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Ce qu’elle trouva avec le Pouvoir la stupéfia, et le ton, d’impérieux devint incrédule.

— Qu’est-ce que vous avez fait ?

Flinn haussa les épaules, l’air impuissant.

— Pas grand-chose. Je n’ai pas pu vraiment toucher le mal. Je l’ai scellé pour l’isoler de lui ; pour un certain temps en tout cas. Ça ne durera pas. Les poisons des deux blessures se combattent, maintenant. Ils s’anéantiront peut-être l’un l’autre, pendant qu’il finira de se guérir tout seul. D’autre part, soupira-t-il en secouant la tête, je ne peux pas dire qu’ils ne le tueront pas. Mais je crois qu’il a une meilleure chance de survivre qu’avant.

Dashiva hocha la tête avec importance.

— Oui, il a une chance maintenant.

On aurait dit qu’il avait pratiqué la Guérison lui-même.

À la surprise évidente de Flinn, Samitsu contourna le lit pour l’aider à se relever.

— Vous m’expliquerez ce que vous avez fait, dit-elle, le ton majestueux jurant avec la façon dont elle redressait vivement le col du vieil homme et lissait les revers de sa tunique. Si seulement vous trouviez un moyen de me montrer ! Mais vous pouvez me décrire le processus. Vous le devez ! Je vous donnerai tout l’or que je possède, je porterai votre enfant, tout ce que vous voudrez, mais vous me direz comment vous faites.

Apparemment ignorant elle-même si elle commandait ou mendiait, elle conduisit un Flinn extrêmement perplexe près des fenêtres. Il ouvrit la bouche plusieurs fois, mais elle était trop occupée à essayer de le faire parler pour s’en apercevoir.

Sans se soucier du qu’en-dira-t-on, Min grimpa sur le lit et s’allongea près de Rand, posant sa tête sur sa poitrine et l’entourant de ses bras. Furtivement, elle observa les trois personnes rassemblées autour du lit. Cadsuane dans son fauteuil, Amys debout en face d’elle, Dashiva appuyé contre l’une des colonnes carrées du lit, tous les trois entourés d’auras indéchiffrables et d’images dansantes. Sans aucun doute, Amys voyait le désastre pour les Aiels si Rand mourait, et Dashiva, le seul qui n’était pas impassible, avec son sombre froncement de sourcils, voyait le désastre pour les Asha’man. Et Cadsuane… Cadsuane, qui non seulement était connue de Kiruna et de Bera, mais les faisait sauter à son commandement comme des gamines malgré l’allégeance qu’elles avaient jurée à Rand. Cadsuane ne « ferait pas plus de mal qu’elle le devait » à Rand.

Le regard de Cadsuane rencontra un instant celui de Min, qui frissonna. D’une façon ou d’une autre, elle le protégerait pendant qu’il ne pouvait pas s’en charger ; elle le préserverait d’Amys, de Dashiva et de Cadsuane. D’une façon ou d’une autre. Inconsciemment, elle se mit à fredonner en le berçant doucement. D’une façon ou d’une autre.

37

Un message du palais

Le lendemain de la Fête des Oiseaux, le jour se leva accompagné de vents forts soufflant de la Mer des Tempêtes, qui rafraîchirent la température à Ebou Dar. Mais un ciel sans nuages et l’orbe rouge-doré du soleil montant sur l’horizon annonçaient que la fraîcheur ne durerait pas. Mat traversait à la hâte le Palais Tarasin, sa tunique verte déboutonnée et sa chemise à demi lacée, les yeux plus dilatés qu’il ne l’aurait voulu, chaque fois qu’une servante passait, dans le frou-frou de ses jupons, le gratifiant d’un grand sourire. Toutes, jusqu’à la dernière, souriaient, d’un sourire… entendu. Il avait du mal à se retenir de prendre les jambes à son cou. Enfin, il ralentit, entrant, presque sur la pointe des pieds, dans l’allée ombragée bordant les écuries. Entre les colonnes flûtées de l’allée, des plantes grêles à fleurs jaunes dans de grandes urnes de poterie, et des lianes aux larges feuilles à rayures rouges pendant hors de paniers suspendus par des chaînes, formaient un mince écran. Machinalement, il renfonça son chapeau sur sa tête pour dissimuler son visage. Ses mains couraient le long de sa lance – une ashandarei, selon Birgitte –, tripotant distraitement la hampe comme s’il prévoyait d’avoir à se défendre. Les dés rebondissaient violemment dans sa tête, pourtant ils n’avaient rien à voir avec son malaise. Dont la cause était Tylin.

