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— Nous recherchons votre aide, confirma Nynaeve.

Elle aurait souhaité qu’Elayne cesse de rouler des yeux furibonds. Son regard était pire que celui de la femme Corly. Enfin, au moins aussi mauvais.

— Nous recherchons désespérément un ter’angreal…

— Généralement, nous connaissons d’avance les filles qu’on nous amène, l’interrompit Reanne comme si elle n’avait rien dit, et nous devons donc nous assurer que vous êtes ce que vous prétendez. Combien de portes une Novice peut-elle emprunter pour entrer à la Bibliothèque de la Tour, et lesquelles ?

Elle but une gorgée de thé et attendit.

— Deux, répondit Elayne d’un ton venimeux. La porte principale à l’est, quand elle est envoyée par une sœur, ou la petite porte du coin sud-ouest, appelée la Porte des Novices, quand elle y va pour elle-même. Encore longtemps, Nynaeve ?

Garenia, qui tenait le bouclier d’Elayne, canalisa un nouveau flot d’Air, assez rudement. Elayne frémit, et Nynaeve grimaça, avec l’impression qu’elle la tirait par sa jupe.

— Un langage courtois est une autre obligation, fit-elle avec ironie.

— C’est la bonne réponse, accorda Maîtresse Corly comme s’il ne s’était rien passé, bien que jetant un bref coup d’œil sur la Saldaeane. Maintenant, combien de ponts y a-t-il au Jardin Aquatique ?

— Trois, dit sèchement Nynaeve, parce qu’elle le savait.

Elle ne savait pas pour la bibliothèque, n’ayant jamais été Novice.

— Nous avons besoin de savoir…

Berowin, occupée à tenir les boucliers, ne pouvait pas canaliser un flot d’Air, mais Maîtresse Corly le pouvait. Son visage restant impassible au prix d’un gros effort, Nynaeve resserra les mains sur ses jupes pour les empêcher de bouger. Elayne eut le culot de la gratifier d’un petit sourire glacial. Glacial, mais satisfait.

Elles furent bombardées d’une douzaine d’autres questions, allant du nombre d’étages que comprenaient les quartiers des Novices – douze – jusqu’aux circonstances en lesquelles une Novice était autorisée à entrer à l’Assemblée – pour porter des messages ou pour être expulsée de la Tour à la suite d’un crime quelconque, sinon, jamais –, accablées, sans que Nynaeve parvienne à placer deux mots, et encore, accueillis en silence par l’horrible Corly. Elle se fit l’effet d’une Novice devant l’Assemblée ; elles non plus n’avaient pas le droit de parler. Ce fut l’une des rares réponses qu’elle put faire, mais heureusement, Elayne répondait promptement quand elle ne savait pas. Nynaeve aurait mieux fait si les questions avaient concerné les Acceptées, un peu mieux du moins, mais c’est ce qu’une Novice devait savoir qui les intéressait. Elle se félicita qu’Elayne accepte de jouer le jeu, même si, à en juger par sa pâleur et son menton agressif, ça ne pourrait plus durer bien longtemps.

— Je suppose que Nynaeve a vraiment été à la Tour, conclut finalement Reanne, consultant les deux autres du regard. Si Elayne l’avait instruite, elle aurait sans doute mieux réussi. Certaines vivent dans un brouillard perpétuel.

Garenia renifla, puis hocha lentement la tête. L’acquiescement de Berowin fut beaucoup trop prompt au goût de Nynaeve.

— Je vous en prie, dit-elle poliment.

Elle pouvait se montrer polie quand les circonstances l’exigeaient, quoi qu’on lui ait raconté par ailleurs.

— Nous avons vraiment besoin de trouver un ter’angreal que le Peuple de la Mer appelle la Coupe des Vents. C’est dans un entrepôt poussiéreux, quelque part dans le Rahad, et je crois que votre guilde, votre Cercle, sait où il se trouve. S’il vous plaît, aidez-nous.

Soudain, trois visages de pierre la dévisagèrent.

— Il n’y a pas de guilde, dit Maîtresse Corly avec froideur. Seulement quelques amies qui n’ont pas trouvé de place à la Tour Blanche…

De nouveau, ce ton révérenciel.

