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— Ouais, eh ben ne me regardez pas moi, merde !

Horza laissa retomber sa main et secoua la tête à l’intérieur de son casque ; celui-ci lui allait tellement mal qu’il ne bougea même pas. Le Métamorphe reporta son attention sur la section de fuselage située au-dessus de la tête de Lamm.

Ils se préparaient à attaquer le Temple de la Lumière. Kraiklyn était aux commandes de la navette et l’amenait à basse altitude sur les forêts de Marjoin, encore plongées dans la nuit, en se dirigeant vers la ligne plus claire signalant l’aube, au-dessus de la végétation compacte et chapeautée de vapeur. Le plan était le suivant : la TAC redescendrait vers la surface en gardant derrière elle le soleil encore très bas et en neutralisant au moyen de ses effecteurs tout ce que le temple comportait d’électronique ; elle utiliserait ses lasers secondaires et quelques bombes à fragmentation pour faire autant de bruit et d’éclairs que possible. Profitant de cette diversion, qui mobiliserait toute la capacité défensive des prêtres, la navette pourrait soit se diriger tout droit vers le temple et débarquer tout le monde soit, en cas de réaction hostile, atterrir dans la forêt du côté nocturne du temple et dégorger là sa petite troupe en combinaison. Alors les membres de la Compagnie se disperseraient et s’envoleraient vers le temple grâce à leurs anti-g, ou – dans le cas de Horza notamment – devraient se contenter de ramper, de se faufiler, de marcher ou de courir comme ils pouvaient afin de rejoindre l’entassement de bâtiments bas et pentus et de tours courtaudes qui composaient le Temple de la Lumière.

Horza avait du mal à croire que les autres veuillent y faire une descente sans avoir préalablement reconnu le terrain ; mais, interrogé là-dessus pendant la réunion de préparation qui s’était tenue dans le hangar, Kraiklyn avait affirmé que cela pouvait leur faire perdre l’avantage de la surprise. Il détenait des cartes détaillées, et avait mis au point un bon plan d’attaque. Tant que chacun respectait le plan prévu, tout se passerait bien. Les moines n’étaient pas des imbéciles, et la planète avait été Contactée ; on y était donc forcément au courant de la guerre qui se déroulait tout autour. Par conséquent, au cas où la secte aurait loué un satellite d’observation, il était plus sage de ne pas tenter de reconnaissance préalable susceptible de faire capoter l’opération tout entière. Et de toute façon, les temples avaient toujours plus ou moins la même configuration.

À l’instar de plusieurs autres membres, Horza ne retirait pas une impression très favorable de cet exposé ; mais que pouvaient-ils faire ? Ils s’étaient donc retrouvés là, tout en sueur, énervés et agités comme les ingrédients d’un cocktail dans cette navette toute déglinguée, à pénétrer, la tête la première et à une vitesse hypersonique, dans l’atmosphère d’une planète potentiellement hostile. Horza soupira et vérifia une nouvelle fois son fusil.

À l’égal de son antique armure, celui-ci était vieux et peu fiable ; il l’avait testé à blanc à bord de la TAC, et il s’était déjà enrayé par deux fois. Son propulseur magnétique semblait fonctionner correctement mais, à en juger par la dispersion erratique des projectiles, son champ directionnel était à peu près hors d’usage. Ses balles étaient de gros calibre – au moins sept millimètres, sur une longueur trois fois supérieure ; l’arme ne pouvait en contenir que quarante-huit à la fois, et tirait seulement huit balles par seconde ; aussi incroyable que cela puisse paraître, elles n’étaient même pas explosives. De simples blocs de métal, sans plus. Pour couronner le tout, le viseur était en panne ; quand il l’allumait, le minuscule écran s’emplissait de brouillard rouge. Horza poussa un nouveau soupir.

