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— Sa Magnificence a toujours été fort aimable. » Galazza Galare vida son verre et rajusta son voile. « Y a-t-il eu d’autres nouvelles de notre douce reine ?

— Aucune pour l’instant.

— Je prierai pour elle. Et qu’en est-il du roi Hizdahr, si je puis avoir l’audace de demander ? Aurai-je la permission de visiter Sa Splendeur ?

— Bientôt, j’espère. Il est sain et sauf, je vous le promets.

— Je suis heureuse de l’entendre dire. Les Judicieux de Yunkaï ont réclamé de ses nouvelles. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’ils souhaitent voir le noble Hizdahr restauré sur-le-champ à sa place légitime.

— Il le sera, si l’on peut prouver qu’il n’a pas tenté de tuer notre reine. Jusque-là, Meereen sera gouvernée par un conseil des loyaux et des justes. Il y a pour vous une place à ce conseil. Je sais que vous avez beaucoup à nous apprendre à tous, Votre Bienveillance. Nous avons besoin de votre sagesse.

— Je crains que vous ne me flattiez avec de vides amabilités, lord Main. Si vraiment vous me considérez comme sage, écoutez-moi à présent. Libérez le noble Hizdahr et rendez-lui le trône.

— Seule la reine peut cela. »

Sous ses voiles, la Grâce Verte poussa un soupir. « La paix que nous avons œuvré si dur à forger frissonne comme une feuille au vent d’automne. Nous vivons des jours terribles. La mort parcourt nos rues, montée sur la jument pâle venue d’Astapor, trois fois maudite. Des dragons hantent nos cieux, se repaissant de la chair des enfants. Des centaines prennent la mer, mettant les voiles pour Yunkaï, Tolos et Qarth, et tout refuge qui voudra d’eux. La pyramide d’Hazkar s’est effondrée en une ruine fumante, et de nombreux membres de cette ancienne lignée gisent morts sous ses pierres noircies. Les pyramides d’Uhlez et d’Yherizan sont devenues des antres de monstres, et leurs maîtres des mendiants sans foyer. Mon peuple a perdu tout espoir et s’est retourné contre les dieux eux-mêmes, dévouant leurs nuits à l’ivresse et à la fornication.

— Et au meurtre. Les Fils de la Harpie ont tué trente personnes, cette nuit.

— Je l’apprends avec chagrin. Raison supplémentaire de libérer le noble Hizdahr zo Loraq, qui a arrêté une fois de tels meurtres. »

Et comment a-t-il accompli cela, à moins d’être lui-même la Harpie ? « Sa Grâce a accordé sa main à Hizdahr zo Loraq, en a fait son roi et son consort, a rétabli l’art de la mort comme il l’en priait instamment. En retour, il lui a offert des sauterelles empoisonnées.

— En retour, il lui a offert la paix. Ne la rejetez pas, ser, je vous en supplie. La paix est la perle inestimable. Hizdahr est un Loraq. Jamais il ne souillerait ses mains avec du poison. Il est innocent.

— Comment pouvez-vous en avoir la certitude ? » À moins que vous ne connaissiez l’empoisonneur.

« Les dieux de Ghis me l’ont dit.

— Mes dieux sont les Sept, et les Sept sont restés cois sur cette affaire. Votre Sagesse, avez-vous présenté mon offre ?

— À tous les seigneurs et capitaines de Yunkaï, comme vous m’en aviez donné l’ordre… Cependant, je crains que leur réponse ne vous plaise pas.

— Ils ont refusé ?

— Oui. Aucune quantité d’or ne rachètera vos gens, m’a-t-on dit. Seul le sang des dragons pourra les libérer. »

C’était la réponse à laquelle s’attendait ser Barristan, à défaut de celle qu’il espérait. Sa bouche se pinça.

« Je sais que ce n’étaient pas les mots que vous souhaitiez entendre, dit Galazza Galare. Toutefois, pour ma part, je comprends. Ces dragons sont des bêtes terribles. Yunkaï les redoute… et à bon droit, vous ne pouvez le nier. Nos chroniques parlent des seigneurs dragons de la terrible Valyria et de la dévastation qu’ils ont semée sur les peuples de l’ancienne Ghis. Même votre propre reine, jeune et belle, Daenerys, qui se présente comme la Mère des Dragons… nous l’avons vue brûler, ce jour-là, dans l’arène… Elle non plus n’était pas à l’abri du courroux du dragon.