— … et qui sont parfois assez folles pour tendre la main à qui a besoin d’elles. Nous n’avons rien à voir avec des ter’angreals, des angreals, ou des sa’angreals. Nous ne sommes pas des Aes Sedai.

Aes Sedai fut également prononcé avec vénération.

— D’ailleurs, vous n’êtes pas là pour poser des questions. Mais nous en avons d’autres à soulever, pour savoir jusqu’à quel stade vous êtes arrivées ; après quoi, nous vous emmènerons à la campagne et nous vous confierons aux bons soins d’une amie. Elle vous gardera jusqu’à ce que nous décidions de la suite. Jusqu’à ce que nous soyons sûres que les sœurs ne vous recherchent pas. Vous avez une nouvelle vie devant vous, une nouvelle chance, si seulement vous savez en profiter. Ce qui vous a freinées à la Tour ne s’applique pas ici, que ce soit le manque de dextérité ou la peur d’autre chose. Personne ne vous poussera à apprendre ou à faire des choses qui dépassent vos capacités. Ce que vous êtes est suffisant.

— Assez, dit Elayne d’un ton glacial. Bien assez, Nynaeve. À moins que vous n’ayez l’intention de vous éterniser à la campagne ? Elles n’ont pas la coupe, Nynaeve.

Sortant l’anneau du Grand Serpent de son aumônière, elle le passa à son doigt. À sa façon de regarder les trois femmes, personne n’aurait pu la croire entourée d’un écran. Elle était une reine qui a perdu patience. Elle était Aes Sedai jusqu’au bout des ongles.

— Je suis Elayne Trakand, Haut Siège de la Maison Trakand. Je suis Fille-Héritière d’Andor et Aes Sedai de l’Ajah Verte, et y exige d’être libérée immédiatement.

Nynaeve grogna.

Garenia grimaça, écœurée, et les yeux de Berowin se dilatèrent d’horreur. Reanne Corly eut l’air peiné, mais quand elle parla, ce fut d’un ton implacable.

— J’espérais que Setalle vous avait fait changer d’avis au sujet de ce mensonge spécifique. Je sais comme c’est difficile, quand on s’est fièrement mise en route pour la Tour, de rentrer à la maison pour reconnaître son échec. Mais on ne parle jamais comme vous, même par plaisanterie.

— Ce n’était pas une plaisanterie, dit Elayne d’un ton léger.

Léger, comme la neige est légère.

Garenia se pencha vers elle en fronçant les sourcils, formant un flot d’Air, mais Maîtresse Corly l’arrêta de la main.

— Et vous, Nynaeve ? Persistez-vous dans ce… dans cette folie ?

Nynaeve prit une profonde inspiration. Ces femmes devaient savoir où se trouvait la Coupe ; c’était obligatoire !

— Nynaeve ! ordonna Elayne d’un ton hargneux.

Elle ne lui permettrait jamais d’oublier cette aventure, même si elles parvenaient à s’échapper. Elle avait une façon de ressasser le moindre faux pas qui vous coupait l’herbe sous le pied.

— Je suis Aes Sedai de l’Ajah Jaune, récita Nynaeve avec lassitude. La Véritable Siège de l’Amyrlin, Egwene al’Vere, nous a élevées au châle à Salidar. Elle n’est pas plus âgée qu’Elayne ; vous le savez sans doute.

Pas le moindre changement sur les trois visages de pierre.

— Elle nous a envoyées à Ebou Dar pour retrouver la Coupe des Vents, avec laquelle nous pourrons rétablir le climat.

Toujours pas de réaction. Elle s’efforça de réprimer sa colère, elle s’y essaya vraiment, mais elle persista malgré elle.

— Vous devez le désirer comme tout le monde ! Regardez autour de vous ! Le Ténébreux étrangle le monde ! Si vous avez la moindre idée de l’endroit où se trouve la Coupe, parlez !

Maîtresse Corly fit signe à Derys, qui vint enlever les tasses, ses yeux dilatés regardant craintivement Elayne et Nynaeve. Quand elle sortit de la pièce, ou plutôt détala, les trois femmes se levèrent solennellement, comme trois juges sévères qui vont prononcer une sentence.