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— On se sépare, annonça Kraiklyn en examinant les alentours. Je prends par ici avec Aviger et Jandraligeli. Horza et Lamm, vous partez par là. (Il tendit le doigt.) Ça descend vers une des proues latérales. Vous devriez y trouver quelque chose ; ouvrez l’œil. (Il effleura un bouton sur son poignet.) Yalson ?

— Présente ! lança l’interpellée par l’intercom.

Après avoir surveillé la remontée du corps de Lénipobra jusqu’à la navette, Wubslin, Dorolow et elle étaient à leur tour partis vers la proue.

— Bon, fit Kraiklyn en jetant un œil à l’un des écrans intégrés à sa combinaison. Vous n’êtes qu’à trois cents mètres environ.

Il se retourna pour voir le chemin qu’ils avaient parcouru, jalonné par toute une série de tours distantes de plusieurs kilomètres ; pour la plupart, elles prenaient naissance aux étages supérieurs. Ils avaient une vue de plus en plus globale de l’Olmédréca. La brume dérivait tranquillement autour d’eux dans un silence absolu.

— Ah, oui ! reprit le commandant. Je vous vois.

Il agita la main. Sur un pont éloigné, près d’un des grands puits emplis de brume, de petites silhouettes lui répondirent.

— Je vous vois aussi, dit Yalson.

Quand vous arriverez là où nous nous trouvons en ce moment, prenez à gauche vers l’autre proue latérale ; il y a des lasers secondaires là-bas aussi. Horza et Lamm vont…

— Oui, on a entendu, coupa Yalson.

— Parfait. On pourra bientôt rapprocher la navette, peut-être même à l’emplacement exact de ce qu’on trouvera. Allez, on y va. Regardez bien autour de vous.

Il fit signe à Aviger et Jandraligeli et tous trois se mirent en route. Lamm et Horza s’entre-regardèrent, puis partirent dans la direction que leur avait indiquée le commandant. Du geste, Lamm fit comprendre à Horza qu’il devait couper son communicateur et relever sa visière.

— Si on avait attendu un peu, on aurait pu directement poser la navette à l’endroit voulu, déclara-t-il en ouvrant lui aussi sa visière.

Horza acquiesça.

— Quel sale petit con ! reprit Lamm.

— Qui ça ?

— Mais ce gosse ! Quelle idée, de sauter comme ça de la plate-forme !

— Mmm.

— Tu sais ce que je vais faire ? ajouta Lamm en dévisageant le Métamorphe.

— Quoi donc ?

— Lui couper la langue, à ce jeune crétin ! Voilà ce que je vais faire. Une langue tatouée, ça doit bien valoir quelque chose, tu ne crois pas ? De toute façon, ce petit salaud me devait de l’argent. Qu’est-ce que tu en penses ? À ton avis, je peux en tirer combien ?

— Aucune idée.

— Petit salaud…, marmonna Lamm.

Les deux hommes obliquèrent sur le pont, abandonnant la trajectoire en ligne droite qu’ils avaient suivie jusqu’alors, et poursuivirent leur progression d’un pas lourd. Ils ne voyaient pas très bien où cela allait les mener, mais, d’après Kraiklyn, ils se dirigeaient bel et bien vers une des proues ; celles-ci saillaient du navire telles d’énormes plates-formes off-shore reliées à l’avant de l’Olmédréca et offraient un port d’attache aux paquebots qui, du temps de sa splendeur, emportaient et ramenaient sans cesse des passagers, ou bien servaient au ravitaillement.

Ils atteignirent un secteur qui avait manifestement été le théâtre d’un récent échange de coups de feu ; c’était une zone d’habitation criblée de brûlures-laser, jonchée de verre brisé et de métal tordu. Des rideaux déchirés et des tentures murales claquaient sous la brise régulière engendrée par le déplacement du navire géant. Non loin de là gisaient sur le flanc, fracassés, deux des petits véhicules qu’ils avaient déjà rencontrés. Les deux hommes enjambèrent tant bien que mal les débris et continuèrent d’avancer. Les deux autres groupes progressaient aussi, à un rythme satisfaisant si l’on en croyait leurs rapports et les propos qu’ils échangeaient. Au-devant d’eux se dressait toujours la colossale masse nuageuse, qui ne bougeait pas et ne donnait aucun signe de dissipation ; ils n’en étaient plus qu’à deux ou trois kilomètres, encore qu’il leur fût difficile d’évaluer les distances.

