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Allongé sur un tapis de soie verte, il faisait une partie de Serpents et Renards avec Olver quand un second message fut glissé sous sa porte.

Il paraît qu’il est plus sportif de regarder un pigeon battre des ailes avant de s’envoler, mais tôt ou tard, un oiseau affamé reviendra se poser sur la main.

— Qu’est-ce que c’est, Mat ? demanda Olver.

— Rien, dit Mat, froissant le message. Une autre partie ?

— Oh, oui !

L’enfant aurait joué toute la journée à ce jeu idiot si on l’avait laissé faire.

— Mat, tu as goûté de ce jambon qu’elles ont préparé pour ce soir ? Je n’ai jamais rien mangé de plus…

— Jette les dés, Olver. Jette ces maudits dés, c’est tout.

Revenant au palais le troisième soir, il acheta en route du pain, des olives et du fromage de brebis, ce qui fut aussi bien. La cuisine avait toujours ses ordres. Ces maudites femmes riaient aux éclats quand elles passaient juste hors de sa portée avec des plats fumants de viandes et de poissons, en lui disant de ne pas se couper l’appétit.

Il conserva sa dignité. Il s’abstint de chiper un plat puis de s’enfuir en courant. Il fit sa plus belle révérence, rejetant en arrière une cape imaginaire.

— Gentes dames, votre accueil chaleureux et votre hospitalité me subjuguent.

Sa sortie aurait été plus digne si une fille de cuisine n’avait pas caqueté derrière son dos :

— La Reine va bientôt dîner d’un caneton rôti, mon garçon.

Très drôle. Les autres femmes rirent si fort qu’elles devaient se rouler par terre. Fichtrement drôle !

Pain, olives et fromage salé lui composèrent un repas acceptable, arrosé d’eau claire de son broc de toilette. Il n’avait plus trouvé de punch au vin dans sa chambre depuis le premier soir. Olver tenta de lui parler d’une sorte de poisson rôti, assaisonné d’une sauce à la moutarde et aux raisins ; Mat lui grogna de s’exercer à la lecture.

Personne ne glissa un message sous sa porte ce soir-là. Il commença à se dire que les choses allaient s’arranger. Le lendemain commençait la Fête des Oiseaux. D’après ce qu’il avait entendu dire des costumes que portaient les gens, hommes et femmes, il était possible que Tylin se trouve un nouveau caneton à poursuivre de ses avances. Quelqu’un pouvait sortir de cette maudite maison en face de La Rose d’Elbar et lui tendre la Coupe des Vents. Il fallait que les choses s’arrangent.

Quand il se réveilla au Palais Tarasin le troisième jour, les dés roulaient dans sa tête.

29

La Fête des Oiseaux

Se réveillant au bruit des dés, Mat pensa à se rendormir jusqu’à ce qu’ils cessent de rouler, mais il finit par se lever, grognon. Comme s’il n’avait déjà pas plus qu’assez de pain sur la planche ! Il chassa Nerim, s’habilla en mangeant le reste du pain et du fromage de la veille, puis il alla voir ce que devenait Olver. L’enfant, vif comme l’éclair, se rua sur ses vêtements dans sa hâte à sortir, s’arrêtant par à-coups, sa chemise ou une botte à la main, pour bombarder Mat de questions, auxquelles il répondait distraitement. Non, ils n’iraient pas aux courses aujourd’hui, celles richement dotées du Circuit du Ciel, au nord de la cité. Peut-être qu’ils iraient visiter la ménagerie. Oui, Mat lui achèterait un masque emplumé pour la fête. S’il arrivait à s’habiller. Ce qui redoubla sa précipitation.

Ce qui préoccupait vraiment Mat, c’étaient ces maudits dés. Pourquoi s’étaient-ils remis à rouler ? Il ne savait toujours pas ce qui les avait mis en branle les fois précédentes.

Quand Olver eut enfin fini de s’habiller, il suivit Mat au salon, posant toujours des questions que Mat écoutait à peine, et faillit le percuter par-derrière quand celui-ci s’arrêta pile. Tylin reposa sur la table le livre qu’Olver lisait la veille.

