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Improbable, se dit-il, mais il répondit : « Il pourrait.

— Daario nous pisserait peut-être dessus, si nous brûlions. Sinon, n’attendez de lui aucune aide. Que les Corbeaux Tornade se choisissent un autre capitaine, un qui saura rester à sa place. Si la reine ne revient pas, le monde sera plus pauvre d’une épée-louée. Qui le regrettera ?

— Et quand elle reviendra ?

— Elle pleurera, s’arrachera les cheveux et maudira les Yunkaïis. Pas nous. Pas de sang sur nos mains. Vous pourrez la réconforter. Racontez-lui un conte du temps jadis, elle aime ça. Pauvre Daario, son vaillant capitaine… Non, jamais elle ne l’oubliera… Mais mieux vaut pour nous tous qu’il soit mort, non ? Pour Daenerys, aussi. »

Pour Daenerys, et pour Westeros. Daenerys Targaryen aimait son capitaine, mais c’était l’enfant en elle qui parlait, et non la reine. Le prince Rhaegar aimait Lyanna, sa dame, et des milliers ont péri à cause de cela. Daemon Feunoyr aimait la première Daenerys, et s’est soulevé pour se rebeller quand on la lui a refusée. Aigracier et Freuxsanglant aimaient tous deux Shaïra Astre-des-mers, et les Sept Couronnes ont saigné. Le Prince des Libellules aimait tant Jenny de Vieilles-Pierres qu’il a écarté une couronne, et que Westeros a payé la dot en cadavres. Les trois fils du cinquième Aegon s’étaient tous mariés par amour, en contravention avec les vœux de leur père. Et parce que cet invraisemblable monarque avait lui-même suivi son cœur en choisissant sa reine, il permit à ses enfants d’agir à leur guise, suscitant des ennemis mortels où il aurait pu avoir de solides amis. La trahison et les troubles s’étaient ensuivis, aussi sûrement que la nuit suit le jour, s’achevant à Lestival dans la sorcellerie, le feu et la douleur.

Son amour pour Daario est un poison. Un poison plus lent que les sauterelles, mais, au bout du compte, aussi mortel. « Il reste encore Jhogo, rappela ser Barristan. Lui, et Héro. Tous deux chers à Sa Grâce.

— Nous avons nous aussi des otages, lui rappela Skahaz Crâne-ras. Si les esclavagistes tuent l’un des nôtres, nous tuerons un des leurs. »

Un instant, ser Barristan ne comprit pas de qui il parlait. Puis la réponse lui vint. « Les échansons de la reine ?

— Des otages, insista Skahaz mo Kandaq. Grazhar et Qezza sont du même sang que la Grâce Verte. Mezzara est une Merreq, Kezmya une Pahl, Azzak un Ghazîn. Bhakaz est un Loraq, la propre famille d’Hizdahr. Tous sont fils et filles des pyramides. Zhak, Quazzar, Uhlez, Hazkar, Dhazak, Yherizan, tous des enfants des Grands Maîtres.

— D’innocentes fillettes et des garçons au visage doux. » Ser Barristan en était venu à bien les connaître durant le temps où ils avaient servi la reine, Grazhar et ses rêves de gloire, Mezzara la timide, Miklaz le paresseux, Kezmya, coquette et jolie, Qezza avec ses grands yeux tendres et sa voix d’ange, Dhazzar le danseur, et le reste. « Des enfants.

— Des Enfants de la Harpie. Seul le sang peut payer pour le sang.

— C’est ce qu’a dit le Yunkaïi qui nous a apporté la tête de Groleo.

— Il n’avait pas tort.

— Je ne le permettrai pas.

— À quoi bon des otages, si on ne peut pas les toucher ?

— Nous pourrions peut-être offrir trois enfants contre Daario, Héro et Jhogo, admit ser Barristan. Sa Grâce…

— … n’est pas ici. C’est à vous et moi de faire ce qu’il faut. Vous savez que j’ai raison.

