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— Ce n’est pas vrai ? demanda Yalson sans tenir compte de l’intervention de la machine et en fixant intensément Horza. Ce n’est pas vrai… ? Elle ment, n’est-ce pas ?

Wubslin se retourna vers le Métamorphe. Aviger et Dorolow échangèrent un regard. Horza soupira et ôta ses pieds de la table pour se redresser sur son siège. Il se pencha en avant et cala ses coudes sur la table, puis son menton dans ses paumes. Il observait la scène, tous les sens en éveil, cherchant à jauger l’humeur des personnes présentes. Il avait conscience de la distance à laquelle chacun d’entre eux se trouvait, conscience de la tension qui les gagnait, et savait exactement combien de temps il lui faudrait pour dégainer le pistolet à plasma qu’il portait sur sa hanche droite. Il leva la tête et les dévisagea l’un après l’autre avant de s’arrêter sur Yalson.

— Si, fit-il. C’est vrai.

Le silence se fit. Horza attendait une réaction. Au lieu de cela, on entendit une porte s’ouvrir au bout du couloir de la section habitation. Tous les regards se tournèrent vers la porte.

Neisin fit son apparition, vêtu en tout et pour tout d’un short crasseux. Tout décoiffé, les yeux mi-clos, il avait la peau constellée de taches alternativement sèches ou moites et le teint blafard. Des relents de boisson se propagèrent progressivement dans le mess. Il embrassa la pièce du regard, bâilla, salua l’assistance d’un hochement de tête puis désigna vaguement les débris qui gisaient toujours un peu partout alentour et dit :

— Y a presque autant de pagaïe ici que dans ma cabine. On croirait qu’on a manœuvré, ou quelque chose dans ce genre. Excusez-moi. Je croyais que c’était l’heure de manger. Bon, je crois que je vais retourner me coucher.

Sur quoi il bâilla à nouveau et s’en fut. La porte se referma derrière lui.

Balvéda riait sans bruit. Horza distingua des larmes dans ses yeux. Les autres semblaient simplement perplexes. Le drone annonça :

— Ma foi, l’observateur qui sort d’ici est sans doute la seule personne douée de raison à bord de cet asile ambulant. (La machine pivota sur la table et en érafla la surface en se retournant vers Horza.) Prétendez-vous réellement être un de ces légendaires imitateurs d’êtres humains ? lui demanda-t-il avec un soupçon de sarcasme dans la voix.

Horza dirigea son regard vers le bout de la table, puis le plongea dans les yeux soucieux et méfiants de Yalson.

— C’est ce que je suis, oui.

— Mais leur race est éteinte ! commenta Aviger en secouant la tête.

— Certainement pas, contra Balvéda en tournant brièvement vers le vieil homme sa tête à l’ossature délicate. Mais ils font dorénavant partie de la sphère d’influence idirane ; ils ont été absorbés. Certains d’entre eux soutenaient les Idirans depuis toujours ; d’autres sont partis ou ont décidé d’unir leur destinée à celle des Idirans. Horza est de la première espèce. Il ne peut pas supporter la Culture. S’il vous emmène tous sur le Monde de Schar, c’est dans le but d’y récupérer un Mental naufragé pour le compte de ses maîtres idirans. Un Mental de la Culture. Afin que la galaxie soit libérée du joug humain et que les Idirans aient enfin les mains libres pour…

— Ça suffit, Balvéda, coupa Horza.

Elle haussa les épaules.

— Alors tu es Horza, fit Yalson en le montrant du doigt. (Il acquiesça, et elle secoua négativement la tête.) Je ne peux pas y croire. Je commence à penser comme le drone : vous êtes tous les deux fous à lier. Tu as pris un sale coup sur la tête, Kraiklyn ; quant à toi, ma fille, fit-elle en se tournant vers Balvéda, ce truc-là a dû te déranger la cervelle.

Yalson ramassa l’étourdisseur pour le reposer aussitôt.

— Ma foi, déclara Wubslin en se grattant la tête et en regardant Horza comme s’il était une espèce de pièce à conviction, je trouvais bien le commandant un peu bizarre. Ce qu’il a fait dans le VSG ne lui ressemblait pas du tout.

— Qu’est-ce que tu as fait, Horza ? s’enquit Balvéda. J’ai manqué quelque chose, à ce qu’il paraît. Comment as-tu réussi à te sortir de là ?

