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— Nous y voilà. Minidock 27492, au cas où vous auriez à nouveau besoin de vous y rendre. Intra-niveau S-10-droit. Au revoir.

La porte de la capsule se déroula à nouveau. Horza lança un salut de la tête au drone et sortit de l’engin pour se retrouver dans une galerie aux parois rectilignes et transparentes. La porte se ferma et la machine disparut. Il crut la sentir passer devant lui en un éclair, mais à une vitesse telle qu’il n’aurait pu en jurer. De toute façon, sa vision demeurait floue.

Il tourna la tête vers la droite. Au-delà des parois de la galerie, le regard plongeait dans une atmosphère limpide. Sur des kilomètres de profondeur. On distinguait tout en haut une sorte de plafond, avec quelques traces d’écharpes nuageuses. Quelques minuscules appareils se déplaçaient çà et là. À hauteur de ses yeux, et suffisamment loin pour que le panorama lui parût vaste et légèrement brumeux, se trouvaient une infinité de hangars superposés – hangars, docks, quais, quel que fût le nom qu’on leur donnait ils emplissaient son champ de vision sur une surface de plusieurs kilomètres carrés ; l’échelle de l’ensemble lui donna le vertige. Il sentit son cerveau marquer une espèce de temps d’arrêt et dut cligner des yeux en se secouant ; mais le spectacle ne disparut pas pour autant.

Les appareils se mouvaient de-ci, de-là, des lumières s’allumaient ou s’éteignaient, une couche nuageuse située plus bas rendait la perspective encore plus brumeuse ; tout à coup, quelque chose passa à vive allure le long de la galerie où se tenait Horza. Un vaisseau, qui mesurait bien trois cents mètres de long. L’appareil se maintint quelques instants à niveau, puis plongea et vira à gauche au loin en décrivant une courbe gracieuse pour s’enfoncer enfin dans un autre couloir, vaste et brillamment éclairé, qui semblait croiser à angle droit celui que contemplait Horza.

Dans la direction opposée, c’est-à-dire celle d’où était venu le vaisseau, se dressait un mur apparemment uniforme. Horza l’inspecta plus soigneusement et se frotta les yeux : le mur arborait en fait un réseau de points lumineux disposés dans un certain ordre. Des milliers et des milliers de fenêtres, de lampes et de balcons. Des aéros plus petits en sillonnaient la surface, et d’infimes points signalant des capsules de transtube allaient et venaient verticalement.

Horza ne pouvait en voir davantage. Il se tourna vers la gauche et aperçut un court plan incliné passant sous le tube de la capsule. Il s’y engagea en trébuchant et pénétra dans l’espace confortablement restreint d’un Minidock qui mesurait seulement deux cents mètres de long.

Horza eut envie de pleurer. Le vieux navire reposait sur ses trois pieds courtauds au beau milieu de la plate-forme, tout entouré de pièces détachées éparses. Il n’y avait personne d’autre en vue, rien que du matériel. La TAC avait l’air vieille et tout esquintée, mais intacte et d’un seul tenant. Manifestement, les travaux étaient soit achevés, soit pas encore commencés. Le principal ascenseur de la soute était en position basse et reposait sur la surface lisse et blanche du dock. Horza s’en approcha et remarqua une échelle légère donnant accès à l’intérieur violemment éclairé de la soute proprement dite. Un minuscule insecte se posa fugitivement sur son poignet. Le Métamorphe le balaya du geste au moment où il s’envolait. Quelle légèreté de la part de la Culture, songea-t-il, de tolérer un insecte à bord d’un de ses impeccables vaisseaux ! Il était vrai que, officiellement du moins, le Finalités n’appartenait plus à la Culture. Horza gravit péniblement l’échelle, gêné par son manteau gorgé d’eau et accompagné par un concert de gargouillements issus de ses bottes.

La soute répandait une odeur familière, bien qu’elle parût étrangement spacieuse sans la navette qu’elle abritait d’ordinaire. Là non plus il n’y avait personne. Il prit l’escalier montant vers le secteur habitation, puis emprunta le couloir du mess en se demandant qui avait survécu, qui avait péri, et quels changements s’étaient produits, en admettant qu’il y ait eu des changements. Trois jours seulement s’étaient écoulés, mais il avait l’impression d’être parti depuis des années. Il avait presque atteint la cabine de Yalson lorsque la porte s’ouvrit à la volée.

La tête blonde de Yalson apparut, et une expression de surprise teintée de joie commença à se peindre sur ses traits.

— Ho… ! fit-elle.

Puis elle s’interrompit, le contempla en fronçant les sourcils, secoua la tête en marmottant quelques mots, puis rentra la tête dans sa cabine.

Horza s’était figé sur place. Il se réjouit de la savoir en vie, et se rendit simultanément compte de son erreur : il n’avait pas marché comme Kraiklyn. Il s’était laissé aller à sa démarche naturelle, et Yalson l’avait reconnue. Une main fit son apparition sur le montant de la porte ; la jeune femme enfilait une tunique légère. Puis elle sortit et vint se planter au milieu du couloir, observant les mains sur les hanches celui qu’elle prenait pour Kraiklyn. Son visage mince et dur exprimait le souci, mais par-dessus tout la prudence. Horza cacha derrière son dos la main à laquelle il manquait un doigt.

— Mais qu’est-ce qui t’est arrivé, bon sang ? demanda-t-elle.

— Je me suis battu. Pourquoi, de quoi j’ai l’air ?

La voix était réussie. Ils restèrent là à se dévisager.

— Si tu as besoin d’aide…, commença-t-elle.

Mais Horza secoua la tête.

— Je peux me débrouiller.

Yalson opina, un demi-sourire aux lèvres, tout en le détaillant de la tête aux pieds.

— C’est ça. Eh bien, débrouille-toi, alors. (Elle pointa un pouce par-dessus son épaule, indiquant le réfectoire.) Ta nouvelle recrue vient juste d’apporter ses affaires à bord. Elle t’attend au mess, mais si tu te montres dans cet état, il se pourrait qu’elle change d’avis.

Horza acquiesça. Yalson haussa les épaules, puis tourna les talons et remonta le couloir avant de traverser le mess en direction de la passerelle. Horza la suivit.

— Notre glorieux commandant de bord, annonça-t-elle en passant dans la salle.

Horza hésita devant la porte de la cabine de Kraiklyn, puis poursuivit son chemin afin d’aller passer la tête par la porte du mess.

Une femme était assise à l’autre extrémité de la grande table, ses jambes croisées reposant sur une chaise en face d’elle. Au-dessus de sa tête, l’écran était allumé, comme si elle venait à peine d’en détacher son regard. Il affichait une vue d’un Mégavaisseau tout entier soulevé hors de l’eau par des centaines de petits remorqueurs aériens rassemblés sous son ventre et le long de ses flancs. On reconnaissait aisément en eux d’antiques engins de la Culture. Mais la femme s’était détournée de ce spectacle et regardait dans la direction de Horza lorsque celui-ci vint jeter un coup d’œil dans le mess.

Elle était mince, grande, pâle. Manifestement en pleine forme physique, elle commençait à peine à montrer de la surprise lorsque ses yeux noirs se posèrent sur le visage qui venait d’apparaître à la porte. Elle portait une combinaison légère dont le casque gisait sur la table devant elle. Un bandana rouge était noué autour de sa tête, sous la racine de ses cheveux roux coupés court.

— Ah, commandant Kraiklyn ! fit-elle en reposant les pieds par terre avant de se pencher en avant, le visage empreint d’un mélange de stupéfaction et de pitié. Qu’est-ce qui vous est arrivé ?