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Horza regarda Kraiklyn dans les yeux, par-dessus le canon immobile du pistolet-laser. Zallin gémit.

Le craquement se répercuta sur les surfaces métalliques du hangar et résonna comme un coup de feu. Horza écarta les bras sans quitter des yeux le visage du mercenaire en chef. Le corps inerte de Zallin retomba mollement sur le pont et s’affaissa sous son propre poids. Kraiklyn sourit et rengaina son arme, qui s’éteignit avec un déclic et une stridulation décroissante.

— Bienvenue à bord de la Turbulence Atmosphérique Claire.

Kraiklyn soupira et enjamba le cadavre de Zallin. Puis il s’avança jusqu’au milieu de la paroi qui lui faisait face, ouvrit une porte et disparut avec un bruit de bottes résonnant sur des marches. La plupart des autres lui emboîtèrent le pas.

— Bien joué.

Toujours à genoux, Horza se retourna en s’entendant apostropher. C’était à nouveau la femme dont il aimait la voix, Yalson. Là encore, elle lui tendit la main, mais cette fois, pour l’aider à se relever. Il la saisit avec gratitude et se remit sur pied.

— Je n’y ai pris aucun plaisir, lui dit-il. (Il passa son avant-bras sur son front pour en chasser la sueur et plongea son regard dans les yeux de la femme.) Votre nom, c’est bien Yalson, c’est ça ?

Elle hocha la tête.

— Et vous, vous êtes Horza.

— Alors salut, Yalson.

— Salut, Horza.

Elle sourit à demi et Horza aima son sourire. Puis il reporta son attention sur le cadavre écroulé en tas sur le pont. La blessure de sa jambe ne saignait plus.

— Qu’est-ce qu’on va faire de ce pauvre type ? demanda-t-il.

— Le balancer par-dessus bord, quoi d’autre ?

Yalson releva les yeux sur les autres membres d’équipage demeurés dans le hangar, trois individus de sexe mâle, tous recouverts d’une épaisse fourrure, solidement bâtis et vêtus de shorts. Ils se tenaient au coude à coude près de la porte et le dévisageaient avec curiosité. Tous trois portaient de grosses bottes, comme si on les avait dérangés au moment d’enfiler leur combinaison. Horza eut envie de s’esclaffer, mais préféra leur sourire et les saluer de la main.

— Salut !

— Ah, je vous présente les Bratsilakins, annonça Yalson tandis que les trois silhouettes velues agitaient à son intention, avec un léger décalage, leurs mains couleur gris fer. Numéros Un, Deux et Trois, poursuivit-elle en les désignant successivement d’un mouvement du menton. Nous sommes certainement la seule Libre Compagnie à trimballer un groupe de clones paranoïaques.

Horza la dévisagea pour s’assurer qu’elle ne plaisantait pas, et juste à cet instant les trois humains à fourrure s’approchèrent de lui.

— N’écoutez pas ce qu’elle vous dit, entama l’un d’une voix très douce qui surprit Horza. Elle n’a jamais pu nous sentir. Nous espérons seulement que vous êtes de notre côté à nous.

Six yeux anxieux le scrutaient. Il fit de son mieux pour sourire.

— Comptez là-dessus, répondit-il.

Ils lui rendirent son sourire et s’entre-regardèrent en échangeant des hochements de tête.

— On va mettre Zallin dans un vactube. On le balancera plus tard, proposa Yalson aux trois autres.

Elle se dirigea vers le cadavre, et deux des Bratsilakins l’imitèrent. À eux trois, ils transportèrent le corps inerte dans un coin du hangar. Là, ils soulevèrent quelques lattes métalliques du plancher, ouvrirent une écoutille circulaire et tassèrent Zallin dans un espace exigu avant de refermer le tout. Le troisième Bratsilakin prit un morceau de tissu accroché à un panneau mural et entreprit d’éponger le sang qui maculait le pont. Puis le groupe de clones velus prit le chemin de la porte et des escaliers qu’elle dissimulait. Yalson marcha sur Horza et eut un mouvement de tête latéral.

— Venez. Je vais vous montrer où vous pourrez vous nettoyer.

