Выбрать главу

— Il est parfumé à la menthe, Maisia. Vous le trouverez rafraîchissant.

La femme sourit, mais ces yeux noirs… Bon, ce qu’on pouvait faire à une Aes Sedai, on pouvait le faire à deux. Ou plus.

— Et les boîtes de voyage ? demanda sèchement Sevanna. Caddar congédia le gai’shain d’un geste et tapota le sac posé près de lui.

— J’ai apporté autant de nar’bahas – c’est ainsi qu’on les appelait – que j’ai pu en trouver. Assez pour vous transporter tous d’ici la nuit, si vous faites vite. Et je ferais vite, si j’étais vous. Al’Thor a l’intention de vous anéantir, semble-t-il. Deux clans descendent du Nord, et deux autres montent du Sud. Avec leurs Sagettes, toutes capables de canaliser. Ils ont ordre de rester jusqu’à ce que vous soyez morts ou prisonniers, tous jusqu’au dernier.

Therava renifla avec dédain.

— C’est une raison de nous déplacer, certes, natif des Terres Humides, mais non de nous enfuir. Même quatre clans ne peuvent pas envahir la Dague du Meurtrier des Siens en un jour.

— Ne l’ai-je pas dit ? rétorqua Caddar avec un sourire déplaisant. Il semble qu’al’Thor ait lié à lui un certain nombre d’Aes Sedai, et qu’il leur ait appris à Voyager sans l’aide de nar’bahas, au moins sur de courtes distances. Vingt ou trente miles. C’est une redécouverte récente, semble-t-il. Ils pourraient être ici… disons, aujourd’hui. Les quatre clans au complet.

Il mentait peut-être, mais le risque… Sevanna ne s’imaginait que trop bien dans les griffes de Sorilea. S’interdisant de frissonner, elle envoya Rhiale prévenir les autres Sagettes. Sa voix ne trahit aucune émotion.

Plongeant la main dans son sac, Caddar en sortit un cube de pierre grise, plus petit que la boîte d’appel dont elle s’était servie pour le convoquer, et beaucoup moins orné, sans aucune marque à part un brillant disque rouge incrusté dans l’une de ses faces.

— Voici un nar’baha, dit-il. Il utilise le saidin, de sorte qu’aucune de vous ne verra rien, et il a ses limites. Si une femme le touche, il ne fonctionnera plus pendant trois jours après ça ; je devrai donc les distribuer moi-même, et ils ont d’autres limites. Une fois ouvert, le portail le reste pendant un temps donné, suffisant pour que plusieurs milliers de personnes le franchissent si elles ne perdent pas de temps. Après quoi, le nar’baha a besoin de trois jours pour se recharger. J’en ai apporté assez pour aller où nous devons nous rendre aujourd’hui, mais…

Therava se pencha en avant avec tant d’intensité qu’on aurait pu craindre qu’elle ne pique du nez, mais Sevanna écoutait à peine. Elle ne doutait pas de Caddar, pas exactement ; il n’oserait pas la trahir, pas avec l’or qu’il devait recevoir des Shaidos et dont il était avide. Mais de petites choses la dérangeaient. Maisia semblait l’observer par-dessus son thé. Pourquoi ? Et si l’urgence était si nécessaire, pourquoi n’y avait-il aucune impatience dans sa voix ? Il ne trahirait pas, mais elle prendrait des précautions quand même.

Maeric fronça les sourcils sur le cube de pierre que lui avait donné l’homme des Terres Humides, sur le… trou… qui apparut quand il appuya sur le disque rouge. Un trou, de cinq toises de large et trois de haut, suspendu en l’air. Au-delà, il voyait des collines vallonnées, assez hautes, couvertes d’herbe brune. Il n’aimait pas toute chose ayant à voir avec le Pouvoir Unique, surtout sa moitié mâle. Sevanna franchit un autre trou, plus petit, avec l’homme des Terres Humides et une femme brune, à la suite des Sagettes qu’elle et Rhiale avaient sélectionnées. Seule une poignée de Sagettes demeuraient avec les Shaidos Moshaines. Par ce second trou, il voyait Sevanna s’entretenir avec Bendhum. Il resterait également très peu de Sagettes avec la tribu des Sels Verts, Maeric en était sûr.

Dyrele lui toucha le bras.

— Mon mari, murmura-t-elle, Sevanna a dit que ça ne resterait ouvert que peu de temps.

