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Chrystine Brouillet

Chapitre 1 B comme Bikini

Un triomphe! Nous étions géniaux! Mê­me les parents des élèves riaient! Même la directrice! Il faut dire que nous répétions nos sketches depuis le début du mois d'oc­tobre et que Jeff a des idées super drôles. Laurence aussi! Nous avons fait des paro­dies des chansons des Fêtes et nous avons bien sûr imité nos professeurs.

Mes parents nous ont félicités, surtout ma mère, qui aimerait peut-être mieux que je décide de devenir comédienne plutôt que détective privée. Je ferai probablement les deux métiers; les acteurs n'ont pas toujours du travail au début de leur carrière. Mener des enquêtes me permettrait de gagner ma vie entre deux rôles. Maman me répétait que j'étais excellente sur scène quand papa a dit qu'il espérait que je serais aussi bonne lors des examens.

Moi aussi, bien sûr.

Surtout en français! Je devais absolument obtenir un B pour pouvoir partir en vacan­ces à Miami avec mon cousin Pierre: c'était la condition.

Heureusement pour moi, M. Turcotte est plutôt clément et j'ai eu mon B! Un beau B, tout gonflé de plaisir. B comme Bikini, B comme Beach, B comme Beau gars, B com­me Bronzer, B comme Banana split, B comme Baiser... Qui sait qui je rencontrerais sur la plage de Miami? Je n'ai jamais été aussi énervée que ce 20 décembre où j'at­tendais le coup de téléphone de mon cousin.

Il fallait qu'il ait lui aussi de bons résul­tats pour qu'on quitte Montréal. J'ai failli partir avec mon frère, mais heureusement, il est amoureux et a préféré faire du ski (de chalet!) avec sa dulcinée. Ouf! Je ne sais pas quelles vacances j'aurais passées avec mon aîné.

Dring... Dring... Je me suis ruée sur le téléphone!

— Nat? C'est moi. C'est O.K.! Mon père a l'air d'avoir oublié que je lui avais emprunté son auto au mois d'octobre!

Ouf! Oncle Martin avait enfin passé l'éponge! J'étais soulagée, car tout était de ma faute. C'est moi qui avais proposé qu'on

engage le groupe musical Les Dominos dans lequel joue Pierre pour le party de l'Halloween de l'école.

— Les Dominos? Jamais entendu parler, a bougonné Bruno.

— Sors un peu, ai-je répondu. Ou fais mieux qu'eux!

— Tu parles d'un nom! Ils sont noir et blanc comme les biscuits Oreo?

— Que tu es drôle! Justement, le clari­nettiste et le batteur sont Noirs tandis que le saxophoniste et le bassiste sont Blancs. C'est un super groupe. Ils viennent de com­mencer, mais ils sont très bons! Et je con­nais bien Pierre, le saxophoniste!

Tout se serait passé à merveille si la voi­ture de Paul (le bassiste) n'était pas tombée en panne. Pour transporter le matériel, les caisses, les synthétiseurs, les instruments, Pierre a bien été obligé d'emprunter la voi­ture de son père...

Oncle Martin étant absent, Pierre n'a pas pu lui demander la permission. Il a été sé­vèrement puni. Moi aussi. Et on a dû faire de gros efforts pour obtenir les notes qui nous vaudraient le pardon de nos parents... Et le voyage à Miami.

Ça y était! Malgré les répétitions de musique et de théâtre, on avait réussi! Youpi!

J'étais tellement excitée la veille du dé­part que je n'ai pas pu dormir!

Et je n'avais pas l'intention de le faire dans l'avion! C'était mon premier vol! Pierre aussi! Il était déjà allé en Floride, mais en autobus: ça avait pris trois jours et il n'avait pas envie de recommencer! Il y avait au moins cinq personnes qui avaient vomi durant le trajet! Comme nous sommes les filleuls de grand-papa et de grand-maman, ils nous ont offert le billet d'avion. Ils sont hyper gentils.

A Dorval, mes parents étaient presque aussi énervés que moi. Ils m'ont fait des milliers de recommandations. Pierre était plus chanceux, son père n'avait pu l'ac­compagner et sa mère était en clinique. Enfin, je dis chanceux... ça ne doit pas être drôle d'avoir une mère dépressive. Mais elle ne peut pas l'ennuyer avec des cen­taines de conseils, puisqu'elle n'est pas là.

