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— C’est fait, répondit la voix du vieil homme.

— Très bien. Remonte au mess en vitesse et attache-toi.

Sur ces mots, Horza coupa le circuit.

— Ma foi, déclara Wubslin qui se laissa aller en arrière dans son siège tout en se grattant la tête, l’œil rivé aux schémas et aux graphes qu’affichaient les écrans alignés devant lui, je ne sais pas ce que tu as l’intention de faire, Kraiklyn, mais quoi qu’il en soit, on est aussi prêts que possible.

Le robuste ingénieur jeta un regard à Horza, se souleva légèrement sur son siège et boucla ses sangles de sécurité. Horza lui sourit en s’efforçant de paraître sûr de lui. Le dispositif de maintien associé à son propre siège était d’un genre un peu plus raffiné : il n’eut qu’à actionner un interrupteur pour que des accoudoirs rembourrés se mettent en place et que des champs d’inertie s’activent. Il rabattit son casque jusque-là bloqué en position haute ; un chuintement signala qu’il se scellait hermétiquement.

— Oh, mon Dieu ! fit Wubslin en se détournant lentement de Horza pour regarder fixement, par le truchement de l’écran principal, la paroi quasi dépourvue de tout signe distinctif qui formait le fond du Minidock. J’espère sincèrement que tu ne te prépares pas à faire ce que je devine.

Horza ne répondit pas, mais appuya sur le bouton ouvrant le circuit com du mess.

— Ça y est ?

— Presque, Kraiklyn, mais…

C’était la voix de Yalson. Horza coupa le circuit. Il se passa la langue sur les lèvres, empoigna les manettes de ses deux mains gantées, prit une profonde inspiration et bascula les interrupteurs, situés juste sous ses pouces, qui commandaient les trois moteurs à fusion. Juste avant que le vacarme ne retentisse, il entendit Wubslin dire :

— Oh, mon Dieu ! Tu ne veux tout de même pas…

L’écran clignota, s’assombrit, puis redevint normal.

La vue du fond du dock était illuminée par trois jets de plasma surgis de dessous le vaisseau. Un grondement de tonnerre emplit la passerelle et se répercuta dans l’appareil tout entier. Les deux moteurs extérieurs prenaient en charge le plus gros de la poussée ; pour l’instant, ils étaient dirigés vers le bas. Ils crachèrent du feu sur le sol du Minidock, éparpillant les machines et pièces détachées gisant sous l’appareil pour les précipiter contre les murs et le plafond ; aveuglantes, les giclées de flammes se stabilisèrent. Le moteur interne situé dans le nez, qui ne servait qu’au décollage, se mit en marche par à-coups, puis trouva rapidement le bon régime et fora bientôt un trou dans le matériau ultradense à présent carbonisé qui tapissait le sol du Minidock.

La Turbulence Atmosphérique Claire se secoua comme un animal qui s’éveille, craqua, gémit et oscilla autour de son axe. Sur l’écran, une ombre gigantesque se déplaça latéralement sur le mur et le plafond en face de l’appareil, tandis que la clarté infernale émanant du moteur avant se répandait en dessous. Horza fut stupéfait de constater que les murs du Minidock tenaient le coup. Il alluma donc le laser de proue en augmentant simultanément la puissance du moteur à fusion.

L’écran afficha une explosion de lumière. Le mur qui leur faisait face s’ouvrit comme une fleur filmée au ralenti. D’énormes pétales se ruèrent vers le vaisseau. Un million de débris s’abattirent sur son nez, portés par l’onde de choc, à mesure que l’air franchissait en trombe la paroi lasérisée. Au même moment, la Turbulence Atmosphérique Claire décolla. Les indicateurs de masse au niveau des pieds de l’appareil tombèrent à zéro, puis disparurent d’un coup : chauffés à blanc, les pieds rentraient d’eux-mêmes dans la coque. Les circuits de refroidissement d’urgence du train d’atterrissage se mirent en marche avec un bruit de sirène. L’appareil se mit à pivoter de côté, vibrant sous l’effet de sa propre puissance et sous l’impact des décombres qui tourbillonnaient autour de lui. Vers l’avant, la vue se dégagea.

