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Selmy bloqua les coups vers sa tête et laissa son armure parer le reste, tandis que sa propre lame ouvrait la joue du combattant de l’œil à la bouche, puis lui dessinait une entaille crue et rouge en travers de la poitrine. Le sang coula des blessures de Khrazz. Cela sembla seulement l’exciter davantage. De sa main libre, il saisit le brasero pour le renverser, répandant braises et charbons ardents aux pieds de Selmy. Ser Barristan les franchit d’un bond. Khrazz frappa au bras et le toucha, mais l’arakh ne put qu’ébrécher l’émail dur avant de rencontrer l’acier au-dessous.

« Dans l’arène, ce coup t’aurait emporté le bras, vieillard.

— Nous ne sommes pas dans l’arène.

— Retire cette armure !

— Il n’est pas trop tard pour déposer votre épée. Rendez-vous.

— Crève », cracha Khrazz… mais alors qu’il levait son arakh, la pointe frôla une des tentures du mur et s’y prit. C’était la seule occasion dont ser Barristan eût besoin. D’un coup en taille, il ouvrit le ventre du combattant, para l’arakh qui se dégageait, puis acheva Khrazz d’un rapide coup d’estoc au cœur tandis que les entrailles du combattant glissaient hors de lui comme une nichée d’anguilles grasses.

Le sang et les viscères tachèrent les tapis de soie du roi. Selmy recula d’un pas. La longue épée dans sa main était rouge sur la moitié de sa longueur. Çà et là, les tapis avaient commencé à charbonner aux endroits où étaient tombées quelques braises éparses. Il entendit sangloter la pauvre Qezza. « N’aie pas peur, déclara le vieux chevalier. Je ne te veux pas de mal, mon enfant. Je ne veux que le roi. »

Il essuya son épée à un rideau pour la nettoyer et pénétra à grands pas dans la chambre à coucher, où il trouva Hizdahr zo Loraq, quatorzième de Son Noble Nom, caché et gémissant derrière une tenture. « Épargnez-moi, supplia-t-il. Je ne veux pas mourir.

— Rares sont ceux qui veulent. Mais tous les hommes meurent quand même. » Ser Barristan rengaina son épée et hissa Hizdahr pour le remettre debout. « Venez. Je vais vous escorter jusqu’à une cellule. » Dans l’intervalle, les Bêtes d’Airain avaient dû désarmer Cuir d’acier. « Vous resterez prisonnier jusqu’au retour de la reine. Si l’on ne peut rien prouver à votre encontre, il ne vous sera fait aucun mal. Vous avez ma parole de chevalier. » Il prit le roi par le bras pour le guider hors de la chambre à coucher. Il se sentait la tête curieusement légère, presque comme s’il était gris. J’étais un Garde du roi. Que suis-je, à présent ?

Miklaz et Draqaz étaient revenus avec le vin d’Hizdahr. Ils se tenaient dans l’encadrement de la porte, serrant les carafes contre leur poitrine et considérant avec de grands yeux le cadavre de Khrazz. Qezza pleurait toujours, mais Jezhene était apparue pour la consoler. Elle serrait contre elle la fillette plus jeune, en lui caressant les cheveux. Quelques-uns des autres échansons, debout derrière elles, regardaient. « Votre Excellence, intervint Miklaz, le noble Reznak mo Reznak nous prie de… de vous demander de venir tout de suite. »

Le garçon s’adressa au roi comme si ser Barristan n’était pas là, comme s’il n’y avait pas un mort vautré sur le tapis, le sang de sa vie teignant lentement la soie en rouge. Skahaz aurait dû placer Reznak sous bonne garde jusqu’à ce que nous soyons certains de sa loyauté. Quelque chose aurait-il mal tourné ? « De venir où ? demanda ser Barristan au gamin. Où le sénéchal veut-il qu’aille Sa Grâce ?

— Dehors. » Miklaz sembla découvrir sa présence. « Dehors, ser. Sur la te… la terrasse. Pour voir.

— Pour voir quoi ?

— Les d… d… les dragons. Les dragons sont lâchés, ser. »

Que les Sept nous préservent, pensa le vieux chevalier.