L'idéal, ce serait entre mes parents et les siens; des parents qui seraient là, mais pas trop. Enfin, rien n'est parfait! Et j'ai écouté papa et maman patiemment, car je savais que je ne les verrais pas durant dix jours. Je devinais d'avance toutes leurs mises en garde. Etre prudents à la plage, ne pas ac­cepter de suivre des inconnus (pour ça, j'avais déjà eu ma leçon*), refuser toute boisson de la part d'un étranger. Ou toute autre chose.

Autrement dit: de la drogue. Ils savent pourtant que ça ne m'intéresse pas, j'ai bien trop de trucs à m'acheter pour dépenser mon argent en fumée!

Ceux qui veulent en prendre, c'est leur problème. Moi, j'aurais plutôt choisi une super jupe de cuir violet. Mais il aurait fallu que j'économise jusqu'au mois de juin pour pouvoir la payer. Alors, j'ai pré­féré emporter toutes mes économies à Fort Lauderdale en me disant que je trouverais bien quelque chose d'original à m'acheter. Que personne n'aurait à l'école! Même pas Marie-Chantale de Beaumont.

J'adore les aéroports! J'adore les annon­ces pour l'embarquement, la pesée des vali­ses, la présentation du passeport — même si j'ai l'air d'une idiote sur la photo. Les cris joyeux des gens qui se retrouvent, le bruit des 747 qui décollent.

Je devais sembler bizarre, car je souriais en permanence! Pierre aussi; il a même proposé de jouer un petit blues de départ! Papa a dit aussitôt qu'on ferait mieux de se présenter à l'embarquement. Et qu'il se de­mandait où Pierre mettrait son instrument de musique.

— Tu aurais dû le mettre dans la soute.

— Jamais, a déclaré Pierre d'un ton fa­rouche. Jamais je ne m'en séparerai!

— Comme tu veux! Bon, c'est le mo­ment de se dire au revoir! Passez de bonnes vacances, les enfants! Pierre, je compte sur toi pour veiller sur notre fille!

Papa souriait, mais son ton était solen­nel. Maman a demandé d'une petite voix qu'on lui écrive. Puis elle s'est reprise:

— Non, téléphone-nous dès que tu seras arrivée! Promis?

— Promis! ai-je dit en l'embrassant très fort.

Papa m'a passé la main dans les che­veux, puis je me suis dirigée vers la porte des contrôles sans me retourner.

Mon coeur battait. L'aventure m'atten­dait!

Chapitre Z Octave

En effet, il y avait moins de deux heures que nous étions partis lorsqu'on nous an­nonça que nous ferions une escale à Atlanta. On nous répéta qu'il n'y avait aucune raison de nous affoler, un autre avion avait tout simplement des problèmes. Nous arriverions juste un peu plus tard à Miami, après un changement d'avion. Et patati! et patata!

— Tu y crois? ai-je demandé à Pierre. Il a haussé les épaules:

— Il y a toujours des retards avec les avions. Ne t'inquiète pas. Il faudra appeler grand-papa à Atlanta pour lui demander de venir nous chercher plus tard à l'aéroport.

— Tu as raison.

Il avait raison, mais on n'a pas pu télé­phoner. On a couru comme des fous pour attraper l'autre avion. Et quand je dis courir, ce n'est pas une image: on galopait! Malgré tout, on a manqué notre avion. A cause de moi. J'étais si excitée que j'ai oublié mon sac dans le premier avion. On est retournés le chercher: l'hôtesse nous avait dit qu'on avait le temps.

Mais j'ai dû mal comprendre, elle parlait si vite! Et en anglais! J'avais envie de pleu­rer. Je ne voulais pas rester à Atlanta! Nos vacances n'étaient même pas commencées et elles étaient déjà gâchées!

C'est alors qu'Octave est arrivé. À Mont­réal, dans la salle d'embarquement, il avait discuté avec Pierre, car il avait remarqué son saxophone: il aimait aussi la musique et jouait du piano. Mais nous étions assis trop loin de lui dans l'avion pour continuer la conversation. Et dans l'affolement qui a suivi la perte de mon sac, on n'avait abso­lument pas pensé à le saluer ou à échanger nos adresses en Floride où il allait comme nous.