— Nous passons actuellement à quelque trois cents mètres au-dessus de la cime des arbres, fit la voix de Kraiklyn en provenance du poste de pilotage de la navette, et à mach 1,5. La TAC vient d’entamer sa descente. Comptez encore deux minutes. J’aperçois déjà l’aube. Bonne chance à tous.

La voix crépita puis s’éteignit dans le haut-parleur intégré du casque de Horza. Dans leurs combinaisons, quelques-uns des membres du groupe échangèrent un regard. Horza lança un coup d’œil à Yalson, assise de l’autre côté de la navette à quelque trois mètres de lui, mais elle avait une visière-miroir, et il n’aurait su dire si elle le regardait aussi. Il avait envie de lui parler, mais préféra ne pas la déranger sur le circuit général au cas où elle serait en train de se concentrer pour se préparer. À côté de Yalson, Dorolow traçait de sa main gantée le signe du Cercle de la Flamme sur le haut de sa propre visière.

Horza tapota des deux mains son antique fusil et souffla sur la pellicule de condensation qui se formait sur la partie supérieure de sa visière. Comme il s’y était attendu, cela ne fit qu’aggraver les choses. Peut-être ferait-il mieux de l’ouvrir, maintenant qu’ils avaient atteint l’atmosphère de la planète.

La navette fut brusquement secouée, comme si elle venait d’étêter la cime d’une montagne. Tous furent projetés vers l’avant, et les harnais de sécurité se tendirent au maximum ; quelques armes s’envolèrent et résonnèrent sur le plafond de l’engin avant de retomber bruyamment au sol. Leurs propriétaires les rattrapèrent et Horza ferma les yeux ; il n’aurait pas été autrement surpris si l’un de ces excités avait négligé d’enclencher le cran de sûreté. Heureusement, chacun récupéra la sienne sans encombre et la serra contre lui en jetant des regards circonspects.

— Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda le vieil Aviger avec un petit rire nerveux.

La navette s’engagea dans une série de manœuvres et, dans un premier temps, la moitié du groupe se reçut sur le dos tandis que les autres se retrouvaient suspendus par le filet de leurs sièges ; puis le mouvement s’inversa. Grognements et jurons s’élevèrent dans le casque de Horza, transmis par le canal général. La navette plongea d’un seul coup, et le Métamorphe eut l’impression que son estomac lui remontait dans la gorge ; puis elle retrouva son équilibre.

— Quelques tirs ennemis, annonça la voix nette et tranchante de Kraiklyn.

Les têtes casquées se mirent à pivoter dans tous les sens.

— Quoi ?

— Des tirs ennemis ?

— J’en étais sûr.

— Aïe !

— Merde.

— Au moment même où je l’ai entendu prononcer cette fatale expression, « On débarque et on rembarque sans problème », j’ai su que cette opération serait…, commença Jandraligeli d’une voix traînante où perçaient la conviction et l’ennui.

Lamm lui coupa la parole.

— Des tirs hostiles, merde ! On avait bien besoin de ça ! Des tirs hostiles…

— Alors comme ça, ils ont bel et bien des canons, commenta Lénipobra.

— Mais tout le monde en a, de nos jours, nom de nom ! lança Yalson.

— Chicel-Horhava, sainte mère, sauvez-nous tous, marmotta Dorolow en recommençant de plus belle à dessiner son Cercle sur sa visière.

— Ta gueule, lui intima Lamm.

— Espérons que Mipp saura détourner leur attention sans que ça se retourne contre lui, reprit Yalson.

— On devrait peut-être remettre ça à plus tard, déclara Rava Gamdol. Vous ne croyez pas ? Personne n’est de mon avis ? Y a-t-il quelqu’un qui…

— NON !

— OUI !

— NON ! crièrent trois voix, presque à l’unisson.

Tous les regards se portèrent sur les trois Bratsilakins assis côte à côte. Les deux du bout se retournèrent vers celui qu’ils encadraient ; au même moment, la navette piqua une nouvelle fois du nez. Le casque du Bratsilakin du milieu se tourna brièvement à droite puis à gauche.