— Le prince Rhaegar avait deux enfants, lui répondit ser Barristan. Une petite fille, Rhaenys et un nourrisson, Aegon. Lorsque Tywin Lannister a pris Port-Réal, ses hommes les ont tous les deux tués. Il a enveloppé les corps dans des capes rouges pour les offrir au nouveau roi. » Et qu’a dit Robert en les voyant ? A-t-il souri ? Barristan Selmy avait été gravement blessé au Trident, aussi la vision du présent de lord Tywin lui avait-elle été épargnée, mais il se posait souvent la question. Si je l’avais vu sourire sur les dépouilles sanglantes des enfants de Rhaegar, aucune armée sur Terre n’aurait pu m’empêcher de le tuer. « Je ne souffrirai pas qu’on assassine des enfants. Acceptez-le, ou je ne prendrai aucune part à tout ceci. »

Skahaz eut un petit rire. « Vous êtes un vieil entêté. Vos gamins au visage doux ne grandiront que pour devenir des Fils de la Harpie. Tuez-les maintenant ou vous les tuerez plus tard.

— On tue des hommes pour les torts qu’ils ont commis, pas pour ceux qu’ils pourront commettre un jour. »

Le Crâne-ras décrocha une hache du mur, l’examina et poussa un grognement. « Soit. Aucun mal à Hizdahr ni à nos otages. Cela vous satisfera-t-il, ser Grand-Père ? »

Rien de tout ceci ne me satisfera jamais. « Je m’en contenterai. L’heure du loup. N’oubliez pas.

— J’ai peu de chances de l’oublier, ser. » Bien que la bouche d’airain de la chauve-souris ne bougeât pas, ser Barristan perçut le sourire sous le masque. « Voilà longtemps que Kandaq attend cette nuit. »

C’est ce que je redoute. Si le roi Hizdahr était innocent, ce qu’ils faisaient aujourd’hui serait une trahison. Mais comment pouvait-il être innocent ? Selmy l’avait entendu presser Daenerys de goûter les sauterelles empoisonnées, crier à ses hommes de tuer le dragon. Si nous n’agissons pas, Hizdahr tuera les dragons et ouvrira les portes aux ennemis de la reine. Nous n’avons là-dessus pas le choix. Cependant, il avait beau tourner et retourner le problème, il n’y trouvait aucun honneur.

Le reste de la journée fila à une vitesse d’escargot.

En un autre lieu, il le savait, le roi Hizdahr délibérait avec Reznak mo Reznak, Marghaz zo Loraq, Galazza Galare et ses autres conseillers meereeniens, afin de décider de la meilleure façon de répondre aux exigences de Yunkaï… mais Barristan Selmy ne participait plus à de tels conseils. Pas plus qu’il n’avait de souveraine sous sa garde. Aussi effectua-t-il une tournée de la pyramide, du sommet à la base, pour vérifier que les sentinelles se tenaient toutes à leur poste. Cela requit pratiquement toute la matinée. Il passa l’après-midi auprès de ses orphelins, alla jusqu’à prendre lui-même l’épée et le bouclier afin de mettre plus vigoureusement à l’épreuve quelques-uns des enfants les plus âgés.

Certains d’entre eux s’entraînaient pour les combats de l’arène quand Daenerys Targaryen s’était emparée de Meereen et les avait libérés de leurs chaînes. Ceux-là étaient bien familiarisés avec l’épée, la pique et la hache de bataille avant même que ser Barristan ne les prît en charge. Quelques-uns étaient peut-être prêts. Le gamin des îles du Basilic, pour commencer. Tumco Lho. Noir comme l’encre de mestre, mais vif et robuste, le meilleur bretteur-né que Selmy ait vu depuis Jaime Lannister. Larraq, aussi. Le Fouet. Ser Barristan n’appréciait pas son style de combat, mais on ne pouvait douter de son talent. Larraq avait des années de travail devant lui avant de maîtriser les armes propres au chevalier, l’épée, la lance et la masse, mais il était mortel avec son fouet et son trident. Le vieux chevalier l’avait averti que son fouet serait inutile face à un ennemi en armure… jusqu’à ce qu’il voie comment Larraq en usait, le faisant claquer autour des chevilles de ses adversaires pour les renverser à terre d’une traction. Pas encore un chevalier, mais un combattant farouche.

Larraq et Tumco étaient ses meilleurs éléments. Après eux, le Lhazaréen, celui que les autres appelaient l’Agneau rouge, bien qu’il fût, pour le moment, tout pétri de férocité mais dépourvu de technique. Les frères aussi, peut-être, trois Ghiscaris de vile naissance, livrés en esclavage pour régler les dettes de leur père.