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— Ma foi, Orab, je refermerais bien ces portes, afin de vous procurer une sensation de sécurité ; mais voyez-vous, je suis venu chercher ceux qui veulent partir avant l’heure fixée pour la destruction de l’Orbitale, et je ne puis le faire qu’à la dernière minute, pour que les éventuels candidats au départ puissent embarquer. En vérité, je ne vois pas très bien pourquoi on refuserait de s’en aller, mais on m’a dit de ne pas m’inquiéter si certains préféraient rester. Je dois dire que ce serait un peu bête, n’est-ce pas, Orab ?

Horza fourrageait dans le médikit, mais en profitait pour jeter des regards furtifs à une autre série de portes percées dans la paroi du petit couloir.

— Hmm ? fit-il. Ah, oui. Vous pouvez le dire. Au fait, pour quand est prévue l’explosion ?

Il passa la tête à l’angle de la porte donnant dans le poste de contrôle, ou la cabine de pilotage, et aperçut un nouvel œil, situé au même endroit que dans l’habitacle, mais donnant du côté opposé à l’épaisse paroi qui séparait les deux zones. Horza sourit, fit un signe de la main puis rentra la tête dans le couloir.

— Coucou ! gloussa la navette. Pour répondre à votre question, Orab, je suis au regret de vous informer que nous serons contraints de faire sauter l’Orbitale dans quarante-trois heures standards. À moins, naturellement, que les Idirans n’entendent enfin raison et retirent leur projet d’utiliser Vavatch comme base militaire.

— Je vois, fit Horza.

Il observait un des encadrements marquant une ouverture dans la paroi, au-dessus de celle qui contenait le médikit. Pour autant qu’il puisse juger, les deux yeux du cerveau se trouvaient dos à dos, avec entre eux deux toute l’épaisseur de la paroi isolant les deux compartiments. Sauf à supposer l’existence d’un quelconque miroir, tant qu’il restait dans le couloir, la navette ne pouvait pas le voir.

Il jeta un regard en arrière, par les portes ouvertes ; pas d’autre mouvement que celui de la cime des arbres qui se balançaient dans le lointain, et de la fumée qui s’élevait des feux. Il vérifia à nouveau son arme. Les projectiles semblaient logés dans une espèce de chargeur, mais un petit cadran circulaire pourvu d’une aiguille mobile indiquait soit qu’il manquait une balle sur les douze, soit au contraire qu’il n’en restait qu’une seule.

— Eh oui, reprit la navette. C’est bien triste, naturellement, mais en temps de guerre, ce genre de chose est une nécessité, je suppose. Oh, je ne prétends pas tout saisir dans cette affaire ! Je ne suis qu’une humble navette, après tout. En fait, on avait fait cadeau de moi à l’un des Mégavaisseaux parce que je suis trop démodée, trop rudimentaire pour la Culture, vous savez. Ils auraient pu me mettre à jour, mais non ; ils se sont simplement débarrassés de moi. Mais voilà qu’ils ont de nouveau besoin de moi, et je m’en réjouis.

« Nous avons du pain sur la planche, vous savez, si nous voulons évacuer de Vavatch tous ceux qui le désirent. J’aurai de la peine en voyant sauter l’Orbitale. J’ai passé de bons moments ici, croyez-moi… Enfin, c’est comme ça. Au fait, comment va votre doigt ? Vous voulez que j’y jette un coup d’œil ? Apportez-moi le médikit dans l’un ou l’autre des compartiments, que je regarde un peu ce que je peux faire. Oh ! Avez-vous touché à l’un des autres placards que contient le couloir ?

De fait, Horza essayait de forcer l’ouverture la plus proche du plafond au moyen du canon de son arme.

— Non, répondit-il en pesant de tout son poids. Je ne m’en suis même pas approché.

— C’est curieux, il me semble pourtant sentir quelque chose. Vous êtes sûr de ce que vous dites ?

