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— Est-ce que tu vas bientôt fermer ton putain de… de haut-parleur et m’écouter ? vociféra Horza, mettant ainsi fin au monologue ininterrompu de la machine. Nous ne sommes pas sur Vavatch, et je me fiche de savoir à quel point tu es malin et bardé de qualifications. Tu es maintenant à bord de ce vaisseau, et tu fais ce que je te dis de faire. Tu veux débarquer ? Eh bien, vas-y, regagne tout seul ce qui reste de ta putain de précieuse Orbitale ! Mais si tu restes, tu obéis aux ordres. Sinon, à la ferraille.

— Ce sont les termes du choix qui s’offre à moi ?

— Tout juste. Alors mets à profit un peu de ton fameux libre-arbitre accrédité et prends ta décision sur-le-champ.

— Je… (Le drone s’éleva à nouveau dans les airs, puis redescendit vers la table.) Hmm, fit-il. Très bien. Je reste.

— Et j’obéis aux ordres.

— Et j’obéis aux ordres…

— Parfait, et maintenant…

— … dans les limites de la raison.

— Attention, tas de ferraille…, menaça Horza en faisant mine de saisir son pistolet à plasma.

— Oh, bonté divine, l’ami ! s’exclama le drone. Qu’est-ce qu’il vous faut donc ? Un robot ? ironisa-t-il. On ne peut pas « éteindre » mes facultés de raisonnement en appuyant sur un bouton ; je ne saurais choisir de ne pas avoir de libre-arbitre. Je peux très bien jurer d’obéir à n’importe quel ordre donné sans me soucier des conséquences, vous savez ; et même m’engager à me sacrifier pour vous si vous me le demandez. Seulement, je mentirais dans le seul but de rester en vie. Je promets de me montrer aussi obéissant et loyal que n’importe quel autre membre humain de l’équipage… sinon le plus obéissant et le plus loyal. Par pitié, mon ami, au nom de la raison, que pouvez-vous demander de plus ?

Saleté de faux jeton, songea Horza.

— Ma foi, je suppose qu’il faudra s’en contenter. Et maintenant…

— Néanmoins, je suis immédiatement contraint de vous informer légalement que, aux termes de mon Contrat Constructif Rétrospectif, mon Contrat de Prêt allié à ma Dette de Génération et mon Contrat de Travail, le fait de m’avoir enlevé de force à mon lieu de travail vous oblige à prendre à votre charge le remboursement de ladite dette, et ce jusqu’à mon retour, et vous rend passible de poursuites au titre du droit civil autant que pénal, et…

— Bon sang, drone, coupa Yalson. T’es sûr que c’est pas plutôt en droit que tu devrais t’inscrire ?

— J’assume toutes mes responsabilités, drone, l’informa Horza. Et maintenant, tu vas la fer…

— Eh bien, j’espère que vous êtes assuré en conséquence, marmotta le drone.

— … mer !

— Horza ? fit Balvéda.

— Oui, Pérosteck ?

Il se tourna vers elle avec soulagement. La jeune femme avait les yeux brillants. Elle se passa de nouveau la langue sur la lèvre supérieure, puis se remit à fixer le dessus de la table, la tête baissée.

— Et moi, qu’est-ce que je deviens dans tout ça ?

— Eh bien, répondit-il lentement, il m’est bien venu à l’idée de te balancer toi aussi dans un vactube…

Il la vit se contracter, ainsi d’ailleurs que Yalson ; celle-ci se tourna sur sa chaise afin de lui faire face, les poings serrés et la bouche ouverte pour parler. Il poursuivit :

— … Mais tu peux encore m’être de quelque utilité, et… ma foi, appelle ça du sentiment si tu veux. (Un sourire. Puis :) Naturellement, il va falloir que tu sois très sage.

Balvéda leva les yeux sur lui. On voyait sur son visage qu’elle retrouvait de l’espoir, mais aussi qu’elle craignait de se réjouir trop vite.

