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— Une association, peut-être ?

— Voilà !

Il a serré son petit poing ridicule et l’a abattu sur son sous-main en peau de Suède.

— Vous ne doutez de rien. C’est comme si un choriste voulait s’associer avec le directeur de l’Opéra !

J’ai rougi car je n’aime pas les vannes. S’il me prenait pour un peigne-cul, nos relations n’allaient pas se développer longtemps.

— Vous êtes un type traqué, a-t-il expliqué. D’une seconde à l’autre, les flics peuvent vous sauter et vous êtes sûr de passer au sécateur !

— Et alors ?

— Et alors, moi j’occupe une situation inébranlable, vous comprenez ?

— Je comprends…

— Je vais vous donner deux gardes du corps. Ils vous surveilleront, mais ils vous protégeront contre les flics. Tant que vous serez avec eux, vous ne craindrez rien !

— Situation cocasse…

— Si vous trouvez le pognon, vous pourrez peut-être leur fausser compagnie car vous êtes malin…

— Merci…

— Mais vous n’échapperez pas à Carmoni… En l’occurrence, je me ferais l’auxiliaire occulte et précieux de la police ! Je vous dis tout ça pour qu’il n’y ait pas de malentendus, n’est-ce pas ?

J’ai réfléchi. Je ne pouvais pas refuser, d’abord parce que c’eût été me condamner à recevoir une balle dans la nuque ou un coup d’épée dans le bide, et puis aussi parce que son offre était correcte.

— J’accepte !

— Bon… Le cadavre de Bertrand est toujours dans la cave de l’immeuble. Les flics fouinassent partout et finiront sûrement par mettre le nez dessus, toujours est-il que vous disposez d’une avance sur eux pour opérer une descente à Fontainebleau…

— Compris…

— J’ai placé un autre « concessionnaire » dans l’appartement de la rue Falguière. Il surveille les investigations. Dès que le cadavre de Bertrand sera découvert il me préviendra et moi je vous alerterai…

— Entendu…

— Nous sommes bien d’accord sur tout ?

— O.K. Pourtant, j’aimerais vous poser une question…

Il a fait la grimace car il avait horreur de ça.

— Pourquoi m’envoyez-vous à la recherche des millions si vous supposez qu’ils sont cachés dans la propriété de Fontainebleau ?

Carmoni a eu un de ses mystérieux petits sourires.

— Parce que Bunk a déjà fouillé. Pour certaines choses, c’était un vieux renard… S’il n’a rien trouvé c’est que l’argent est bien caché… Donc, j’envoie quelqu’un de plus fort que Bunk…

— Vous m’estimez plus fort que lui ?

— Si j’en crois ces journaux, oui !

Je me suis levé.

— Allons-y… Dites, et si le fric n’y est pas ?

— C’est qu’il est ailleurs, ça ne change rien à votre mission. Trouvez-le !

— Parfait ! Vous me permettez de prendre un café noir ?

— Ben voyons… Mais ne musardez pas trop.

Il a décroché le téléphone.

— Envoie-moi Steve et Jo.

Quelques minutes plus tard, deux mecs sont entrés. Un type format Burt Lancaster, et un autre, grand et antipathique.

Carmoni a mis les choses au point en deux coups de cuillère à pot.

— Voici Steve et Jo… Les gars, je vous présente Kaput… Vous allez l’accompagner et faire absolument tout ce qu’il vous dira. Simplement, je vous défends de le quitter d’une semelle.

Il m’a tendu la main.

— Excusez-moi, Kaput, mais la confiance, c’est comme l’électroménager : ça s’achète à tempérament !

Il aimait son humour.

CHAPITRE XIII

Je ne sais pas si Carmoni recrutait ses archers dans un asile de sourds-muets, toujours est-il que ceux-ci n’étaient pas très portés sur la menteuse.

On s’est installé dans une D.S. Moi devant, à côté du grand maigre qui pilotait, Steve derrière, vautré sur la banquette comme une vache pleine dans de la paille.

