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— En tout cas, je ne peux faire qu’une chose.

— Et qu’est-ce que ça peut être ?

Elle croisa les bras, son pied frappant le sol d’une façon inquiétante, mais il savait que c’était la chose à faire.

— Vous éloigner de moi.

Comme il l’avait fait pour Elayne et Aviendha.

— Si j’étais capable de maîtriser mes pulsions, j’aurais…

Le rythme des battements de pied s’accéléra, de plus en plus menaçant. Peut-être valait-il mieux passer à autre chose. Réconfort ? Oh, Lumière !

— Min, toute personne proche de moi est en danger. Les Réprouvés ne sont pas les seuls à tenter de faire du mal à quiconque est proche de moi, dans l’espoir de m’atteindre. Et maintenant voilà que je me mets aussi à faire du mal à mes amis. Je ne me maîtrise plus. Min, j’ai failli tuer Perrin ! Cadsuane avait raison. Je deviens fou, ou je le suis déjà. Je dois vous éloigner dans l’intérêt de votre propre sécurité.

— Qui est cette Cadsuane ? dit-elle, et il sursauta en remarquant qu’elle continuait à taper du pied. Alanna parle d’elle, comme si c’était la sœur du Créateur en personne. Non ; ne dites rien. Je m’en moque.

Non qu’elle lui donnât le temps d’articuler un mot.

— Je me moque de Perrin aussi. Vous me feriez du mal comme à lui. Je pense que votre grande bagarre était bidon, voilà ce que je crois. Je me moque de vos pulsions, et je me moque que vous soyez fou ou non. Vous ne devez pas être si fou que ça, ou vous ne vous feriez pas tant de souci. Ce qui m’importe…

Elle se pencha vers lui, amenant ses grands yeux noirs au niveau des siens, tout proches, et soudain, il y discerna tant de fureur qu’il saisit le saidin, prêt à se défendre.

— M’éloigner dans l’intérêt de ma propre sécurité ? gronda-t-elle. Comment osez-vous ? Quel droit avez-vous de m’envoyer où que ce soit ? Vous avez besoin de moi, Rand al’Thor ! Si je vous disais toutes les visions que j’ai eues à votre sujet, la moitié de vos cheveux blanchirait, et l’autre moitié tomberait ! Vous osez ! Vous laissez les Vierges prendre tous les risques qu’elles veulent, et vous voulez me renvoyer comme une enfant !

— Je ne suis pas amoureux des Vierges.

Flottant dans le Vide indifférent, il entendit ces paroles sortir de sa bouche, et le choc qu’il en éprouva fracassa l’espace et chassa le saidin.

— Partait, fit Min, un petit sourire accentuant la courbe de ses lèvres. C’est parfait.

Et elle s’assit sur ses genoux.

Elle avait dit qu’il ne ferait pas plus de mal à elle qu’à Perrin, mais il devait la faire souffrir maintenant. Il le fallait, dans son propre intérêt.

— J’aime aussi Elayne, déclara-t-il brutalement. Et Aviendha. Vous comprenez maintenant ?

Pour une raison inconnue, cela ne sembla pas la perturber.

— Rhuarc aime plus d’une femme, affirma-t-elle, avec un sourire d’une sérénité d’Aes Sedai. Bael aussi, et je n’ai jamais remarqué sur eux des cornes de Trolloc. Non, Rand, vous m’aimez, vous ne pouvez pas le nier. Je devrais vous faire tirer la langue pour ce que vous m’avez fait vivre, mais… Si vous voulez tout savoir, je vous aime aussi.

En proie à un conflit intérieur, elle fronça les sourcils et son sourire disparut.

— Parfois, la vie serait bien plus facile si l’éducation de mes tantes ne m’avait pas habituée à être honnête, marmonna-t-elle. Et pour être franche, Rand, je dois vous dire qu’Elayne vous aime aussi. De même qu’Aviendha. Si les deux épouses de Mandelain peuvent l’aimer, je suppose que trois femmes peuvent vous aimer aussi. Mais je suis là, et si vous tentez de me renvoyer, je m’attacherai à votre jambe.

Elle fronça le nez.

— Enfin, quand vous recommencerez à prendre des bains. Mais je ne m’en irai pas, quoi qu’il arrive.

Sa tête tournait, exactement comme une toupie.

