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— Ma parure de loques ? » Le Pentoshi haussa les épaules. « Piètre habit… Et pourtant, il remplit mes ennemis de peur et sur le champ de bataille la vue de mes guenilles qui flottent au vent donne plus de cœur au ventre à mes hommes que n’importe quelle bannière. Et si je veux me déplacer sans être vu, il n’est besoin que de m’en débarrasser pour devenir quelconque et banal. » Il désigna d’un geste le banc en face de lui. « Asseyez-vous. J’ai cru comprendre que vous êtes prince ? Si j’avais su. Quelque chose à boire ? Zahrina propose à manger, également. Son pain est rassis et son ragoût innommable. De la graisse et du sel, avec un ou deux bouts de viande. Du chien, prétend-elle, mais je crois plus probable que ce soit du rat. Ça ne vous tuera pas. J’ai découvert qu’on ne doit se méfier que des nourritures appétissantes. Les empoisonneurs choisissent invariablement les mets les plus attirants.

— Vous avez amené trois hommes, fit valoir ser Gerris, un sous-entendu dans la voix. Nous nous étions mis d’accord sur deux chacun.

— Meris n’est pas un homme. Meris, ma douce, défais ta chemise, montre-lui.

— Ce ne sera pas nécessaire », coupa Quentyn. Si les racontars qu’il avait entendus disaient vrai, la Belle Meris ne portait sous cette camisole que les cicatrices laissées par les hommes qui lui avaient tranché les seins. « Meris est une femme, je suis d’accord. Vous avez quand même biaisé sur les termes.

— Guenilleux et biaiseur, quelle fripouille je suis. Trois contre deux n’est pas un bien gros avantage, on se doit de le reconnaître, mais ça compte quand même. En ce monde, l’homme doit apprendre à saisir au vol tous les dons que les dieux élisent de lui envoyer. C’est une leçon que j’ai apprise à un certain coût. Je vous l’offre, en témoignage de ma bonne foi. » Il indiqua de nouveau le siège. « Asseyez-vous et dites ce que vous êtes venu dire. Je promets de ne pas vous faire tuer avant de vous avoir entendu jusqu’au bout. C’est le moins que je puisse faire pour un collègue prince. Quentyn, c’est bien ça ?

— Quentyn, de la maison Martell.

— Guernouille vous va mieux. Je n’ai pas coutume de boire avec des menteurs et des déserteurs, mais vous avez piqué ma curiosité. »

Quentyn s’assit. Une parole malheureuse et tout ceci pourrait tourner au sang en un demi-battement de cœur. « Je vous prie de nous pardonner notre tromperie. Seuls faisaient voile vers la baie des Serfs les navires loués pour vous conduire jusqu’à la guerre. »

Le Prince en Guenilles haussa les épaules. « Chaque tourne-casaque a son histoire. Vous n’êtes pas les premiers à me jurer vos épées, prendre mon argent et détaler. Ils ont tous des raisons. “Mon petit était malade”, “Ma femme me fait cocu” ou “Les autres hommes me forcent tous à leur sucer la bite”. Un charmant garçon, le dernier, mais je n’ai pas excusé sa désertion. Un autre personnage m’a déclaré que notre cuisine était tellement exécrable qu’il devait fuir avant qu’elle le rende malade. Alors, je lui ai fait couper un pied, je l’ai rôti et le lui ai fait manger. Et puis je l’ai nommé cuisinier du camp. Nos repas se sont améliorés de façon significative et, une fois son contrat achevé, il en a signé un autre. Vous, en revanche… Plusieurs de mes meilleurs éléments sont claquemurés dans les cachots de la reine grâce à votre langue de menteurs, et je doute que vous sachiez même cuisiner.

— Je suis prince de Dorne, répliqua Quentyn. J’avais un devoir envers mon père et mon peuple. Il existait un pacte secret de mariage.

— J’ai entendu dire ça. Et quand la reine d’argent a vu votre bout de parchemin, elle est tombée dans vos bras, c’est ça ?

— Non, intervint la Belle Meris.