Horza stabilisa le vaisseau, puis poussa à fond les moteurs arrière, orientant brusquement une partie de leur poussée vers le fond et les portes du Minidock. Un écran leur apprit qu’elles étaient à présent chauffées à blanc. Horza aurait donné cher pour pouvoir partir par là, mais se dit que faire demi-tour pour enfoncer les portes avec la TAC équivaudrait sans doute à un suicide, et que toute manœuvre était impossible dans un espace aussi réduit. Il serait déjà assez difficile comme ça de foncer tout droit…

Le trou n’était pas assez grand. En le voyant venir vers eux, Horza s’en rendit immédiatement compte. Il posa un doigt tremblant sur le bouton réglant le déploiement du faisceau-laser, dans l’arc de cercle rassemblant les commandes principales de l’appareil, et le poussa à fond avant de tirer une nouvelle salve. L’écran s’emplit une fois encore de lumière, sur tout le périmètre du trou. La TAC engagea son nez puis le reste de son fuselage dans le Minidock voisin. Horza s’attendait à ce qu’une partie du vaisseau heurte les côtés ou la partie supérieure de la brèche chauffée à blanc, mais rien de tel n’arriva ; propulsés par leurs trois piliers de feu, ils franchirent l’ouverture en projetant vers l’avant de la lumière, des débris et une marée de fumée et de gaz. Sombres, les vagues allèrent frapper les navettes en stationnement ; le Minidock dans lequel ils progressaient à présent à vitesse réduite grouillait de véhicules de tout acabit. La TAC les survola en les fracassant et en les liquéfiant sous ses flammes.

Horza sentait la présence de Wubslin qui, assis à côté de lui, les yeux fixés sur l’écran, avait les jambes remontées contre lui de sorte que ses genoux dépassaient au-dessus du tableau de bord, tandis que ses bras formaient une espèce de carré au-dessus de sa tête, chaque main agrippant le biceps du côté opposé. Il tourna la tête vers lui et découvrit un masque de terreur et d’incrédulité qui le fit sourire. Wubslin lui montra l’écran principal d’un air complètement paniqué.

— Attention !

Sa voix suraiguë réussit à percer au-dessus du vacarme.

La TAC frémissait et bondissait, bousculée par le courant de matière suprachauffée qui se déversait sous sa coque. Elle utilisait certainement l’atmosphère environnante pour produire du plasma, maintenant qu’elle avait de l’air à sa disposition, et, dans l’espace relativement restreint qu’offraient les Minidocks, la turbulence ainsi créée suffisait à ébranler le vaisseau tout entier.

Un deuxième mur se profilait devant eux ; il se rapprochait plus vite que Horza n’aurait voulu. De plus, la TAC gîtait à nouveau, encore que légèrement ; il réduisit le faisceau-laser et tira tout en redressant le vaisseau. Le mur s’embrasa au niveau des angles ; le plancher et le plafond du Minidock se parèrent de cercles incandescents aux points d’impact du laser, et des dizaines de navettes garées juste devant eux se mirent à palpiter sous l’effet de la lumière et de la chaleur dégagées.

Le mur commença à s’effondrer lentement vers l’arrière, mais la TAC venait sur lui plus vite qu’il ne cédait. Horza émit un son étranglé et tenta de freiner leur progression ; il entendit Wubslin pousser un grand cri au moment où le nez du navire entrait en contact avec le centre encore intact de la paroi. L’affichage de l’écran s’inclina sur le côté au moment où le navire heurtait de plein fouet le matériau du mur. Puis le nez de l’appareil retomba, la Turbulence Atmosphérique Claire tangua, puis s’ébroua comme un animal au sortir de l’eau et, après plusieurs embardées, ils se retrouvèrent dans un nouveau Minidock. Celui-ci était entièrement vide.