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— Le mal s’y tapit ? Et si c’étaient mes proies ? Vous êtes sûre de ce que vous dites ? Si je vous donne leur description, serez-vous certaine qu’il s’agit bien d’elles ? Je peux vous transmettre tous les détails sur chacune de ces femmes.

— Une gamine…, marmonna Amys. Une sale gosse qui fait un caprice pour que son père lui offre sur-le-champ un bracelet d’argent, alors qu’elle ne sait rien du marché et du mode de fabrication de ces bijoux. Il te reste beaucoup à apprendre. Bien plus que ce que je peux commencer à t’enseigner. Viens dans la Tierce Terre. Je ferai savoir à tous les Aiels qu’une Aes Sedai nommée Egwene al’Vere doit être conduite jusqu’à moi, à la forteresse des Rocs Froids. Donne ton nom et montre ta bague au serpent, et on te laissera passer. Je ne suis pas là-bas en ce moment, mais avant ton arrivée, je serai revenue de Rhuidean.

— S’il vous plaît, aidez-moi ! Je dois savoir si les sœurs noires sont là.

— Comment pourrais-je te le dire ? Je ne connais pas ces femmes, ni cette ville, d’ailleurs. Ce que tu fais est dangereux – plus encore que tu le crois. Tu dois… Mais où vas-tu ? Reste !

Une force sembla tirer Egwene vers une lointaine obscurité.

— Tu dois venir me voir et apprendre…, dit la voix d’Amys tandis qu’Egwene se laissait entraîner.

12

Tanchico, ou la Tour Blanche ?

Soulagée, Elayne prit une profonde inspiration à l’instant où Egwene bougea enfin, puis ouvrit les yeux. Debout au pied du lit, Aviendha se détendit et s’autorisa un petit sourire que la Rêveuse lui rendit. La marque de la bougie était dépassée depuis moins d’une minute, mais les amies d’Egwene auraient juré que cela faisait une heure.

— Tu ne voulais pas te réveiller, dit Elayne. Je te secouai encore et encore, mais rien à faire ! (Elle eut un rire de gorge.) Egwene, tu as même réussi à flanquer la frousse à Aviendha !

Egwene posa une main sur le bras de son amie, le serrant gentiment.

— Me revoilà, à présent…

Elle semblait épuisée, nota Elayne, et sa chemise de nuit était imbibée de sueur.

— Je suppose que j’avais des raisons de rester plus longtemps que prévu… La prochaine fois, je serai plus prudente, c’est juré.

Nynaeve alla reposer un broc d’eau à côté de la cuvette. Un broc, devina Egwene, que l’ancienne Sage-Dame devait être sur le point de lui vider sur la figure. Si Nynaeve semblait parfaitement impassible, ses gestes trop brusques trahissaient une très grande nervosité. En temps normal, par exemple, elle n’aurait pas renversé une goutte d’eau en posant le broc près de la cuvette.

— Tu as trouvé quelque chose ? Ou était-ce… ? Egwene, si le Monde des Rêves a le pouvoir de te retenir, il est peut-être trop dangereux que tu y retournes avant d’être mieux formée. Qui sait ? à chaque séjour, il devient peut-être plus difficile de repartir. À moins que… Au fond, je n’en sais rien ! Mais nous ne pouvons pas risquer de te perdre, tu le sais très bien.

Nynaeve croisa les bras, prête pour une joute verbale.

— Je sais, admit Egwene d’un ton presque… docile.

Elayne fronça les sourcils. Avec Nynaeve, Egwene ne se montrait jamais docile. Jamais !

Egwene sortit du lit, en refusant bien entendu l’aide d’Elayne, et approcha de la cuvette pour se rafraîchir le visage et les bras. Tandis que son amie retirait sa chemise de nuit trempée, Elayne lui en dénicha une propre dans l’armoire.

— J’ai rencontré une Matriarche nommée Amys, annonça Egwene, sa voix étouffée tandis qu’elle enfilait le vêtement. Elle dit que je dois venir chez elle pour en apprendre plus long sur Tel’aran’rhiod. Elle vit dans le désert – un endroit appelé la forteresse des Rocs Froids.

