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Il avait été durement touché. Bien qu’il fût incapable de voir, d’entendre ou de flairer quoi que ce soit, il se rendit vite compte qu’il lui était arrivé un accident très grave, voire mortel. Il s’efforça de rassembler ses souvenirs. Où se trouvait-il avant cela ? Que faisait-il ?

La Main de Dieu 137 ! Son cœur fit un bond au moment où la mémoire lui revint. Il fallait qu’il abandonne le vaisseau ! Où était son casque ? Pourquoi Xoralundra l’avait-il laissé tomber ? Mais où était donc ce crétin de medjel, avec son casque ? Au secours !

Il découvrit qu’il ne pouvait pas bouger.

Quoi qu’il en fût, il ne se trouvait ni sur la Main de Dieu 137, ni à bord d’aucun autre vaisseau idiran : le sol était trop dur et trop froid (si c’était bien le sol), et l’air n’avait pas la même odeur. Il entendait à présent des gens parler. Mais toujours sans rien voir. Il ignorait s’il avait les yeux ouverts – des yeux devenus aveugles – ou fermés sans qu’il puisse rien y faire. Il essaya bien de porter ses mains à son visage pour se rendre compte, mais son corps refusa de bouger.

Les voix étaient humaines. Il y en avait plusieurs. On parlait la langue de la Culture, le marain, mais cela ne signifiait pas grand-chose. Elle était de plus en plus couramment parlée dans toute la galaxie depuis quelques millénaires. Horza la parlait et la comprenait, mais ne s’en était pas servi depuis… depuis sa conversation avec Balvéda, en fait. Mais avant cela, cela remontait très loin. Pauvre Balvéda. Les individus en question bavardaient, mais il ne saisissait pas les mots en eux-mêmes. Il s’efforça de soulever ses paupières, et finit par éprouver une vague sensation. Il n’avait toujours aucune idée de l’endroit où il se trouvait.

Tout ce noir… Alors il se rappela vaguement l’intérieur d’une combinaison, une voix qui parlait de cibles, ou quelque chose dans ce genre. Il comprit brusquement qu’on l’avait fait prisonnier, ou peut-être récupéré in extremis. Il oublia alors ses efforts pour ouvrir les yeux et se concentra sur ce qui se disait autour de lui. Puisqu’il avait parlé marain peu de temps auparavant, la compréhension de cette langue n’aurait pas dû lui poser tant de problèmes. Il fallait qu’il y arrive. Qu’il sache.

— … satané système pendant quinze jours et tout ce qu’on déniche, c’est un vieux bonhomme en combi.

Première voix. De femme, songea-t-il.

— Et sur quoi croyais-tu tomber ? Un vaisseau de la Culture, peut-être ?

Un homme cette fois.

— Eh bien, au moins un morceau de vaisseau, merde !

De nouveau la voix féminine. Quelques rires.

— C’est une bonne combi. Rairch, apparemment. Je la prends pour moi.

Nouvelle voix d’homme. Ton impérieux ; facilement identifiable.

— … pas terribles. Trop silencieuses.

— Elles sont réglables, crétin !

De nouveau l’Homme.

— … des morceaux d’appareils idirans ou de la Culture qui flotteraient dans tous les coins, et on pourrait… ce laser avant… toujours foutu.

Une autre femme.

— L’effecteur n’a pas pu l’endommager, si ?

Encore un autre homme. Une voix jeune qui coupait la parole à la femme.

— Il était en mode aspiration, et non projection, rétorqua celui qui s’exprimait d’un ton de commandant de bord.

Mais qui étaient donc ces gens ?

— … de beaucoup moins que notre papy ici présent, déclara un des hommes.