— Par la voie des airs, Balvéda. Je me suis servi des moteurs et du laser pour m’ouvrir un passage.

— Vraiment ?

Balvéda rejeta la tête en arrière et éclata à nouveau de rire. Mais ce rire, s’il se prolongea assez longtemps, était un peu trop sonore, et les larmes lui vinrent un peu trop promptement aux yeux.

— Ho-ho ! Eh bien, là, tu m’en bouches un coin. Moi qui croyais qu’on t’avait enfin coincé.

— À quel moment as-tu compris la vérité ? lui demanda-t-il posément.

Elle renifla et chercha à s’essuyer le nez sur son épaule.

— Compris quoi ? Ah, tu veux dire : à quel moment j’ai compris que tu n’étais pas Kraiklyn ? (Elle passa sa langue sur sa lèvre supérieure.) Oh, juste avant que tu ne montes à bord. On avait lancé un microdrone travesti en mouche. Il était programmé pour se poser sur quiconque s’approcherait du vaisseau tant qu’il était au dock, et pour prélever un échantillon de peau, ou un poil. Nous t’avons identifié à partir de tes chromosomes. Il y avait un autre agent à l’extérieur ; il a dû braquer son effecteur sur les commandes du dock quand il a compris que tu étais prêt à décoller. Moi, j’étais censée agir au mieux au cas où tu ferais ton apparition. Te tuer, te capturer, mettre le vaisseau hors d’usage, bref… n’importe quoi. Mais ils m’ont mise au courant trop tard. Ils savaient que leurs signaux pouvaient être interceptés, mais comme ils commençaient à s’inquiéter sérieusement, ils m’ont tout de même avertie.

— C’était ça, le bruit que tu as entendu dans son fourre-tout juste avant que je ne l’étourdisse, dit Horza à Yalson avant de reporter son regard sur Balvéda. Au fait, je me suis débarrassé de ton matériel. Je l’ai balancé dans les vactubes. Ta bombe a explosé.

Balvéda parut s’affaisser encore plus dans son siège. Manifestement, elle avait gardé l’espoir de récupérer ses affaires. À la limite, elle avait espéré que la bombe se déclencherait plus tard et que, mourir pour mourir, elle ne serait pas morte toute seule… et pour rien.

— Ah oui, fit-elle en baissant les yeux sur la table, les vactubes.

— Et Kraiklyn dans tout ça ? interrogea Yalson.

— Mort, répondit Horza. Je l’ai tué.

— Ah bon, fit-elle avec de petits claquements de langue exprimant sa désapprobation. Enfin, c’est comme ça. J’ignore si vous êtes tous les deux fous ou si vous dites la vérité ; les deux possibilités sont également sordides. (Elle regarda Balvéda, puis Horza, et dit à ce dernier en haussant les sourcils :) Au fait, si tu es bien Horza, ça me fait moins plaisir de te revoir que je n’aurais cru.

— Je suis désolé.

Elle se détourna de lui.

— Je continue de croire que la meilleure solution est de retourner au VSG et de soumettre toute l’affaire aux autorités, dit le drone en s’élevant très légèrement au-dessus de la table et en les regardant tour à tour.

Horza se pencha en avant et lui donna de petits coups sur la coque. La machine se retourna pour lui faire face.

— Sache, tas de ferraille, que nous nous dirigeons vers le Monde de Schar. Si tu souhaites réintégrer le VSG, je serai ravi de t’expédier dans un vactube et de te laisser retrouver tout seul ton chemin. Mais si tu parles encore une seule fois de faire marche arrière et de subir un procès en règle, je fais sauter ta putain de cervelle synthétique, compris ?

— Comment osez-vous me parler sur ce ton ? beugla le drone. Je vous prie de considérer que je suis un Artefact Libre et Accrédité, certifié intelligent-conscient aux termes des Lois sur le Libre-Arbitre promulguées par le Bureau des Critères Moraux Unifiés de la zone de Vavatch, et bénéficiant de tous les attributs de la citoyenneté de l’Hétérocratie de Vavatch. J’aurai bientôt remboursé intégralement ma Dette de Génération, ce qui me permettra de faire exactement ce qui me plaît, et sachez que j’ai d’ores et déjà été accepté dans un cours supérieur de parathéologie appliquée, à l’Université de…