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— Et merde ! fit une voix sur le canal général. Bon, d’accord : NON !

— Il me semble qu’on devrait peut-être…, reprit la voix de Rava Gamdol.

Alors Kraiklyn cria :

— On y va ! Prêts ?

La navette freina au maximum, s’inclina dangereusement d’un côté puis de l’autre, frémit, plongea, rebondit en vibrant et, l’espace d’une seconde, Horza crut qu’ils allaient s’écraser au sol ; mais l’appareil finit par s’arrêter, et ses portes arrière s’ouvrirent horizontalement. Le Métamorphe se retrouva debout comme les autres à se ruer vers la sortie et vers la jungle qui les attendait.

Ils débarquèrent dans une clairière au sol régulier et tapissé d’herbe, entourée de grands arbres au tronc massif dont la cime perdait encore branches ou brindilles là où la navette venait de se frayer un chemin. Horza eut le temps d’apercevoir, non loin de là, un couple d’oiseaux au plumage bariolé qui abandonnait les arbres à tire-d’aile, et, plus haut, un coin de ciel bleu-rose. Puis il s’élança avec les autres et, foulant l’herbe fumante, contourna le nez incandescent de la navette pour s’enfoncer dans la jungle. Quelques membres de la Compagnie se servaient de leur anti-g pour survoler le sous-bois parmi les troncs couverts de mousse, mais s’empêtraient dans les plantes grimpantes qui pendaient entre les arbres comme de grosses cordes piquetées de fleurs.

Ils ne voyaient toujours pas le Temple de la Lumière mais, d’après Kraiklyn, il devait se trouver quelque part devant eux. Horza chercha des yeux ceux d’entre les pirates qui cheminaient à pied et les vit peiner pour enjamber des arbres tombés envahis par la mousse, esquiver les ramilles, sauter par-dessus les racines apparentes.

— Tant pis pour les ordres, merde ! Pas moyen de se disperser. On a trop de mal à avancer !

C’était la voix de Lamm. Horza se retourna et vit sa combinaison noire s’élever verticalement vers la masse de feuillage vert qui s’étendait au-dessus d’eux.

— Salaud ! fit une voix essoufflée.

— Ouais ! S-s-salaud ! renchérit Lénipobra.

— Lamm, intervint Kraiklyn, espèce de connard, c’est pas le moment de sortir à découvert. Partez chacun de votre côté. Dispersez-vous, nom de nom !

À ce moment-là, ils furent tous soufflés par une onde de choc dont Horza sentit l’impact à travers sa combinaison. Il fut instantanément jeté à terre et resta dans cette posture. Une deuxième détonation retentit dans son haut-parleur tout empli de sifflements et se mêla aux bruits venus de l’extérieur.

— C’est la TAC qui a sauté ! cria une voix qu’il ne put identifier.

— Tu es sûr ? jeta quelqu’un d’autre.

— J’ai tout vu entre les arbres ! C’était la TAC !

Horza se releva et se remit à courir.

— Cette saloperie a bien failli m’arracher la tête…, dit Lamm.

Devant lui, Horza vit de la lumière, entre les troncs et les feuilles. Puis il entendit des coups de feu : des détonations sèches d’armes à projectiles, le woup aspiré des lasers, le clac-woush-crac du canon à plasma. Il se rua vers un talus de terre et de buissons et s’aplatit au sol de manière à pouvoir jeter un coup d’œil de l’autre côté en relevant légèrement la tête. Oui, c’était bien le Temple de la Lumière qui se profilait là-bas sur le ciel de l’aurore, avec ses bâtiments tout tapissés de vigne vierge, de lierre et de mousse, et ses quelques flèches et tours pareilles à des troncs d’arbres anguleux.

— Le voilà ! hurla Kraiklyn. (Horza laissa courir son regard le long du talus et découvrit plusieurs membres de la Compagnie plaqués au sol comme lui.) Wubslin ! Aviger ! reprit le commandant sur le même ton. Vous nous couvrez avec les plasmas. Neisin, tu places un micromissile de chaque côté, y compris derrière. Les autres, vous me suivez !