Il la suivit en direction de la porte. À un moment, elle se retourna.

— Les autres sont allés manger. Je vous retrouve au mess si vous y arrivez à temps. Vous n’avez qu’à vous repérer à l’odeur de nourriture. Et puis, il faut que j’aille ramasser mes gains.

— Vos gains ?

Ils atteignirent la porte. Yalson posa la main sur ce qui devait être un interrupteur commandant l’éclairage du hangar. Elle se retourna et le regarda dans les yeux.

— Mais oui. (Elle exerça une pression de la main. Les lumières demeurèrent, mais Horza sentit une vibration sous la plante de ses pieds et entendit un sifflement suivi d’un bruit comparable à celui d’une pompe qui se met en marche.) J’ai parié sur vous, poursuivit Yalson, qui lui tourna alors le dos et s’élança dans l’escalier en grimpant les marches quatre à quatre.

Horza jeta un dernier regard dans le hangar, puis partit à sa suite.

Juste avant de rentrer en gauchissement, comme son équipage passait à table la Turbulence Atmosphérique Claire expulsa le corps sans vie de Zallin. Là où le vaisseau avait trouvé un homme bien vivant dans sa combinaison, il abandonna un jeune garçon en short et tee-shirt en lambeaux qui, pétrifié par le froid, s’éloigna en tournoyant tandis qu’une fine coquille de molécules d’air s’épanouissait autour du cadavre, image de vie en partance.

4. Le Temple de la Lumière

La Turbulence Atmosphérique Claire s’enfonça dans l’ombre d’une lune, dont elle dépassa la surface stérile et creusée de cratères ; son sillage ondula tandis qu’elle contournait le rebord supérieur d’un puits de gravité, puis elle descendit vers une planète bleu-vert tout entourée de nuages. Dès qu’elle eut dépassé la lune, sa trajectoire s’incurva ; le nez de l’appareil se détourna pour pointer à nouveau vers l’espace. À mi-chemin de cette courbe, la TAC libéra sa navette en la propulsant vers l’horizon embrumé du globe, en direction de la ligne de ténèbres mouvantes qui recouvraient la surface tel un manteau noir.

Dans la navette se trouvait Horza, ainsi que l’essentiel de l’équipage dépareillé de la TAC. Tous portaient des combinaisons spatiales de conceptions variées, et avaient pris place sur des bancs étroits dans l’habitacle exigu du compartiment passagers ; même les trois Bratsilakins arboraient des modèles différents. La seule tenue moderne du lot était celle de Kraiklyn, c’est-à-dire la combinaison confisquée à Horza.

Tous étaient armés, et là encore régnait la diversité. On remarquait surtout des armes de type laser, ou pour être plus précis, ce que la Culture appelait des SOERC – Système Offensif à Émission de Rayonnement Cohérent. Les meilleures de ces armes opéraient dans une région du spectre invisible pour l’œil humain. Quelques-uns tenaient des canons à plasma ou des pistolets lourds, et l’on voyait également un Microhowitzer d’allure fort efficace, mais seul Horza avait une arme à projectiles, de surcroît vieille, sommaire et lente à la détente. Il en vérifia le fonctionnement pour la dixième ou onzième fois, et la maudit à voix haute. Il en profita pour maudire aussi la vieille combinaison pleine de fuites qu’on lui avait cédée, et dont la visière commençait à se couvrir de condensation. Tout ça était vraiment lamentable.

La navette se mit à gîter et vibrer en entrant dans l’atmosphère de la planète Marjoin, où ils étaient censés attaquer et piller un lieu nommé Temple de la Lumière.

Il avait fallu quinze jours à la Turbulence Atmosphérique Claire pour franchir péniblement les vingt et une années-lumière qui séparaient le système de Sorpen de Marjoin. Kraiklyn se vantait de pouvoir atteindre les douze cents lumière, mais cette allure-là, précisait-il, était exclusivement réservée aux cas d’urgence. Horza avait jeté un coup d’œil à la TAC, mais doutait qu’elle pût atteindre une vitesse à quatre chiffres sans que ses gauchisseurs externes ne la retournent comme une crêpe et ne l’envoient valser dans les cieux avec tout ce qu’elle contenait.