— Mais bien entendu, fit Horza en appuyant de toutes ses forces.

La porte céda, révélant des tubes, des fibrocircuits, des récipients métalliques et divers autres éléments mécaniques, électroniques et optiques non identifiables, ainsi que des unités-champs.

— Aïe ! s’écria la navette.

— Hé ! lança Horza. Il vient de s’ouvrir tout seul ! Il y a quelque chose qui brûle, là-dedans !

Il brandit son arme à deux mains et visa soigneusement. Ça doit être quelque part par là, songea-t-il.

— Le feu ! glapit la navette. Mais ce n’est pas possible !

— Tu crois que je ne sais pas reconnaître la fumée, espèce de tas de ferraille cinglé ! hurla le Métamorphe en pressant la détente.

Le coup partit. Ses deux mains tressautèrent et il fut projeté en arrière. La balle explosive frappa l’intérieur du placard et la détonation couvrit l’exclamation de la navette. Horza se protégea le visage de son bras.

— Je suis aveugle ! gémit l’appareil.

À présent, le logement de la paroi crachait réellement de la fumée. Horza se replia en titubant vers la cabine de contrôle.

— Il y a le feu ici aussi ! cria-t-il. La fumée sort de partout !

— Quoi ? Mais ça ne se peut pas…

— Je vous dis que vous êtes en feu ! Comment se fait-il que vous ne puissiez ni voir ni sentir l’incendie ? Vous brûlez !

— Je ne vous crois pas ! Posez cette arme ou je…

— Il faut me croire !

Horza examina la cabine, cherchant ce qui pouvait receler le cerveau de la navette. Il vit des écrans, des sièges, des cadrans et même l’emplacement habituel des contrôles manuels, mais pas trace de compartiment-cerveau.

— La fumée envahit tout ! répéta-t-il en s’efforçant de prendre une voix hystérique.

— Là ! Un extincteur ! Je mets le mien en marche ! clama la navette.

Un élément mural pivota, et Horza attrapa le volumineux cylindre fixé à l’intérieur du rabat. Il referma ses quatre doigts valides autour du jet. Un sifflement accompagné d’une vapeur légère surgissait en divers endroits de la pièce.

— Il ne se passe rien ! hurla Horza. Il y a beaucoup de fumée noire et… (Il fit semblant de tousser.) Aaargh ! Ça s’épaissit !

— D’où vient-elle ? Vite !

— De partout à la fois ! (Il jeta un coup d’œil circulaire.) Près de votre œil… sous les sièges, au-dessus des écrans, sous les écrans… Je n’y vois plus rien !

— Continuez ! Je sens la fumée aussi, maintenant !

Horza regarda la faible traînée de fumée qui, venue du couloir plein de flammes crachotantes où il avait endommagé les centres nerveux de l’appareil, s’infiltrait à présent dans le compartiment voisin.

— Ça… ça vient de là, et aussi de là… Des écrans-info de chaque côté des sièges de la dernière rangée…, et de quelque part juste au-dessus des sièges, sur les parois latérales, à l’emplacement de cette saillie, là…

— Comment dites-vous ? vociféra le cerveau de la navette. À gauche en regardant vers l’avant ?

— C’est ça !

— Éteignez ce foyer-là en premier ! piailla-t-il en retour.

Horza laissa tomber l’extincteur et reprit son fusil à deux mains, visant le renflement visible de la paroi, au-dessus de la rangée de gauche. Il pressa la détente une fois, deux fois, trois fois. L’arme cracha le feu, l’ébranlant de la tête aux pieds ; étincelles et éclats divers jaillirent des trous percés par les balles dans le logement de la machine.

— iiiiiiiiiii…, fit cette dernière.

Puis ce fut le silence.

Un filet de fumée sortit du renflement détruit, se mêla aux volutes provenant du couloir et alla former une mince couche au ras du plafond. Horza laissa lentement retomber son arme et regarda autour de lui en prêtant l’oreille.