Выбрать главу

— Auras-tu également besoin d’une truie à chevaucher ? s’enquit Kasporio.

— Diantre, j’ignorais que ta femme fît partie de la compagnie, répliqua Tyrion. C’est fort aimable à toi de me la proposer, mais je préférerais un cheval. »

Le spadassin vira au rouge, mais Pot-à-l’Encre éclata de rire et Brun Ben alla jusqu’à glousser. « Pot-à-l’Encre, conduis-le jusqu’aux chariots. Il pourra piocher à sa guise dans l’acier de la compagnie. La fille également. Coiffe-la d’un casque, mets-lui un peu de maille, et peut-être qu’on la prendra pour un gamin.

— Lord Tyrion, avec moi. » Pot-à-l’Encre retint le rabat de la tente pour le laisser passer en se dandinant. « Je vais demander à Fauche de t’accompagner. Prends ta femme et rejoignez-le devant la tente des cuisines.

— Ce n’est pas ma femme. Peut-être devrais-tu te charger d’elle. Tout ce qu’elle fait, ces derniers temps, c’est dormir et me lancer des regards assassins.

— Il faut la battre plus fort et la baiser plus souvent, conseilla le trésorier avec sollicitude. Amène-la, laisse-la, fais ce que bon te semblera. Fauche s’en moque. Viens me retrouver quand tu auras ton armure, et je te ferai débuter sur les registres.

— Comme tu voudras. »

Tyrion trouva Sou endormie dans un coin de leur tente, roulée en boule sur une maigre paillasse, sous une pile de draps sales. Quand il la toucha du bout de sa botte, elle roula sur elle-même, le regarda en clignant les yeux et bâilla. « Hugor ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Ah, on recommence à parler, je vois ? » C’était préférable à son habituel silence renfrogné. Tout ça pour un chien et un cochon abandonnés. Je nous ai sauvés tous les deux de l’esclavage, on pourrait imaginer qu’un brin de gratitude serait de mise. « Si tu continues à dormir comme ça, tu risques de rater la guerre.

— Je suis triste. » Elle bâilla à nouveau. « Et fatiguée. Si fatiguée. »

Fatiguée ou malade ? Tyrion s’agenouilla près de la paillasse. « Tu as la mine pâle. » Il posa la main sur son front. Est-ce la chaleur à l’intérieur, ou a-t-elle un peu de fièvre ? Il n’osait pas poser la question à voix haute. L’idée de monter la jument pâle terrifiait même de rudes gaillards comme les Puînés. S’ils pensaient Sou malade, ils la chasseraient sans un instant d’hésitation. Ils seraient même capables de nous restituer aux héritiers de Yezzan, billets ou pas. « J’ai signé leur registre. À l’ancienne, avec du sang. Je suis désormais un Puîné. »

Sou s’assit sur sa couche, frottant ses yeux pour en chasser le sommeil. « Et moi ? Est-ce que je peux signer, également ?

— Je ne crois pas. Certaines compagnies libres ont la réputation d’accepter des femmes, mais… ma foi, ce sont les Puînés, pas les Cadettes, après tout.

— Nous sommes, rectifia-t-elle. Puisque tu es des leurs, tu devrais dire nous sommes, pas ce sont. Est-ce que quelqu’un a vu Jolie Cochonne ? Pot-à-l’Encre disait qu’il s’informerait. Ou Croque, a-t-on eu des nouvelles de Croque ? »

Uniquement si tu te fies à Kasporio. Le lieutenant pas si malin de Prünh prétendait que trois chasseurs d’esclaves yunkaïis visitaient les camps, en posant des questions sur deux nains en fuite. L’un d’eux portait une grande pique avec une tête de chien fichée sur son fer, selon la version que racontait Kasporio. Ce n’étaient pas le genre de nouvelles qui tirerait Sou de son lit, toutefois. « Aucune pour l’instant, mentit-il. Viens. Nous avons besoin de te dénicher une armure. »

Elle lui jeta un regard circonspect. « Une armure ? Pourquoi ?

