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Intéressée par ces explications, Leslie se tourna vers Pye et lui demanda : « Si nous avions été à un niveau d’évolution supérieur, comment vous aurions-nous perçue ? »

Pye ne répondit pas, car elle semblait s’être volatilisée et soudain, nous vîmes apparaître dans le poste de pilotage devenu incandescent une étoile brillante et lumineuse d’un blanc bleu et ne pûmes faire autrement que de sursauter à la vue de celle-ci. Puis ne pouvant supporter plus longtemps un tel spectacle, je dus fermer les yeux et attendre que cette lumière incandescente disparaisse. Enfin, je sentis la main de Pye sur mon épaule et l’entendis me dire :

« Désolée ! Vraiment, je suis désolée ! J’ai fait preuve d’inconscience et aurais dû me douter que vous ne pouviez me voir telle que je suis, non plus me toucher. Mais l’usage des mots ne nous permet pas d’appréhender la réalité et pourtant il nous faut avoir recours à ceux-ci pour tenter d’expliquer les choses. Bref, il m’est difficile de dire “Je” quand je sais très bien que nous ne sommes qu’un dans l’esprit. Ceci dit, les mensonges pieux sont préférables au silence !

Encore aveuglé par la lumière, je demandai à Pye : « Nous apprendrez-vous à faire ce que vous venez de faire ? »

Ma question la fit sourire et elle me répondit : « Je n’ai rien à vous apprendre puisque vous êtes déjà cette lumière. Seulement, depuis que vous vous êtes immiscés dans l’espace-temps, elle s’est condensée et s’en trouve en quelque sorte tamisée. »

Ces paroles ne firent que me mêler davantage, et plus le temps passait, plus je me sentais devenir nerveux. Je ne pouvais supporter l’idée que cette personne, malgré sa gentillesse, nous était indispensable et qu’elle contrôlait nos vies.

« Pye, lui demandai-je enfin, comment faire pour nous sortir des sentiers une fois que nous y avons pénétré ? Et comment faire pour revenir à ce monde dans lequel nous avons laissé notre hydravion ?

— Pour ce faire, me répondit-elle, vous n’avez besoin de rien d’autre que de votre imagination. De fait, vous n’avez nul besoin des sentiers ni même de votre hydravion. D’ailleurs, c’est vous qui modelez vos moi pour alors agir comme bon vous semble. Toute chose vous apparaîtra toujours telle que vous l’aurez imaginée.

— Quoi ! lui répondis-je. Mais ce que vous me dites n’a pas de sens. Car comment puis-je actionner la manette des gaz d’un avion qui se trouve dans un autre monde ? Et comment puis-je me trouver à la fois dans ce monde et à la fois sur un sentier ? Et n’eût été de vous qui nous avez tirés de ce mauvais pas, nous serions encore chez la jeune Leslie, en l’année 1952.

— Vous n’êtes pas à deux places à la fois, rétorqua Pye, vous êtes partout à la fois. Qui plus est, il vous faut savoir que les mondes que vous imaginez n’ont aucune emprise sur vous ; c’est vous qui les contrôlez. Aimeriez-vous maintenant tenter une nouvelle expérience ?

— Oh ! je t’en prie, Richie, me dit Leslie en posant la main sur mon genou. Accepte. »

J’acceptai et Leslie prit les commandes de l’appareil et me demanda où je désirais qu’elle me conduise.

Les yeux fermés, je m’enfonçai profondément dans mon fauteuil et lui répondis : « Droit devant. » Pendant un moment, nous nous laissâmes bercer par le mouvement de l’avion, puis tout à coup, je sentis que quelque chose était sur le point de se produire. « Tourne à droite », dis-je alors à Leslie.

Elle s’exécuta immédiatement et fit un virage sur l’aile. Au bout d’un moment, je distinguai enfin quelque chose qui ressemblait à de longs fils lumineux ou à de minces bandes de brouillard, l’une s’étendant à la verticale et l’autre à l’horizontale. Rapidement, nous nous approchions de l’endroit où elles se croisaient.

