Выбрать главу

J’ai gambergé à tout ça, très vite. Puis le feu est revenu au vert. Merveille m’a fait signe de m’arrêter… C’était bien tentant…

Je me suis rangé en bordure d’un trottoir et elle s’est serrée juste devant moi. Je n’ai pas bougé, attendant qu’elle me rejoigne. C’est ce qu’elle a fait, de sa démarche ailée… Les hommes s’arrêtaient pour la regarder, comme si elle avait été à elle toute seule un défilé militaire.

Elle a ouvert ma portière.

— Eh bien, vous ! s’est-elle exclamée, on peut dire que vous m’avez donné des sueurs froides.

Elle s’est assise à mes côtés.

— Je n’arrivais pas à vous suivre, mille fois j’ai cru vous avoir perdu…

— Parce que vous étiez chargée de me filer ?

— Une idée de Carmoni…

Elle a ouvert son sac à main qu’elle avait eu le soin de prendre. Je me suis fouillé pour lui donner du feu.

Elle a expiré quelques bouffées qui se sont tordues mollement devant le pare-brise avant de s’évacuer par ma portière.

— Vous avez tué les deux autres ?

— Comme qui dirait !

— Tant mieux, bon débarras.

Je l’ai biglée sauvage, pour vérifier si elle me chambrait. Mais non, elle ressemblait plus encore que la veille à une petite fille naïve et tendre.

— Vous trouvez ?

— Oui… Carmoni a toute une collection de types aussi infects que lui…

Qu’est-ce que ça signifiait ?

Ses grands yeux purs s’étaient remplis d’une sombre violence. J’ai pigé qu’elle nourrissait une haine intense pour le rital.

— Dites donc, vous semblez ne pas le porter dans votre cœur ?

— Je le hais à en mourir !

— Pourtant vous vivez dans son lit !

— Comme une bête de luxe ! Je fais partie de ses peaux d’ours… Cet homme m’a recueillie je n’avais pas quatorze ans…

Elle a crachoté des brins de tabac sur ses doigts.

— C’est un sale type, un désaxé qui ne pense qu’à sauver la façade… Ce que j’ai pu endurer avec lui est inouï…

— Pourquoi me dites-vous ça ?

— Parce qu’il faut que je vous le dise. Voyez-vous, aux pires instants de notre vie commune, j’espérais qu’un homme arriverait et… mettrait les choses au point !

— Qu’appelez-vous « les choses au point » ?

— Vous ne voyez pas ?

— Peut-être…

Elle m’a regardé.

— J’en ai assez de tous ces vicieux, de ces sadiques, de ces crapules…

— Vous savez, mignonne, je ne suis pas l’abbé Pierre !

— Non, mais vous êtes un homme fort, et viril… Si vous voulez…

— Quoi ?

— Si vous avez de l’ambition, on peut se mettre d’accord et réussir un coup formidable… Un coup comme vous n’en retrouverez jamais…

— Dites…

Elle a baissé la vitre de son côté pour jeter son mégot… Je la regardais remuer, c’était du beau travail que le bon Dieu avait fait là…

— Quand, à la guerre, le commandant se fait tuer, a-t-elle murmuré, c’est le capitaine qui prend sa place, non ?

— Paraît !

— Et si le capitaine tombe, le lieutenant prend le commandement. Seulement, dans certaines affaires, il n’en va pas de même. Le patron disparaît et l’affaire s’écroule… A moins… à moins qu’il se trouve quelqu’un au courant des rouages…

Je ne pouvais détacher mon regard d’elle.

— Bon, alors ?

— Carmoni se méfie de tout le monde. Il a peur de son ombre ! Tout ce qu’il fait est enrobé du plus profond mystère.

— Et alors ?

— Seulement, depuis des années, je suis vautrée sur ses tapis… On ne se méfie pas d’un chat siamois ou d’une poupée, n’est-ce pas ?

— En effet…

— Pourtant un chat siamois a des oreilles et une poupée a des yeux. Qu’il disparaisse et je suis capable de continuer son organisation…

— Vraiment ?

— A quoi auraient servi » ces années d’esclavage, sinon ?

— Ce qui veut dire ?

— J’ai besoin qu’un homme, un vrai, m’aide à prendre l’affaire… Car je ne suis qu’une jeune fille. Je peux être le cerveau, mais pas le bras…

Elle m’a regardé bien en face.

— C’est une proposition intéressante, non ?

— Bien sûr ! Mais qui me dit que vous ne me menez pas en bateau, hein ? Qui me prouve que vous ne cherchez pas à m’entraîner dans un piège ? Deux fois déjà j’ai retiré les marrons du feu pour des femmes et j’ai été repassé. Notez que ça ne leur a pas porté chance !

— Je vous ai dit ce qu’il en était, a murmuré Merveille. Faites comme vous voudrez… Si vous doutez de moi, partez…

— Et vous me suivrez gentiment ?

— Allez chercher ma clé de contact pour plus de sécurité…

Je suis un incorrigible risque-tout.

— Ça va, je marche…

— Alors, allons-y !

— Minute, je veux garer cette voiture proprement…

Il y avait un garage tout près. J’ai remisé la D.S. avec son précieux chargement. Ce lit n’éveillait pas l’intérêt, je pouvais être tranquille quant au magot !

Je suis revenu à la Simca-Sport de Merveille.

— Par quoi commençons-nous ? ai-je questionné.

— Par la fin, a-t-elle déclaré gravement… Du moins par celle de Carmoni.

CHAPITRE XV

Elle semblait candide, Merveille. Mais elle avait de la suite dans les idées… Tout était déjà organisé dans sa ravissante petite tête.

— Voilà ce que nous allons faire, Kaput ! Vous vous couchez à l’arrière de la voiture. Moi je rentre à la maison… Une fois dans le garage, je ferai appeler Carmoni par l’un des hommes…

— Et s’il n’y est pas ?

— Je connais son emploi du temps : il y est !

« Comme je rentre de mission, somme toute, et qu’il attend les résultats, il accourra… Vous n’aurez qu’à intervenir !

— O.K…

— Lorsqu’il sera mort j’appellerai sa bande et vous leur tiendrez le langage qui convient, vous voyez ?

— Je vois…

— D’accord ?

— D’accord !

Je me suis penché sur elle. Sa bouche sans rouge à lèvres était fraîche comme de l’eau de source. Nous avons échangé un de ces baisers qui transforment les idées d’un homme.

Après j’ai été tout à fait d’attaque.

* * *

Parvenue devant la maison de la rue de Milan, Merveille a donné un très timide coup de klaxon afin d’alerter le portier. Ce dernier est allé faire basculer la porte du garage et Merveille a rangé la tire entre les deux bagnoles qui s’y trouvaient déjà.

— Allez dire au patron qu’il vienne tout de suite ici ! a-t-elle crié au bonhomme…

— Ici, mademoiselle ? s’est étonné l’homme.

— Oui. Et faites vite !

Il est parti.

— Vous êtes prêt ? m’a-t-elle chuchoté.

— Oui…

— Je vais descendre et ouvrir le coffre arrière… Je serai penchée dessus lorsqu’il arrivera. Il viendra m’y rejoindre. Vous pourrez sortir tandis que je lui parlerai. Ouvrez déjà la portière pour éviter qu’elle fasse du bruit…