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Sur fond d’aurore, encadrée dans une porte oblique, une forme en combinaison gisait sur le sol moussu, arme braquée au bout d’un bras tendu en direction du passage où se tenait Horza. Une lourde porte suspendue à une unique charnière tordue béait tout de travers derrière elle. C’est Gow, songea Horza. Puis il revint à la porte et se dit que celle-ci avait décidément quelque chose d’anormal. Comme les murs qui l’entouraient, elle était parsemée de brûlures laser.

Il remonta le couloir vers la silhouette tombée à terre et la retourna de manière à pouvoir distinguer son visage. L’espace d’une seconde, la tête lui tourna. Ce n’était pas Gow mais son amie, kee-Alsorofus, qui avait trouvé la mort en ce lieu. On voyait son visage noirci et craquelé, ses yeux fixes et secs à travers la visière restée limpide de son casque. Il examina la porte, puis le passage lui-même. Bien sûr, il se trouvait dans une autre partie du temple. Situation identique, mais avec une série de passages différents, et un individu différent…

La combinaison de la morte était perforée en plusieurs endroits sur une profondeur de quelques centimètres ; l’odeur de la chair calcinée s’infiltra jusque dans la combinaison mal ajustée de Horza et le fit suffoquer. Il se redressa, s’empara du laser de kee-Alsorofus, franchit la porte inclinée sur le côté et sortit sur le chemin de ronde. Il se mit à courir, tourna à un angle et, à un moment, dut se jeter de côté : un obus de Microhowitzer atterrit un peu trop près de la paroi pentue du temple, soulevant une gerbe flamboyante de cristal brisé et de fragments de grès rougeâtre. On entendait encore, dans la forêt, les détonations des canons à plasma, mais Horza ne vit aucun de ses compagnons dans les airs. Il les cherchait des yeux quand, tout à coup, il prit conscience à son côté d’un individu en combinaison, debout contre un angle de la muraille. Il reconnut Gow et resta sans bouger, à quelque trois mètres d’elle ; elle le regardait. Puis elle releva lentement sa visière. Son visage gris, ses yeux d’encre fixaient le fusil-laser qu’il tenait à la main. Elle avait une expression qui lui fit regretter de ne pas avoir regardé si l’arme était bien en service. Horza baissa les yeux sur le laser, puis les releva sur la femme qui continuait de l’observer sans rien dire.

— Je…, voulut-il expliquer.

— Elle tuée, oui ? (Ses intonations étaient plates. Elle parut soupirer. Horza prit son souffle et fit mine de répondre, mais Gow reprit sur le même ton monocorde :) Moi cru entendre elle.

Subitement, elle leva son arme qui scintilla sous la lumière bleu et rose du matin. Horza comprit ce qu’elle allait faire et avança d’un pas en tendant le bras, tout en sachant qu’il se trouvait trop loin pour intervenir.

— Non ! eut-il le temps de crier, mais le canon de l’arme était déjà dans la bouche de Gow et, un instant plus tard, comme Horza rentrait instinctivement la tête dans les épaules en fermant les yeux pour se protéger, l’arrière du casque de Gow explosa sous l’impact d’une unique décharge de lumière invisible ; derrière elle, un nuage rouge se répandit brusquement sur la mousse du mur.

Horza s’assit à croupetons et, les deux mains jointes sur le canon de l’arme qu’il tenait devant lui, plongea son regard au loin, dans la jungle. Quel gâchis, songea-t-il, quel putain de gâchis imbécile et obscène. Ce n’était pas à l’acte désespéré de Gow qu’il pensait ; pourtant, en se retournant vers la tache rouge qui maculait l’angle du mur et vers sa combinaison inerte, il se répéta la même constatation.