— Tu es sincère, j’espère ? demanda-t-elle calmement.

Horza acquiesça.

— Absolument. De toute façon, je ne peux pas me débarrasser de toi avant de savoir comment tu as fait pour t’enfuir de la Main de Dieu.

Balvéda se détendit et respira profondément. Le rire qui s’échappa de ses lèvres fut presque silencieux. Yalson rivait sur Horza un regard amer tout en pianotant sur la table.

— Yalson, dit Horza. J’aimerais que Dorolow et toi emmeniez Balvéda quelque part pour… la déshabiller. Enlevez-lui sa combinaison, mais aussi le reste. (Il sentit tous les regards peser sur lui. Balvéda prit un air faussement choqué et arqua les sourcils. Il poursuivit :) Prenez le matériel chirurgical et, quand elle sera nue, faites-lui passer tous les examens possibles et imaginables ; il faut s’assurer qu’elle n’a sur elle ni poche dermique, ni implants, ni prothèses ; soumettez-la aux ultrasons, aux rayons X, à la RMN, tout. Cela fait, vous lui trouverez des vêtements. Jetez sa combi dans un vactube, ainsi que tous bijoux ou autres affaires personnelles de quelque taille que ce soit, même si elles semblent parfaitement inoffensives.

— Tu veux peut-être aussi qu’on la lave, qu’on l’enduise d’huile, puis qu’on lui mette une tunique blanche et qu’on l’étende sur un autel de pierre, non ? fit Yalson d’un ton acide.

Horza secoua la tête.

— Je veux qu’on lui enlève tout ce qui pourrait lui servir d’arme, tel quel ou après transformation. Parmi les derniers gadgets distribués par la Culture aux agents de Circonstances Spéciales, il y a ce qu’ils appellent des « mémoformes » ; celles-ci peuvent prendre l’aspect de broches, de médaillons… (il sourit à Balvéda, qui réagit en hochant la tête d’un air amer) ou de n’importe quoi d’autre. Mais qu’on leur fasse subir un certain traitement – en les touchant au bon endroit, par exemple, en les mouillant ou en prononçant un mot bien précis –, et elles se transforment en communicateur, en arme ou en bombe. Je ne veux pas prendre le risque de garder à bord tout objet potentiellement plus dangereux que Balvéda elle-même.

— Que se passera-t-il quand on arrivera sur le Monde de Schar ? interrogea cette dernière.

— On va te donner des vêtements chauds. Si tu t’emmitoufles bien, tu ne risques rien. Mais ni combi, ni armes.

— Et nous ? demanda Aviger. Qu’est-ce qu’on est censés faire en arrivant là-bas ? En partant du principe qu’ils te laisseront aborder, ce qui m’étonnerait.

— Je ne sais pas encore, répondit sincèrement Horza. Vous serez peut-être obligés de venir avec moi. Je vais voir si je peux ou non intervenir sur les codes d’accès du vaisseau. Il se peut que vous puissiez tous demeurer à bord ; mais si ça se trouve, vous devrez descendre à terre avec moi. Quoi qu’il en soit, il y a là-bas d’autres Métamorphes, des gens comme moi mais qui ne travaillent pas pour les Idirans. Ils devraient pouvoir vous prendre en charge si mon absence se prolonge.

« Naturellement, reprit-il en regardant Yalson, si l’un d’entre vous souhaite m’accompagner, je suis sûr qu’on peut considérer cette mission comme une de vos opérations habituelles, y compris au niveau du partage des gains. Quand je n’aurai plus besoin de la TAC, ceux d’entre vous que ça intéresse pourront se l’approprier et en faire ce qu’ils voudront ; la vendre, par exemple. À votre guise. Quoi qu’il arrive, vous serez libres de faire ce qui vous plaît dès que j’aurai rempli ma mission sur le Monde de Schar – ou, du moins, quand j’aurai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour l’accomplir.