« Écarte-toi un peu, dis-je alors à Leslie. Bon, maintenant redescends et tourne un peu à gauche. »

Dans mon esprit, l’image des sentiers devint très claire et les indications que je donnais à Leslie étaient aussi précises que celles que m’aurait fournies la lecture des cadrans du tableau de bord. Combien avide est notre imagination, me dis-je alors en moi-même. Puis revenant à Leslie, je lui dis : « Descends encore un peu. Bon, maintenant ça y est, nous y sommes presque. Nous devrions toucher l’eau, à présent. Est-ce le cas ?

— Encore quelques pieds et nous y serons, me répondit Leslie.

— Bon, ça y est, dis-je. Tu peux couper les gaz. »

Je rouvris les yeux au moment où la quille de l’hydravion allait toucher l’eau et vis le monde disparaître dans une grande éclaboussure. Puis, tout devint noir et le resta jusqu’à ce que nous soyons immobilisés.

* * *

Manifestement, ce ne pouvait être qu’une base militaire avec ses lumières bleutées, ses pistes d’atterrissage et ses avions de chasse qui paraissaient argentés sous le clair de lune.

« Où sommes-nous ? » fit Leslie dans un murmure.

Rangée après rangée, les Sabrejets F-86F américains s’alignaient devant nous, et je devinai soudain où nous étions. « C’est la base aérienne Williams, en Arizona, une école d’artillerie, murmurai-je à mon tour. Nous sommes en 1957. Je venais souvent me promener de ce côté, le soir, pour être avec les avions.

— Et pourquoi murmurons-nous ? » s’enquit Leslie.

Mais avant même que j’aie pu lui répondre, une jeep de la police de l’air tourna le coin et se dirigea vers nous. Arrivée à notre hauteur, elle ralentit, fit le tour de l’avion qui se trouvait à notre droite, puis s’immobilisa.

Nous ne pouvions voir le patrouilleur, mais cependant il nous était possible de distinguer ses paroles.

« Excusez-moi, monsieur, mais auriez-vous l’amabilité de me présenter vos papiers d’identité ?

Quelqu’un lui répondit, qui parlait très bas, et nous ne pûmes comprendre ce qu’il disait.

« C’est à moi qu’il parle », dis-je alors à Leslie. Je reconnais …

— Très bien, monsieur, dit encore le patrouilleur. Nous ne faisions que vérifier. Vraiment, il n’y a pas de problème. »

L’instant d’après, le patrouilleur remettait son moteur en marche et repartait. S’il nous avait aperçus, il le cachait bien, car il ne montrait aucune surprise et ne faisait aucun geste dans notre direction. Puis, contournant l’avion, il braqua sur nous ses phares et s’apprêta à accélérer.

« Attention », hurlai-je à l’intention de Leslie.

Mais déjà, il était trop tard. Sans même s’en rendre compte, il était passé à travers nous comme à travers de l’air, et il poursuivait sa route, nonchalant.

« Désolé, dis-je en me tournant vers Leslie. J’avais oublié !

— Il n’est pas facile de s’y habituer, me répondit-elle, le souffle court.

— Qui va là ? dit un personnage qui s’avançait vers nous et se trouvait maintenant à la hauteur de l’aile de l’hydravion. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ? »

L’homme portait une combinaison de vol en nylon de couleur foncée et un veston d’armée. Sous le clair de lune, il ressemblait à un fantôme, quoique à en juger par les galons jaunes qui se trouvaient sur sa veste et par les ailes blanches qui y étaient brodées, il devait être pilote et sous-lieutenant.

« Va à sa rencontre, me dit Leslie dans un murmure. Moi, je t’attendrai ici. »

J’acquiesçai, la serrai dans mes bras, puis partis à la rencontre de l’homme.

« Tout va bien », lui dis-je au moment où je contournais l’avion. Puis, m’avançant vers lui, je lui demandai : « Vous permettez que je vous tienne compagnie un moment ?

— Qui va là ? » demanda-t-il encore.

Mais pourquoi faut-il qu’il me pose cette question difficile ? pensai-je intérieurement. Puis, à voix haute, je lui répondis : « Je suis le sous-lieutenant Bach, Richard de mon prénom, et mon numéro est le trois-zéro-huit-zéro-sept-sept-quatre.