche et tira le rideau. En bas, les Compagnons s’agitaient dans tous les sens.

— Que se passe-t-il ? demanda Perrin après avoir ouvert la fenêtre.

Trente têtes se levèrent vers lui et Ban al’Seen cria :

— C’est le seigneur Luc, seigneur Perrin ! Il a failli renverser Wil et Tell. Je pense qu’il ne les a pas vus… Il était penché sur l’encolure de son étalon, comme quelqu’un de grièvement blessé, et il fonçait droit devant lui.

Perrin se gratta pensivement la barbe. Luc ne pouvait pas avoir été blessé depuis longtemps. Donc… Luc et Tueur ? Enfin, c’était impossible ! Tueur avait l’air d’être le frère ou le cousin de Lan. Avec ses cheveux roux, si Luc ressemblait à quelqu’un, c’était à Rand – mais de loin. On ne pouvait donc pas imaginer plus différents que Tueur et Luc. Pourtant, il y avait l’odeur. Pas identique, non, mais dépourvue d’humanité dans les deux cas…

Perrin capta un son lointain qui venait de l’entrée de l’ancienne Route. On écartait des chariots, pour libérer le passage, et des gens criaient un peu partout. Mais même en courant très vite, Ban et les Compagnons ne rattraperaient pas Luc, déjà assez loin du village pour qu’on n’entende presque plus le bruit de sa cavalcade.

— Ban, si Luc revient, il faudra le placer sous bonne garde et l’empêcher de repartir. Et arrête de m’appeler « seigneur » Perrin, bon sang !

Luc et Tueur… Tueur et Luc… Comment pouvait-il s’agir de la même personne ? En principe, c’était impossible. Mais moins de deux ans plus tôt, Perrin doutait de l’existence des Blafards et des Trollocs… Donc, tout était possible, au contraire. Mais il serait temps de s’en occuper si ce sale type revenait un jour. Pour le moment, il y avait Colline de la Garde, Promenade de Deven et… Certaines personnes pouvaient être sauvées. À Deux-Rivières, tout le monde n’était pas condamné à mort.

Sur le chemin de la salle commune, Perrin marqua une pause avant de s’engager dans l’escalier. Au pied des marches, Aram se leva, prêt à le suivre jusqu’au bout du monde.

En bas, Gaul reposait sur une paillasse, près de la cheminée. Un gros bandage autour de la cuisse, il semblait dormir. Assises en tailleur sur le sol, Faile et les deux Promises conversaient à voix basse. Au fond de la salle, on avait installé une paillasse bien plus grande, mais Loial avait choisi de s’asseoir sur un banc, les jambes bien tendues pour qu’elles ne coincent pas contre la table. Plié en deux, il écrivait à la lueur d’une bougie. À l’évidence, il transcrivait à chaud l’aventure qu’il venait de vivre avec Gaul. Le connaissant, Perrin supposa que l’Aiel aurait le beau rôle. À ses propres yeux, tout ce que faisait Loial paraissait banal et indigne d’être transmis à la postérité.

À part ça, la salle commune était vide. Dehors, les violons jouaient toujours, mais pas un air zingaro…

Mon amour est une rose sauvage…

Dès qu’elle aperçut Perrin, Faile se leva souplement. Voyant que le jeune homme ne comptait pas sortir, Aram se rassit.

— Ta chemise est trempée, accusa Faile. Tu as dormi avec ? Et avec tes bottes aussi, bien sûr ! Il n’y a pas une heure que je t’ai laissé. Alors, fais demi-tour avant de te casser la figure dans cet escalier.

— Tu as vu Luc filer ? demanda Perrin.

Faile pinça les lèvres, mais il fit comme s’il n’avait rien vu. Parfois, il n’y avait pas d’autre solution. En cas de dispute, Faile gagnait bien trop souvent.

— Il a traversé la salle il y a quelques minutes, puis il est sorti par la cuisine.

Une réponse factuelle. Mais à son ton, Faile n’en avait pas fini avec la nécessité pour Perrin de dormir.

— Il paraissait blessé ?

— Oui. Il titubait, et il pressait je ne sais quoi contre sa poitrine, sous sa veste. Peut-être un bandage… Maîtresse Congar est dans la cuisine, mais d’après ce que j’ai entendu, il ne s’est pas attardé avec elle. Comment sais-tu qu’il était blessé ?

— Je l’ai vu en rêve…

Une lueur inquiétante passa dans les yeux inclinés de Faile. Mais quelle mouche la piquait ? Elle savait, au sujet du rêve du loup. Croyait-elle qu’il allait en dire plus alors que Bain et Chiad pouvaient tout entendre ? Sans parler d’Aram et de Loial ? Encore que l’Ogier, concentré sur son œuvre, n’aurait rien entendu si un troupeau de moutons était entré dans l’auberge.

— Gaul ?

— Maîtresse Congar lui a donné une potion pour dormir. C’est elle qui a posé le cataplasme sur sa jambe… Quand les Aes Sedai se réveilleront, l’une d’entre elles le guérira, si son cas est jugé assez grave.

— Viens t’asseoir avec moi, Faile… J’ai quelque chose à te demander.

La jeune femme eut l’air soupçonneuse, mais elle se laissa guider jusqu’à une table. Quand ils furent installés, Perrin se pencha vers sa compagne et s’efforça de lui parler avec une certaine gravité, mais sans affolement.

Surtout, pas d’affolement !

— Je veux que tu ailles à Caemlyn pour y porter un message de ma part. En chemin, tu pourras t’arrêter à Colline de la Garde et informer les habitants des dernières nouvelles de Champ d’Emond. À mon avis, ils seraient avisés de traverser la rivière Taren et d’attendre que tout ça soit fini.

Voilà qui passerait très bien – une idée qui vous traverse la tête, comme ça, sur le moment…

— Je veux que tu demandes à la reine Morgase de nous envoyer un détachement de sa garde. Je sais, c’est une mission dangereuse, mais Bain et Chiad te conduiront jusqu’à Bac-sur-Taren sans te faire courir de risques, et là-bas, le bac est toujours en état de marche.

Chiad se leva et regarda nerveusement Perrin. Pourquoi cette réaction ?

— Tu n’auras pas besoin de le quitter…, lui promit Faile. Bain suffira…

L’Aielle hocha la tête, hésita un peu puis se rassit à côté de Gaul. Chiad et Gaul ? Mais ils avaient une querelle de sang ! Décidément, rien n’avait de sens, ces derniers temps…

— Caemlyn est très loin d’ici…, dit Faile d’un ton serein – mais le visage de marbre. Des semaines de voyage, le temps nécessaire pour rencontrer et convaincre la reine, encore des semaines pour revenir avec les renforts…

— Nous tiendrons jusque-là, assura Perrin.

Au fond, pourquoi ne pourrais-je pas mentir aussi bien que Mat ?

— Luc avait raison, il y a moins de mille Trollocs sur le territoire.

Faile hocha la tête. Au moins, elle savait pourquoi il pouvait le savoir. Le rêve…

— Ici, nous ne risquons rien, mais les monstres continueront à brûler les récoltes et à saccager tout ce qu’ils peuvent. Pour nous en débarrasser, il faudra des renforts. Tu es la plus qualifiée pour cette mission. Étant la cousine d’une reine, tu sais parler aux têtes couronnées. Faile, ce que je te demande est dangereux, je sais… (Mais moins que de rester !) Cela dit, une fois arrivée au bac, ce sera très facile.

Bizarrement, Perrin n’entendit pas Loial approcher et poser devant Faile son grand carnet.