À la mention du nom de la Matriarche, Aviendha avait cillé et ce détail n’avait pas échappé à Elayne.

— Tu la connais ? demanda-t-elle à la guerrière.

La Promise de la Lance acquiesça à contrecœur.

— C’est bien une Matriarche… Capable de marcher dans les rêves, qui plus est. Amys était une Far Dareis Mai avant de renoncer à la Lance pour aller à Rhuidean.

— Une Promise ! s’exclama Egwene. C’est pour ça que… Aucune importance ! Elle m’a dit qu’elle est à Rhuidean, en ce moment. Sais-tu où se trouve la forteresse des Rocs Froids, Aviendha ?

— Bien sûr… C’est le domaine de Rhuarc, le mari d’Amys. J’y suis allée quelques fois en visite, parce que ma sœur-mère, Lian, est la sœur-épouse d’Amys.

Elayne échangea avec Egwene et Nynaeve des regards plus que perplexes. À une époque, la Fille-Héritière pensait en savoir long sur les Aiels grâce à ses précepteurs de Caemlyn. Depuis qu’elle connaissait Aviendha, elle était surtout frappée par l’étendue de son ignorance sur le peuple du désert. Les coutumes et les relations entre les gens étaient un vrai casse-tête. « Premières-sœurs » signifiait qu’on avait la même mère, n’était que deux amies avaient la possibilité de devenir premières-sœurs en prêtant serment devant les Matriarches. « Secondes-sœurs » indiquait qu’on avait pour mères… des sœurs. « Pères-sœurs » signalait qu’on avait des frères pour géniteurs, mais ce lien était beaucoup moins intime que le précédent. Après ces « parentés de base », les différentes connexions donnaient le tournis.

— Qu’est-ce qu’une « sœur-épouse » ? demanda Elayne, redoutant quelque peu la réponse.

— Ça veut dire qu’on a le même mari qu’une autre femme, répondit Aviendha.

Elle fronça les sourcils devant la stupéfaction d’Egwene et de Nynaeve, qui ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes. Ayant deviné que la réponse serait un rien déstabilisante, Elayne parvint à réagir plus dignement, mais elle se retrouva pourtant en train de tirer sur les plis de sa robe… parfaitement droite.

— Vous ne pratiquez pas cette coutume ? s’étonna l’Aielle.

— Non, souffla Egwene. Non…

— Pourtant, Elayne et toi êtes aussi proches que des premières-sœurs. Qu’auriez-vous fait si aucune de vous n’avait voulu renoncer à Rand al’Thor ? Vous seriez-vous battues pour lui ? Un homme aurait ainsi brisé le lien qui vous unit ? L’épouser toutes les deux n’aurait pas été une meilleure solution ?

Elayne regarda Egwene. L’idée de… Aurait-elle pu faire une chose pareille ? Même avec une amie comme Egwene ? Il y avait vraiment de quoi s’empourprer.

— Mais je voulais renoncer à Rand, dit Egwene, qui s’était ressaisie.

Elayne comprit que cette remarque lui était au moins autant destinée qu’à Aviendha. L’idée troublante ne l’en quitta pas pour autant. Min avait-elle eu une vision ? Et si c’était le cas, que ferait-elle ?

Si je dois partager Rand avec Berelain, je l’étranglerai de mes mains, et lui avec ! Mais si c’est le destin, pourquoi n’est-ce pas Egwene, qui est au moins… ? Par la Lumière ! quelles idées folles !

Consciente qu’elle devait être écarlate, la Fille-Héritière tenta de détourner l’attention par une remarque piquante :

— À t’entendre, Aviendha, l’homme n’a pas son mot à dire sur la question.

— Il peut refuser, répondit l’Aielle comme si ça tombait sous le sens. Mais s’il en veut une, il doit prendre l’autre, dans le cas où les deux femmes le demandent. Surtout, ne vous vexez pas, mais j’ai été choquée d’apprendre qu’un homme, dans vos pays, peut demander une femme en mariage. Chez nous, il peut témoigner de l’intérêt à une femme, puis attendre qu’elle se déclare. Bien entendu, certaines femmes influencent subtilement un homme pour qu’il s’intéresse à elles, mais dans tous les cas, le choix est leur privilège.