Lui ! C’était de lui qu’ils parlaient ! Il s’efforça de ne pas donner signe de vie. Il venait juste de comprendre qu’il ne portait plus la combinaison, qu’il était étendu à quelques mètres du petit groupe manifestement occupé à l’observer elle. Certains de ces individus lui tournaient le dos. Il était couché sur le flanc, un bras coincé sous lui, nu et leur faisant face. Il avait toujours mal à la tête, et sentait sa salive s’échapper de sa bouche entrouverte pour lui dégouliner sur le menton.

— … avec eux une arme d’une espèce ou d’une autre. Mais je ne vois vraiment pas où, reprit l’Homme dont la voix changea, comme s’il se déplaçait en parlant.

Apparemment, ils étaient passés à côté du canon à plasma. C’étaient des mercenaires. Sûrement. Des corsaires.

— Tu me donnes ton ancienne combi, Kraiklyn ?

Un homme. Jeune.

— Eh bien voilà, déclara l’Homme. (À la voix, on comprenait que, jusque-là accroupi, il se relevait ou bien se retournait. Il ne tint aucun compte de la question qu’on venait de lui poser.) Un peu décevant, peut-être, mais enfin, on a sa combi. Il est temps de filer de la cour des grands, parce qu’ils ne vont pas tarder à arriver.

— Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?

C’était une des femmes. Horza lui trouva une belle voix et regretta de ne pas pouvoir ouvrir les yeux.

— Ce temple ne devrait pas nous poser beaucoup de problèmes, même sans laser avant. On peut y être en dix jours. On va se réapprovisionner un peu grâce aux trésors religieux de ces gens, et aller acheter des armements lourds sur Vavatch. Là-bas, on pourra dépenser nos biens mal acquis. (L’Homme – Krékeline, ou quelque chose dans ce genre – marqua une pause, puis se mit à rire.) Ne prends pas cet air apeuré, Doro. Tout va bien se passer. Tu ne regretteras pas que j’aie eu vent de cet endroit, une fois qu’on sera riches. Ces maudits prêtres ne sont même pas armés. On débarque, et on n’aura aucun mal à…

— Rembarquer, oui, on sait.

Une voix féminine ; celle qui lui plaisait. Horza percevait à présent la lumière. Rose, devant ses yeux. Sa tête lui faisait encore mal, mais il revenait progressivement à lui. Il se livra à une vérification détaillée de son corps en interrogeant successivement tous ses nerfs à rétroaction afin de jauger son état général. Inférieur à la normale, il ne regagnerait pas la perfection tant que subsisterait cette apparence de vieillard ; encore quelques jours… s’il vivait jusque-là. Il subodora qu’on le croyait déjà mort.

— Zallin, fit l’Homme. Débarrasse-nous de cette mauviette.

Dans un sursaut, Horza ouvrit les yeux en entendant des pas s’approcher. L’Homme venait de parler de lui !

— Aaah ! s’écria quelqu’un tout près. Il n’est pas mort. Je vois ses yeux bouger !

Les pas s’interrompirent. Tout tremblant, Horza se redressa en position assise et plissa les yeux sous l’éclairage. Il avait le souffle court, et un vertige s’empara de lui quand il voulut lever la tête. Enfin son regard s’accoutuma.

Il se trouvait dans un hangar brillamment éclairé mais de petite taille, presque entièrement comblé par une navette antique et durement éprouvée. Il avait pratiquement le dos à la paroi ; contre le mur d’en face se tenaient les gens qu’il avait entendus parler. À mi-chemin se dressait un grand jeune homme solidement bâti mais d’allure disgracieuse, avec des bras très longs et une chevelure argentée. Comme l’avait deviné Horza, sa combinaison était étalée par terre aux pieds du petit groupe d’humains. Il déglutit et cligna les yeux. Le jeune aux cheveux d’argent le regarda fixement en se grattant nerveusement l’oreille. Il portait un short et un tee-shirt effrangé. Un des autres, plus grand, lança :

— Wubslin ! (Ce dernier se retourna vers les autres et Horza sursauta. C’était la voix qui, pour lui, devait appartenir au commandant.) L’effecteur ne fonctionne donc pas correctement ?