— Non ? Oh, je me souviens. Votre épouse s’est envolée sur un dragon. Eh bien, quand elle reviendra, n’oubliez pas de nous inviter à vos noces. Les hommes de la compagnie adoreraient trinquer à votre bonheur, et j’aime beaucoup les mariages ouestriens. La nuit de noces, particulièrement, sauf que… Oh, un instant… » Il se tourna vers Denzo D’han. « Denzo, il me semblait que tu m’avais dit que la reine dragon avait déjà épousé je ne sais quel Ghiscari.

— Un noble meereenien. Riche. »

Le Prince en Guenilles se retourna vers Quentyn. « Se pourrait-il que ce soit vrai ? Sûrement pas. Et votre pacte de mariage, alors ?

— Elle lui a ri au nez », commenta la Belle Meris.

Jamais Daenerys n’avait ri. Le reste de Meereen pouvait bien le considérer comme une amusante curiosité, tel le roi estivien en exil que le roi Robert gardait à Port-Réal, mais la reine s’était adressée à lui avec douceur. « Nous sommes arrivés trop tard, expliqua Quentyn.

— Quel dommage que vous n’ayez pas déserté plus tôt. » Le Prince en Guenilles but délicatement son vin. « Donc… pas de mariage pour le prince Guernouille. Est-ce pour cette raison que vous revenez vers moi à grands sauts ? Mes trois braves petits Dorniens auraient-ils décidé d’honorer leurs contrats ?

— Non.

— C’est contrariant.

— Yurkhaz zo Yunzak est mort.

— Nouvelles défraîchies. Je l’ai vu périr. Le pauvre homme a vu un dragon et a trébuché en tentant de s’enfuir. Et alors, un millier de ses plus proches amis l’ont piétiné. Je ne doute pas que la Cité Jaune baigne dans les larmes. M’avez-vous fait venir pour boire à sa mémoire ?

— Non. Les Yunkaïis ont-ils choisi un nouveau commandant ?

— Le conseil des Judicieux a été incapable de s’accorder. Yezzan zo Qaggaz avait le plus de soutiens, mais le voilà qui vient de crever à son tour. Les Judicieux font tourner entre eux le commandement suprême. Aujourd’hui, notre chef est celui que vos amis ont surnommé le Conquérant ivrogne. Demain, ce sera lord Ballotte-Bajoues.

— Le Lapin, corrigea Meris. Ballotte-Bajoues était hier.

— Je prends bonne note de la correction, ma tendre. Nos amis yunkaïis ont eu la bonté de nous fournir une liste. Je dois m’astreindre à plus d’assiduité dans sa consultation.

— Yurkhaz zo Yunzak était l’homme qui vous a engagés.

— Il a signé notre contrat au nom de sa cité. C’est exact.

— Meereen et Yunkaï ont conclu la paix. Le siège va être levé et les armées dispersées. Il n’y aura pas de bataille, pas de massacre, pas de cité à mettre à sac et à piller.

— La vie est pleine de déceptions.

— Combien de temps croyez-vous que les Yunkaïis voudront continuer à payer les gages de quatre compagnies libres ? »

Le Prince en Guenilles but une gorgée de vin et répondit : « Une question déprimante. Mais tel est notre mode de vie, dans les compagnies libres. Une guerre s’achève, une autre commence. Par chance, il y a toujours quelqu’un qui se bat contre quelqu’un d’autre, quelque part. Ici, peut-être. En ce moment même, alors que nous buvons, Barbesang presse nos amis yunkaïis d’offrir une nouvelle tête au roi Hizdahr. Affranchis et esclavagistes se lorgnent mutuellement le cou en aiguisant leurs couteaux, les Fils de la Harpie complotent dans leurs pyramides, la jument pâle foule de ses sabots l’esclave autant que le maître, nos amis de la Cité Jaune regardent la mer et, quelque part dans les plaines herbues, un dragon grignote la chair tendre de Daenerys Targaryen. Qui gouverne Meereen ce soir ? Qui la gouvernera demain ? » Le Pentoshi haussa les épaules. « Il y a une chose dont je suis certain. Quelqu’un aura besoin de nos épées.

— J’en ai besoin, moi. Dorne vous engagera. »

Le Prince en Guenilles jeta un coup d’œil à la Belle Meris. « Il ne manque pas de culot, le Guernouille. Dois-je lui rafraîchir la mémoire ? Mon cher prince, le dernier contrat que nous avons signé, vous en avez usé pour torcher votre joli cul rose.