Six calèches fermées, avec l’Ancre verte et l’Épée de la Maison Mitsobar laquées sur les portes, attendaient déjà en file devant la grande arche de la porte extérieure, toutes déjà attelées, les cochers en livrée sur leur siège. Il vit Nalesean bâiller dans une tunique jaune, de l’autre côté des calèches, et Vanin, avachi sur un tonneau retourné, non loin des portes de l’écurie, apparemment endormi. La plupart des autres des Bras Rouges attendaient patiemment, accroupis sur les pavés de la cour ; quelques-uns jouaient aux dés dans l’ombre de la grande bâtisse blanche. Elayne se tenait debout entre Mat et les calèches, juste de l’autre côté de l’écran végétal. Reanne Corly était près d’elle, avec, juste derrière, sept des femmes qui assistaient à cette réunion bizarre au milieu de laquelle il avait débarqué la veille ; Reanne était la seule à ne pas porter la large ceinture rouge de Sage-Femme. Il s’attendait à moitié à ce qu’elles ne viennent pas ce matin. Elles avaient l’air de femmes habituées à gouverner leur propre vie et celle des autres, et la plupart avaient au moins un peu de gris dans les cheveux, pourtant, elles regardaient le visage juvénile d’Elayne avec un air d’attente, attentives, comme prêtes à exécuter ses ordres. Mais, tout le groupe ne retint pas même la moitié de son attention ; aucune n’était la femme qui lui donnait envie de sauter au plafond. Tylin lui donnait l’impression d’être… enfin… « Impuissant » était le seul mot qui semblait convenir, bien que ridicule en l’occurrence.

— Nous n’avons pas besoin d’elles, Maîtresse Corly, souligna Elayne, du ton d’une femme tapotant la tête d’un enfant. Je leur ai dit de rester là jusqu’à notre retour. Nous attirerons moins l’attention, surtout sur l’autre rive, sans aucune femme reconnaissable en tant qu’Aes Sedai.

Pour ne pas capter l’attention dans le quartier le plus mal famé de la ville, elle n’avait rien trouvé de mieux qu’un grand chapeau vert à plumes, une légère cape cache-poussière en lin vert brodée d’arabesques dorées flottant dans son dos, et une robe d’équitation en soie verte brodée de volutes d’or le long de la jupe divisée et soulignant lourdement l’ovale du décolleté révélant la moitié de ses seins. Elle portait même un de ces colliers où l’on suspendait le couteau de mariage. À la vue de ce large bandeau d’or torsadé, tous les voleurs du Rahad sentiraient leurs mains les démanger. Elle n’avait pas d’armes, à part une petite dague à sa ceinture. Mais qu’importent des armes à une femme qui peut canaliser ? Naturellement, chacune de ces Ceintures Rouges avait une dague incurvée passée dans cette même ceinture. Reanne aussi.

Reanne ôta son grand chapeau de paille bleu, le considéra en fronçant les sourcils, puis le recoiffa après en avoir retiré les rubans. Ce n’était pas le ton d’Elayne qui semblait la perturber. Une fois recoiffée, elle eut un sourire hésitant et demanda timidement :

— Pourquoi Merilille Sedai pense-t-elle que nous mentons, Elayne Sedai ?

— Elles le pensent toutes, dit précipitamment une Ceinture Rouge.

Toutes portaient des robes d’Ebou Dar de couleur sombre, avec d’étroits décolletés plongeants, et des jupes retroussées pour dévoiler les jupons, mais seule celle-là, osseuse et avec plus de blanc que de noir dans ses longs cheveux, avait le teint olivâtre et les yeux noirs d’une Ebou-Darie.

— Sareitha Sedai m’a dit avec impertinence que je mentais sur notre nombre, sur…

Reanne lui lança un regard sévère et un impérieux : « Taisez-vous, Tamarla », et elle se tut. Maîtresse Corly était peut-être prête à faire des courbettes et des minauderies à une enfant, si l’enfant se trouvait être une Aes Sedai, mais elle serrait énergiquement la bride à ses compagnes. Fronçant les sourcils, Mat leva la tête sur les fenêtres donnant sur la cour des écuries, celles qu’il voyait d’où il était. Certaines étaient couvertes d’écrans ouvragés en fer forgé, d’autres de claustras ajourés en bois sculpté. Peu probable que Tylin soit là ; et peu probable qu’elle descende aux écuries. Il avait pris grand soin de ne pas la réveiller en s’habillant. De plus, elle ne tenterait rien en public. Du moins, il l’espérait. Mais par ailleurs, il fallait s’attendre à tout d’une femme qui, la veille, avait envoyé une demi-douzaine de servantes s’emparer de lui dans les couloirs, pour le traîner dans ses appartements. Cette maudite femme le traitait comme un jouet ! Il ne le supporterait plus ! Plus jamais. À qui essayait-il d’en faire accroire ? S’ils ne trouvaient pas la Coupe des Vents et ne quittaient pas Ebou Dar aussitôt, le soir même Tylin lui pincerait les fesses en rappelant son pigeonneau !