On a roulé sans piper jusqu’à la forêt de Fontainebleau. Je n’avais pas envie de moufter non plus. Je gambergeais aux derniers événements et je trouvais que tout s’organisait bien. Par un curieux concours de circonstances voilà que j’étais promu homme de main du super-caïd. Carmoni n’avait pas froid aux châsses avec ses mines de petit businessman. Il ne regardait pas à m’embaucher, malgré l’hécatombe que j’avais faite chez ses sous-fifres… Ce rital autoritaire et sadique possédait néanmoins une espèce de rondeur pas désagréable. Il parlait net et c’est bien agréable de la part des gens avec lesquels on se marie pour des combines douteuses.

Au débouché de la forêt j’ai désigné le petit chemin au fond duquel s’élevait la vaste demeure de feu Bertrand. Jo a viré impeccablement. Il conduisait avec une maestria digne d’éloges.

— Stoppe ! ai-je lancé une fois en vue de la cabane…

Je ne voulais pas laisser la tire pile devant, afin de ne pas éveiller la curiosité du voisinage.

Nous sommes descendus, toujours sans piper…

— Vous avez un passe ? ai-je demandé à mes deux gardes du corps.

Steve a tapoté sa poche de pardingue… Un bruit métallique m’a affranchi ; j’avais affaire à des précautionneux ; ils ne sortaient jamais sous la flotte sans parapluie.

Nous avons délourdé le garage, facile. Ensuite ç’a été la traversée de la propriété à travers les herbes folles. Les deux tordus ne me perdaient pas de l’œil. J’ai idée que Carmoni les avait sélectionnés spécialement pour moi. Ils marchaient l’un et l’autre en gardant une main dans la fouille comme s’ils s’apprêtaient à me flinguer à tout bout de champ. C’était dans un sens à la fois comique et déprimant.

La porte d’entrée n’était pas fermée et battait au gré d’un courant d’air. Bunk avait mis les bouts en vitesse, sans prendre la précaution de refermer derrière lui. On avait été cruches de jouer les Louis XVI sur la serrure du garage, on aurait aussi bien pu se payer l’entrée principale qui ne devait pas être fermaga non plus !

En entrant, j’ai vu que le Bunk avait tout chamboulé dans la strasse. Les meubles béaient, les tiroirs étaient arrachés, les tableaux décrochés, certaines lames de parquet enlevées… Un minutieux dans son genre… Carmoni avait raison en l’estimant vieux renard… S’il n’avait rien découvert, j’avais guère plus de chance de faire mieux.

— Gentil boulot, hé ? ai-je fait à mes acolytes.

Steve a haussé les épaules d’un air grognon. Jo s’est mordu la lèvre supérieure…

— Bon, il s’agit de raisonner…

Je me suis assis dans un fauteuil, les jambes pendantes sur les accoudoirs. Le découragement me gagnait. Il y avait tellement de planques possibles ! Sans parler du vaste parc où le malin bonhomme aurait pu enterrer son magot ! Deux cents briques ! Ça me rendait rêveur et nerveux !

D’abord, Bertrand avait-il planqué son artiche ici ? Ça restait à prouver… Il possédait peut-être un coffre dans une banque, sous un faux blaze, le vieux boursicoteur.

J’ai réfléchi profondément. Non, il y avait maldonne de ma part. Le Vieux s’était ratatiné dans sa bicoque… Il y tenait farouche ; peut-être même était-ce afin de la conserver qu’il avait réalisé la fameuse opération ? Un homme comme lui vieux et aigri devait avoir du plaisir à conserver du fricotin en tas, près de lui… Par ailleurs, il avait dû le planquer sérieusement car il redoutait une visite du fameux Carmoni pour le compte duquel Bunk lui avait fait croire qu’il opérait. Il la redoutait tellement cette visite qu’il m’avait chargé de buter l’Italien… Par conséquent il avait une planque certaine… Par ailleurs, il était à supposer que si le pèze s’était trouvé dans une banque, donc hors de portée d’un autre, il l’aurait révélé à Bunk, ce dernier ayant dû le questionner d’une façon très particulière, très « insistante ».