— Sa Grâce n’est pas… Elle…

— … est morte. Puissent les dieux lui accorder un doux repos. » Des larmes brillèrent derrière ses voiles. « Que ses dragons périssent aussi. »

Selmy tâtonnait en quête d’une réponse quand il entendit un lourd bruit de pas. La porte s’ouvrit à la volée et Skahaz mo Kandaq entra en coup de vent, quatre Bêtes d’Airain derrière lui. Quand Grazhar essaya de lui barrer le passage, il rejeta l’enfant sur un côté.

Ser Barristan se remit immédiatement debout. « Qu’y a-t-il ?

— Les trébuchets, gronda le Crâne-ras. Tous les six. »

Galazza Galare se leva. « Voilà comment Yunkaï répond à vos propositions, ser. Je vous ai averti que leur réponse ne vous plairait pas. »

Ils ont donc choisi la guerre. Soit. Ser Barristan se sentit curieusement soulagé. La guerre, il la comprenait. « S’ils croient briser Meereen en lançant des pierres…

— Pas des pierres. » La voix de la vieille femme était pleine de chagrin et de peur. « Des cadavres. »

Daenerys

La colline formait une île de pierre dans un océan de vert.

Il fallut à Daenerys la moitié de la matinée pour en descendre. Le temps qu’elle parvînt au pied, elle était hors de souffle. Ses muscles la faisaient souffrir et elle se sentait comme prise d’un début de fièvre. Les rochers lui avaient mis les mains à vif. Mais elles vont mieux qu’avant, décida-t-elle en triturant une cloque crevée. Elle avait la peau rose et sensible, et un fluide pâle et laiteux suintait de ses paumes crevassées, mais ses brûlures guérissaient.

La colline paraissait plus grande, vue d’ici. Daenerys avait pris l’habitude de l’appeler Peyredragon, du nom de l’ancienne citadelle où elle était née. Elle n’avait conservé aucun souvenir de l’autre Peyredragon, mais elle n’oublierait pas celle-ci de sitôt. Des broussailles sèches et des buissons épineux couvraient ses premières pentes ; plus haut, un chaos déchiqueté de roc nu s’élançait, escarpé et soudain, vers le ciel. Là, au sein de rochers fracassés, de crêtes tranchantes comme des rasoirs et de pics en aiguille, Drogon avait établi son antre dans une caverne peu profonde. Il y vivait depuis quelque temps, avait compris Daenerys en voyant la colline pour la première fois. L’air sentait la cendre, chaque rocher, chaque arbre en vue étaient brûlés et noircis, le sol semé d’os cuits et brisés, et pourtant, il y était chez lui.

Daenerys connaissait l’attrait d’un lieu à soi.

Deux jours plus tôt, en escaladant une pointe rocheuse, elle avait aperçu de l’eau au sud, une mince ligne qui avait brièvement miroité alors que le soleil se couchait. Un ruisseau, avait décidé Daenerys. Menu, mais il la conduirait à un plus gros, et celui-ci se jetterait dans une petite rivière, et dans cette partie du monde, toutes les rivières étaient vassales de la Skahazadhan. Une fois qu’elle aurait retrouvé la Skahazadhan, Daenerys n’aurait qu’à la descendre vers l’aval jusqu’à la baie des Serfs.

Certes, elle eût préféré revenir à Meereen sur les ailes d’un dragon. Mais ce n’était pas une envie que semblait partager Drogon.

Les seigneurs dragons de l’antique Valyria contrôlaient leurs montures avec des sortilèges de sujétion et des cors sorciers. Daenerys se contentait d’un mot et d’un fouet. À califourchon sur le dos du dragon, elle avait souvent l’impression de totalement réapprendre à monter. Si elle fouettait sa jument argentée sur le flanc droit, l’animal partait à gauche, car le premier instinct d’un cheval le poussait à fuir le danger. Lorsqu’elle claquait de son fouet le flanc droit de Drogon, il obliquait à droite, car le premier instinct du dragon l’incitait toujours à l’attaque. Parfois, cependant, l’endroit où elle frappait semblait sans importance : il allait par moments où l’envie le portait et l’entraînait avec lui. Ni le fouet ni les paroles ne pouvaient faire dévier Drogon s’il ne souhaitait pas modifier sa route. Le fouet l’agaçait plus qu’il ne le blessait, avait-elle fini par comprendre ; ses écailles étaient devenues plus dures que de la corne.