— On y est, annonça finalement Kraiklyn, dont la voix crépita à l’oreille de Horza.

Lamm ralluma son canal transmetteur.

— Quoi ?

Il jeta un regard perplexe à Horza, qui se contenta de hausser les épaules.

— Qu’est-ce qui vous retarde ? reprit Kraiklyn. On avait pourtant plus de chemin à parcourir que vous. On est arrivés aux proues principales. Et elles sont plus saillantes que de votre côté.

— Tu nous racontes des histoires, Kraiklyn, intervint Yalson, dont l’équipe avait ordre de rallier les proues symétriquement opposées.

— Pardon ? répliqua le commandant.

Lamm et Horza s’immobilisèrent afin d’écouter les deux autres dialoguer par communicateur interposé. Yalson reprit la parole :

— On vient d’arriver au bord. En fait, je crois même qu’on l’a un peu dépassé… On doit être sur une espèce d’aileron, ou d’éperon, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, on ne voit pas de proue. Tu nous as envoyé dans la mauvaise direction.

— Mais, vous…

La voix de Kraiklyn s’éteignit.

— Bon sang, Kraiklyn ! Tu prétends nous envoyer vers la proue et c’est toi qui y es maintenant ! hurla Lamm dans le micro de son casque.

De son côté, Horza était parvenu à la même conclusion. Voilà pourquoi ils continuaient d’avancer tandis que l’équipe de Kraiklyn était déjà arrivée. Le commandant de la Turbulence Atmosphérique Claire resta quelques secondes silencieux, puis répondit :

— Merde, c’est vrai, tu as raison. (Il poussa un soupir audible.) Vous feriez mieux de continuer, Horza et toi. Je vais vous envoyer quelqu’un dès qu’on aura un peu exploré les environs. Il me semble distinguer une sorte de galerie avec des tas de bulles transparentes qui pourraient bien contenir des lasers. Yalson, retourne vers l’endroit où on s’est séparés ; une fois là-bas, avertis-moi. On verra bien qui seront les premiers à découvrir quelque chose d’intéressant.

— Génial, vraiment, fit Lamm en s’enfonçant à grands pas dans la brume.

Horza partit derrière lui en déplorant le frottement incessant sur sa peau de sa combinaison mal ajustée.

À un moment, Lamm s’arrêta pour inspecter des salons de réception qu’on s’était déjà chargé de piller. Des tissus précieux déchirés par le verre brisé flottaient dans l’air comme les volutes de brume omniprésentes. Ils découvrirent ensuite un appartement luxueusement meublé ; une holosphère gisait fracassée dans un coin. Il y avait aussi un aquarium de la taille d’une pièce entière, où pourrissaient des poissons mêlés à des vêtements raffinés aux couleurs éclatantes, qui flottaient à la surface telles des plantes sous-marines exotiques.

Par leur communicateur, Lamm et Horza entendirent que les autres, les membres du groupe de Kraiklyn, avaient trouvé une espèce de porte menant à la galerie en question, là où, derrière les bulles transparentes, ils espéraient trouver des lasers. Horza dit à Lamm qu’ils n’avaient pas intérêt à traîner en route ; ils quittèrent donc les salons de réception et ressortirent sur le pont afin de poursuivre leur chemin.

— Dis donc, Horza, intervint Kraiklyn alors que Lamm et le Métamorphe entraient dans un long tunnel éclairé par la lumière du jour, une lumière affaiblie par la brume et les panneaux opaques qui tapissaient le plafond. Ce radar à aiguille ne fonctionne pas correctement.

— Qu’est-ce qui ne va pas, encore ? demanda Horza sans s’arrêter de marcher.