Il s’apprêtait à redescendre par la muraille d’enceinte du temple quand quelque chose remua dans l’air au-dessus de sa tête. Il se retourna et vit Yalson atterrir sur le chemin de ronde. Elle jeta un unique regard au cadavre de Gow, puis tous deux échangèrent les rares informations qu’ils détenaient sur la situation – ce qu’elle avait entendu par le canal général de son communicateur, ce qu’il avait vu dans la grande salle – et décidèrent de rester en position jusqu’à ce que d’autres membres fassent leur apparition, ou jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espoir. Selon Yalson, seuls Rava Gamdol et Tzbalik Odraye étaient indubitablement morts à l’issue du combat dans la grande salle ; mais les trois Bratsilakins y étaient aussi, et personne n’avait plus eu de leurs nouvelles une fois que le canal général était redevenu intelligible et que le plus gros des cris avait cessé.

Kraiklyn était vivant et indemne, mais on avait perdu sa trace ; Dorolow était perdue aussi, mais d’une autre manière : probablement aveugle, elle pleurait dans un coin. Quant à Lénipobra, contre l’avis général et négligeant les ordres de Kraiklyn, il avait pénétré dans le temple par une ouverture dans le toit et descendait pour se porter au secours des autres, armé en tout et pour tout de son petit fusil à projectiles.

Yalson et Horza s’assirent dos à dos dans le chemin de ronde ; elle informa le Métamorphe de l’évolution de la situation dans le temple. Lamm les survola en direction de la jungle, pour aller emprunter à Wubslin un canon à plasma, malgré les protestations de l’intéressé. Il venait d’atterrir à proximité lorsque Lénipobra annonça fièrement qu’il avait retrouvé Dorolow ; à ce moment-là, Kraiklyn se manifesta en disant qu’il apercevait la lumière du jour. Toujours rien du côté des Bratsilakins. Le commandant fit son apparition à l’angle du chemin de ronde, et Lénipobra surgit à son tour dans leur champ de vision. Il tenait Dorolow serrée contre le flanc de sa combinaison et, alourdi par son poids, franchissait les murs par longues enjambées, soutenu tant bien que mal par son anti-g.

Ils repartirent en direction de la navette. Jandraligeli distinguait des mouvements sur la route derrière le temple et ; de part et d’autre, des tirs isolés s’élevaient dans la jungle. Lamm voulait prendre le temple d’assaut avec son canon à plasma et vaporiser quelques moines, mais Kraiklyn ordonna le repli. Lamm jeta le canon à terre et s’envola seul vers la navette en jurant d’une voix tonitruante sur le canal général, par lequel Yalson tentait vainement de contacter les Bratsilakins.

Ils retraversèrent avec peine la zone de joncs et de broussailles sous le chuintement incessant des décharges de plasma pendant que Jandraligeli les couvrait. De temps à autre ils étaient contraints de se baisser quand des tirs-projectiles de petit calibre venaient trouer la verdure autour d’eux.

Ils s’affalèrent dans le hangar de la Turbulence Atmosphérique Claire au côté de la navette qui, encore toute chaude, cliquetait et craquait de partout en se refroidissant après son ascension rapide dans l’atmosphère de Marjoin.

Personne n’avait envie de parler. On se contentait de rester assis ou couché sur le pont ; quelques-uns étaient adossés à la paroi tiède de la navette. Les plus visiblement affectés étaient ceux qui avaient pénétré à l’intérieur du temple, mais même les autres, qui n’avaient fait qu’entendre le branle-bas de combat sur leur communicateur, paraissaient légèrement en état de choc. Casques et armes reposaient çà et là autour d’eux.

— Le « Temple de la Lumière », prononça enfin Jandraligeli avant de pousser une espèce de petit rire nasal.

— Le « Temple de la Merde », oui ! lança Lamm.

— Mipp, demanda Kraiklyn d’une voix lasse en s’adressant à son casque, des nouvelles des Bratsilakins ?

Mipp, qui se trouvait toujours sur le pont miniature de la TAC, leur apprit qu’on ne recevait toujours rien.