— Majesté !

Mat darda les yeux sur la porte qu’il avait fermée la veille à double tour, et maintenant grande ouverte.

— Quelle surprise !

Il tira Olver devant lui, le plaçant entre lui et le sourire moqueur de la femme. Enfin, peut-être pas vraiment moqueur, mais c’est l’impression qu’il eut. Assurément, elle était contente d’elle.

— J’emmenais justement Olver en promenade. Pour voir la Fête. Et la ménagerie itinérante. Il veut un masque de plumes.

Il referma la bouche d’un coup sec pour s’empêcher de pérorer, et amorça sa retraite vers la porte, se servant de l’enfant comme d’un bouclier.

— Oui, murmura Tylin, le regardant entre ses paupières.

Elle ne fit pas un geste pour l’arrêter, mais son sourire s’élargit, comme si elle attendait que son pied se prenne dans un piège.

— C’est très bien qu’il sorte avec un compagnon, au lieu de jouer avec les galopins, comme on le dit, paraît-il. Il fait beaucoup parler de lui, cet enfant. Riselle ?

Une femme parut sur le seuil, et Mat sursauta. Un masque extravagant, véritable tourbillon de plumes bleues et or, dissimulait la plus grande partie du visage de Riselle, mais les plumes du reste de son costume ne cachaient pas grand-chose d’autre. Elle possédait la poitrine la plus spectaculaire qu’il eût vue de sa vie.

— Olver, dit-elle, se mettant à genoux, ça te plairait de venir à la fête avec moi ?

Elle leva un masque de faucon rouge et vert, juste de la bonne taille pour l’enfant.

Avant que Mat n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche, Olver se dégagea et courut à elle.

— Oh, oui, s’il te plaît. Merci !

L’ingrat petit chenapan éclata de rire quand elle ajusta le masque sur son visage, puis le serra sur ses seins. Main dans la main, ils sortirent en courant, laissant Mat bouche bée.

Mais il se ressaisit rapidement quand Tylin déclara :

— Heureusement pour vous que je ne suis pas du genre jaloux, mon chou.

Elle tira de sous sa ceinture or et argent la longue clé en fer de sa porte, puis une seconde exactement semblable, et agita les deux devant lui.

— Les gens mettent toujours leur clé dans une boîte près de la porte.

C’est effectivement ce qu’il avait fait la veille.

— Mais personne ne pense jamais qu’il peut exister une deuxième clé.

Une clé retourna sous sa ceinture, l’autre fut tournée dans la serrure avec un « clic » sonore avant de rejoindre sa compagne.

— Maintenant, à nous deux, mon agneau.

C’en était trop. Cette femme le harcelait, essayait de l’affamer ; maintenant, elle l’enfermait avec elle comme… comme il ne savait pas quoi. Mon agneau ! Ces maudits dés rebondissaient dans sa tête ! De plus, il avait une affaire importante à régler. Les dés n’avaient jamais rien eu à voir avec le fait de trouver quelque chose, mais… Il la rejoignit en deux longues enjambées, la saisit par le bras, et commença à chercher la clé sous sa ceinture.

— Je n’ai pas de temps à perdre à ces maudites…

Sa respiration se bloqua quand la pointe acérée de sa dague lui ferma la bouche et l’obligea à se lever sur la pointe des pieds.

— Retirez votre main, dit-elle froidement.

Il parvint à couler un regard le long de son nez pour regarder son visage. Elle ne souriait plus maintenant. Il desserra sa main avec précaution. Mais la pression de la lame ne faiblit pas. Elle secoua la tête.

— Tss, tss. J’essaye de tenir compte du fait que vous êtes un étranger, jeune oison, mais si vous préférez la force… Mains le long du corps. Reculez.

La pointe de la dague indiqua la direction. Il fit marche arrière sur la pointe des pieds plutôt que d’avoir la gorge tranchée.