— Quelque chose que m’a enseigné mon vieux maître d’armes. Ne va jamais tout nu à la bataille, mon garçon, a-t-il déclaré. Je le prends au mot. D’ailleurs, maintenant que je suis épée-louée, je devrais quand même avoir une épée à louer. » Elle ne manifestait toujours aucune intention de bouger. Tyrion la saisit par le poignet, la força à se mettre debout et lui jeta une poignée de vêtements à la face. « Habille-toi. Porte la cape avec une cagoule et garde la tête baissée. Nous sommes censés être un duo de jeunes drôles, juste au cas où les chasseurs d’esclaves seraient aux aguets. »

Fauche attendait près de la tente des cuisines en mâchonnant de la surelle quand les deux nains parurent, enveloppés dans une cape et cagoulés. « J’ai entendu dire qu’ zallez vous battre pour nous, tous les deux, commenta le sergent. Vont s’en chier au froc, à Meereen. L’un de vous a déjà tué un homme ?

— Moi, répondit Tyrion. Je les fais tomber comme des mouches.

— Avec quoi ?

— La hache, le poignard, une remarque bien choisie. Mais c’est avec l’arbalète que je tue le mieux. »

Fauche se gratta une barbe de trois jours avec la pointe de son crochet. « Une saloperie, l’arbalète. T’en as tué combien, avec ça ?

— Neuf. » Assurément, son père comptait pour autant, à tout le moins. Seigneur de Castral Roc, Gardien de l’Ouest, Bouclier de Port-Lannis, Main du Roi, mari, frère, père, père, père.

« Neuf. » Avec un rire avorté, Fauche cracha une bouchée de phlegme rougi. En visant les pieds de Tyrion, peut-être, mais elle atterrit sur son genou. À l’évidence, c’était ce que « neuf » lui inspirait. Les doigts du sergent étaient couverts de taches rouges par le jus de la surelle qu’il mastiquait. Il en fourra deux feuilles dans sa bouche et lança un coup de sifflet. « Kem ! Ramène-toi donc, ’spèce de sac à pisse ! » Kem arriva à toutes jambes. « Conduis lord et lady Lutin aux chariots, et d’mande à Mailloche de les harnacher avec l’acier de la compagnie.

— Mailloche est p’t-êt’ ivre mort, le mit en garde Kem.

— Pisses-y sur la gueule. Ça le réveillera. » Fauche se retourna vers Tyrion et Sou. « Y a jamais eu de nains qu’ont foutu les pieds ici, mais les gamins, on en a jamais manqué. Les fils de telle ou telle pute, des petits cons partis de chez eux pour avoir des aventures, des gitons, des écuyers, tout ça. Y s’ peut qu’une partie de leur barda soit assez p’tite pour aller à des lutins. C’est les conneries qu’y portaient quand ils ont crevé, probab’ment, mais j’ me doute que ça gênera pas des crevures aussi féroces que vous. Neuf, hein ? » Il secoua la tête et s’en fut.

Les Puînés conservaient les armures de la compagnie dans six gros chariots installés près du centre de leur camp. Kem ouvrit le chemin, faisant osciller sa pique comme s’il s’agissait d’un bâton. « Comment un petit gars de Port-Réal se retrouve-t-il dans une compagnie libre ? » lui demanda Tyrion.

Le jeune homme lui jeta un coup d’œil torve et méfiant. « Qui vous a dit que je venais de Port-Réal ?

— Personne. » Chaque mot qui te sort de la bouche gueule Culpucier. « C’est ta malice qui t’a trahi. Il n’est personne de plus rusé qu’un Port-Réalais, dit-on. »

La déclaration parut le décontenancer. « Qui dit ça ?

— Tout le monde. » Moi.

« Depuis quand ? »

Depuis que je viens de l’inventer. « De tout temps, mentit-il. Mon père avait coutume de le répéter. As-tu connu lord Tywin, Kem ?

— La Main. J’ l’ai vu une fois r’monter la colline à ch’val. Ses hommes avaient des capes rouges et de p’tits lions sur le casque. Ils m’ plaisaient bien, ces casques. » Sa bouche se pinça. « Mais la Main, j’ l’ai jamais aimé. Il a mis la cité à sac. Et après, il nous a écrasés, sur la Néra.

— Tu étais là ?