Tous se remirent en marche comme un seul homme ; ils franchirent le talus plein de ronces et, une fois de l’autre côté, s’engagèrent sur un terrain composé de broussailles peu épaisses et de hautes herbes comparables à des joncs. Le tout leur arrivait pratiquement à la poitrine et rendait leur progression difficile, mais au moins pourraient-ils s’y cacher si on leur tirait dessus. Horza s’y fraya un chemin du mieux qu’il put. Des décharges de plasma résonnaient dans l’air au-dessus de leur tête, illuminant la vague bande de terrain qui s’étendait entre eux et la muraille en pente du temple.

De lointains geysers de terre ainsi que les explosions qu’il sentait vibrer sous ses pieds lui apprirent que Neisin, sobre depuis deux jours, assurait un balayage convaincant et surtout très précis avec son Microhowitzer.

— Tirs au fusil isolés à l’étage supérieur gauche, fit la voix neutre et posée de Jandraligeli. (Selon le plan de bataille, il était censé rester caché près du sommet des arbres pour surveiller le temple.) Je vais riposter.

— Merde ! cria subitement quelqu’un.

C’était une des femmes. Horza entendit des coups de feu devant lui, bien qu’aucun éclair n’illuminât la partie du temple qu’il avait sous les yeux.

— Ha-ha ! (Le haut-parleur de son casque transmit la voix pleine de suffisance de Jandraligeli.) Je les ai eus !

Horza remarqua une bouffée de fumée sur la gauche du temple. Il avait fait presque la moitié du chemin à présent, peut-être plus. Les autres n’étaient pas loin ; ils progressaient tant bien que mal à travers les joncs et les buissons, en tenant leur arme à hauteur d’épaule. Tous étaient de plus en plus maculés de mousse vert sombre, ce qui pouvait d’ailleurs leur rendre service question camouflage, songea Horza ; à moins, évidemment, qu’elle ne s’avère par la suite être une épouvantable mousse toxique inconnue jusque-là et animée de mauvaises intentions…, supputa-t-il tout en se morigénant.

Il y eut une série de chocs violents dans les broussailles qui l’entouraient, et il vit des fragments de joncs et de brindilles s’envoler comme des oiseaux affolés. Une fois de plus il se jeta à terre. Derrière lui, le sol trembla. Il roula sur le dos et vit au-dessus de lui des flammes lécher les tiges moussues des joncs ; un brasier palpitait à quelques mètres de lui.

— Horza ?

La voix de Yalson.

— Ça va, répondit-il.

Il s’accroupit, puis s’élança au milieu des herbes, laissant derrière lui buissons et arbrisseaux.

— On monte à l’assaut, reprit Yalson.

Elle se trouvait tout en haut des arbres avec Lamm, Jandraligeli et Neisin. Il était prévu que tous, à l’exception de ces deux derniers, devaient à présent utiliser leur anti-g pour se diriger vers le temple. Malgré les avantages qu’elles leur conféraient, les unités anti-gravité intégrées à leurs combinaisons pouvaient également présenter des inconvénients : une silhouette évoluant dans les airs était certes plus difficile à atteindre qu’une cible au sol, mais elle avait tendance à attirer davantage de tireurs. Le seul autre membre de la Compagnie à disposer d’un anti-g était Kraiklyn, mais il disait qu’il préférait l’utiliser pour créer un effet de surprise, ou bien en cas d’extrême urgence ; aussi se trouvait-il au sol comme le reste de la troupe.

— Je suis devant les murs ! (Horza crut reconnaître la voix d’Odraye.) À première vue, pas de problème. C’est même de la rigolade ; à cause de la mousse, ils…

Le haut-parleur de Horza se mit à crachoter. Son communicateur était-il en panne, ou bien Odraye avait-il des ennuis ?

— … au-dessus de moi pendant que je…

— … sur toi, espèce de…

Les voix s’entrechoquaient dans son casque. Il continua d’avancer péniblement dans les joncs et se donna un coup sur la tempe.