— Vous… m’aimez ? fit-il, incrédule. Comment savez-vous ce qu’éprouve Elayne ? Comment savez-vous quoi que ce soit au sujet d’Aviendha ? Oh, Lumière ! Mandelain peut faire ce qu’il veut, Min, mais je ne suis pas un Aiel.

Il fronça les sourcils.

— M’avez-vous dit que vous ne me communiquiez pas la moitié de ce que vous voyez ? Je croyais que vous me racontiez tout. Et je vais vraiment vous envoyer en lieu sûr. Et arrêtez de froncer le nez comme ça ! Je n’empeste pas !

Il sortit de sous sa tunique la main avec laquelle il se grattait.

Min haussa les sourcils de façon éloquente, et sa langue ne fut pas en reste.

— Vous osez me parler sur ce ton ? Comme si vous ne me croyiez pas ?

Soudain, elle commença à élever la voix et elle brandit un index menaçant qu’elle lui enfonça dans la poitrine comme pour la transpercer.

— Croyez-vous que j’irais au lit avec un homme que je n’aime pas ? Le croyez-vous ? Ou pensez-vous n’être pas digne d’être aimé ? C’est ça ? glapit-elle comme un chat à qui on a marché sur la queue. Alors, je suis une évaporée sans rien dans la tête, tombant amoureuse d’un malotru bon à rien, c’est ça ? Vous me regardez avec des yeux de poisson frit et vous calomniez mon intelligence, mon goût, mon…

— Si vous ne vous calmez pas et si vous n’arrêtez pas ces sottises, gronda-t-il, je jure de vous donner la fessée.

Ces paroles sortirent de nulle part, de ses nuits d’insomnie et de confusion, mais avant qu’il n’ait eu le temps de formuler des excuses, elle sourit. Elle sourit !

— Au moins, vous ne boudez plus, dit-elle. Ne pleurnichez plus jamais, Rand, ça ne vous va pas. Maintenant, parlons sérieusement. Je vous aime et je ne m’en irai pas. Si vous essayez de me renvoyer, je dirai aux Vierges que vous m’avez abusée puis rejetée. Je le dirai à quiconque voudra m’entendre. Je…

Il leva sa main droite, étudia sa paume marquée du héron, puis regarda Min. Elle lorgna sa main avec méfiance, et remua sur ses genoux, puis ignora tout avec ostentation, sauf son visage.

— Je ne partirai pas, Rand, dit-elle avec calme. Vous avez besoin de moi.

— Comment faites-vous ? soupira-t-il, se renversant sur la chaise. Même quand vous me retournez sur la tête, vous diminuez mes ennuis.

Elle renifla avec dédain.

— Vous avez besoin qu’on vous retourne plus souvent sur la tête. Dites-moi, cette Aviendha, je suppose qu’il n’y a aucune chance qu’elle soit maigre et balafrée comme Nandera ?

Il rit malgré lui. Par la Lumière, depuis quand n’avait-il pas ri de plaisir ?

— Min, je dirais qu’elle est aussi jolie que vous, mais qu’on ne peut pas comparer deux levers de soleil.

Un moment, elle le regarda avec un petit sourire, comme si elle ne parvenait pas à décider si elle devait être surprise ou ravie.

— Vous êtes un homme très dangereux, Rand al’Thor, murmura-t-elle, se blottissant contre lui.

Il eut l’impression qu’il allait sombrer dans ses yeux, et il y sombra. Toutes les fois où elle s’était assise sur ses genoux en l’embrassant, toutes les fois où il avait pensé qu’elle taquinait un petit gars de la campagne, et qu’il souffrait mille morts tellement il avait envie de l’embrasser… Maintenant, si elle se remettait à le couvrir de baisers…

La prenant fermement par les bras, il se leva et la remit sur ses pieds. Il l’aimait et elle l’aimait, mais il ne devait pas oublier qu’il avait toujours envie d’embrasser Elayne quand il pensait à elle, et Aviendha aussi. Quoi que puisse dire Min sur Rhuarc ou tout autre Aiel, elle n’avait pas tiré le gros lot le jour où elle s’était amourachée de lui.

— Vous avez dévoilé la moitié, Min, dit-il doucement. Quelles visions m’avez-vous cachées ?

Elle leva les yeux sur lui, avec quelque chose qui pouvait être de la frustration, sauf que c’était impossible, bien sûr.