Le dompteur de dragons

La nuit progressa à pas noirs et lents. L’heure de la chauve-souris céda la place à celle de l’anguille, l’heure de l’anguille à celle des fantômes. Le prince, étendu dans son lit, contemplait le plafond, rêvait tout éveillé, se souvenait, imaginait, se retournait sous sa fine couverture de drap, l’esprit enfiévré par des songes de feu et de sang.

Finalement, désespérant de trouver le repos, Quentyn Martell se rendit dans sa salle privée où il se versa une coupe de vin qu’il but dans le noir. Le goût était doux et apaisant sur sa  langue, aussi alluma-t-il une chandelle et se versa-t-il une deuxième coupe. Le vin m’aidera à dormir, se dit-il, mais c’était un mensonge et il le savait.

Il fixa la chandelle un long moment, puis il posa sa coupe et plaça sa paume au-dessus de la flamme. Il fallut toute sa volonté pour l’abaisser jusqu’à ce que la flamme lui touchât la paume, et quand elle le fit, il retira précipitamment sa main avec un cri de douleur.

« Quentyn ? Vous êtes fou ? »

Non, juste terrifié. Je ne veux pas brûler. « Gerris ?

— Je vous ai entendu remuer.

— Je n’arrivais pas à dormir.

— Et les brûlures seraient un remède ? Un peu de lait chaud et une berceuse vous feraient du bien. Ou, mieux encore, je pourrais vous conduire au Temple des Grâces et vous trouver une fille.

— Une putain, tu veux dire.

— On les appelle des Grâces. On en trouve de différentes couleurs. Seules les rouges baisent. » Gerris s’assit de l’autre côté de la table. « Les septas devraient adopter la coutume chez nous, si vous m’en croyez. Avez-vous remarqué que les vieilles septas ressemblent toujours à des pruneaux ? Voilà ce qu’on récolte, à une vie de chasteté. »

Quentyn jeta un coup d’œil vers la terrasse, où les ombres de la nuit s’étalaient, épaisses, entre les arbres. Il entendit le doux susurrement de l’eau qui tombe. « C’est la pluie ? Tes putains ont dû partir.

— Pas toutes. Il y a des petits nids d’amour dans les jardins de plaisir, et elles y attendent chaque nuit d’être choisies par un homme. Celles qu’on n’a pas choisies doivent attendre le lever du soleil, en se sentant seules et délaissées. Nous pourrions les consoler.

— Elles pourraient me consoler, c’est ce que tu veux dire.

— Ça aussi.

— Ce n’est pas de ce genre de consolation que j’ai besoin.

— Je ne suis pas d’accord. Daenerys Targaryen n’est pas la seule femme au monde. Vous voulez mourir vieux garçon ? »

Quentyn ne voulait pas mourir du tout. Je veux rentrer à Ferboys et embrasser tes deux sœurs, épouser Gwyneth Ferboys, la voir s’épanouir en beauté, avoir un enfant d’elle. Je veux participer à des tournois, chasser au faucon et à courre, aller visiter ma mère à Norvos, lire certains de ces livres que m’envoie mon père. Je veux que Cletus, Will et mestre Kaedry vivent de nouveau. « Crois-tu que Daenerys apprécierait d’apprendre que j’ai couché avec je ne sais quelle gueuse ?

— Ça se pourrait. Les hommes ont du goût pour les pucelles, mais les femmes aiment les hommes qui connaissent leur affaire dans la chambre à coucher. C’est une autre sorte d’escrime. On doit s’entraîner pour y exceller. »

La plaisanterie toucha un point sensible. Jamais Quentyn ne s’était senti aussi enfant que lorsqu’il s’était tenu devant Daenerys Targaryen, en quémandant sa main. L’idée de coucher avec elle le terrifiait presque autant que l’avaient fait ses dragons. Et s’il échouait à la satisfaire ? « Daenerys a un amant de cœur, dit-il, sur la défensive. Mon père ne m’a pas dépêché ici pour amuser la reine dans sa chambre. Tu sais pourquoi nous sommes ici.