Maeric hocha la tête. Dyrele allait toujours droit à l’essentiel. Il se voila, et sauta en courant à travers le trou qu’il avait créé. Quoi qu’aient dit Sevanna et celui des Terres Humides, il ne le ferait pas franchir à ses Moshaines avant de savoir si c’était sans danger.

Il atterrit lourdement sur une pente couverte d’herbe fanée, et manqua la dévaler pieds par-dessus tête avant de se rattraper. Pendant un moment, il leva les yeux sur le trou. De ce côté, il était à plus d’un pied au-dessus du sol.

— Femme ! cria-t-il. Attention au dénivelé !

Les Yeux Noirs sautèrent à travers le trou, voiles et lances au poing, et les Vierges aussi. Autant essayer d’empêcher le sable de boire l’eau que d’empêcher les Vierges d’être les premières. Le reste des Moshaines suivit en courant, algai’d’siswai, femmes et enfants, retombant sans cesser de courir, artisans, marchands et gai’shains, la plupart tirant après eux des chevaux et des mules de somme lourdement chargés, près de six mille en tout. Sa tribu, son peuple. Ils le seraient toujours quand il irait à Rhuidean. Sevanna ne pouvait pas l’empêcher beaucoup plus longtemps de devenir chef de clan.

Les éclaireurs se déployèrent immédiatement, pendant que la tribu continuait à sortir du trou. Abaissant son voile, Maeric cria des ordres qui expédièrent un rideau d’algai’d’siswais, vers les crêtes des collines environnantes tandis que les autres restaient cachés à leurs pieds. Impossible de savoir qui ou quoi se dissimulait derrière ces collines. Des terres fertiles, prétendait l’homme des Terres Humides, mais l’endroit où ils se trouvaient ne lui paraissait pas si riche que ça.

Le passage de sa tribu fut suivi d’un flot d’algai’d’siswais en qui il n’avait pas vraiment confiance, hommes qui avaient fui leurs propres clans parce qu’ils ne croyaient pas que Rand al’Thor fût le Car’a’carn. Maeric n’était pas sûr de le croire lui-même, mais on n’abandonne pas sa tribu et son clan. Ces hommes s’étaient donné le nom de Mera’dins, les Sans-Frères, nom qui leur allait bien, et il y en avait deux cen…

Soudain, le trou se rétrécit brusquement à une fente verticale argentée, coupant à travers dix Sans-Frères. Des morceaux tombèrent sur la pente, bras et jambes. Le torse d’un homme glissa presque aux pieds de Maeric.

Fixant l’endroit où le trou avait disparu, il appuya du pouce sur le disque rouge. Inutile, il le savait, mais… Darin, son fils aîné, faisait partie des Chiens de Pierre attendant en arrière-garde. Ils auraient dû être les derniers à passer. Suraile, sa fille aînée, était restée avec le Chien de Pierre pour qui elle pensait renoncer à la lance.

Ses yeux rencontrèrent ceux de Dyrele, aussi verts et beaux que le jour où elle avait déposé à ses pieds la couronne nuptiale. Et l’avait menacé de lui trancher la gorge s’il ne la ramassait pas.

— Nous pouvons attendre, proposa-t-il doucement.

Le natif des Terres Humides avait dit trois jours, mais peut-être qu’il se trompait. De nouveau, son pouce appuya sur le disque rouge. Dyrele hochait calmement la tête ; il espéra qu’ils n’auraient pas besoin de pleurer dans les bras l’un de l’autre quand ils seraient seuls.

Une Vierge dévala la pente en glissant, abaissant son voile à la hâte et la respiration oppressée.

— Maeric, cria Naeise, sans attendre qu’il la voie, il y a des lances à l’est, à quelques miles seulement et qui courent droit sur nous. Je crois que ce sont des Reyns. Au moins sept ou huit mille.

Il vit d’autres algai’d’siswais se précipiter vers lui. Un jeune des Frères de l’Aigle, Cairdin, s’arrêta d’une glissade, et dit, dès que Maeric l’aperçut :

— Je vous vois, Maeric. Il y a des lances à pas plus de cinq miles vers le nord, et des natifs des Terres Humides à cheval. Peut-être dix mille de chaque. Je ne crois pas que nos têtes aient dépassé de la crête, mais certaines des lances se tournent vers nous.