Jeremy aurait pu être ce voleur. S'il avait été brun aux cheveux longs et plus petit. Je n'y comprenais plus rien!
— Tiens, prends ça, a dit Flash-Fluo en me tendant une serviette en papier pour essuyer la glace au chocolat.
— Merci, ai-je marmonné.
— Je comprends que tu sois fâchée! a dit Flash-Fluo. Tu avais un bon appareil.
— Oui, ai-je dit tout bas. Salut!
Je n'aimais pas sa manière de vouloir absolument être copain avec moi, mais lui ne l'entendait pas ainsi; il était plutôt collant! Comme Octave! Ce n'est jamais les bons gars qui s'intéressent à moi!
— Je m'appelle Daniel Dubois.
— Ah!
— Et toi?
Il ne se décourageait pas facilement! Je devais pourtant avoir l'air vraiment bête.
— Pourquoi veux-tu savoir mon nom?
— Comme ça... C'est quoi?
— Natasha.
— C'est joli.
— Sauf qu'on est cinq filles dans ma classe à s'appeler comme ça.
Il a souri et j'ai dû admettre qu'il avait de belles dents.
— C'était pareil pour moi! On était quatre Dan au collège.
— Dan? Dan? Ah!... Daniel...
Chapitre 10 Qui est Flash-Fluo?
Alors, je me suis mise à pleurer comme un bébé! Devant un parfait étranger! Tout le monde se retournait sûrement pour nous regarder! J'y pensais, mais j'étais incapable de m'arrêter! Daniel m'a prise par le bras pour m'emmener à l'écart. Ça m'agaçait, mais je n'avais pas la force de protester.
On s'est assis à une table à pique-nique. Les gens qui étaient autour se sont éclipsés: ils devaient être gênés de me voir pleurer autant. Une chance que Jeremy n'était pas sur la plage: avec les yeux et le nez rouges, je n'aurais plus eu aucun attrait!
— C'est à cause de Dan Weiss que tu pleures?
J'ai hoché la tête.
— C'est écoeurant, ce qui lui est arrivé...
— Tu le connaissais aussi? ai-je réussi à bredouiller.
— Oui.
— Tu savais qu'il était policier?
— Bien sûr.
— Alors, pourquoi les flics avaient l'air furieux contre toi ce matin? Si tu étais un copain de leur collègue, ils auraient dû être plus aimables...
Daniel Dubois siffla entre ses dents:
— Oh! Mademoiselle Natasha est observatrice! Tu as raison, je les embêtais. Pourtant, j'aimais Dan.
— Comme tout le monde. Depuis qu'il est mort, on est tous amis avec... Toi, Jeremy, moi... Mais quand on t'a croisé sur la plage hier soir, tu ne t'es pas arrêté pour jaser avec lui.
— J'avais mes raisons. Mais je t'assure! C'était le meilleur flic que j'aie connu.
— Parce que tu en as rencontré plusieurs?
Allait-il me dire, lui aussi, qu'il était recherché par la police? Quelle histoire!
— Oui. C'est normal dans mon métier.
— Tu es gangster?
— Qu'est-ce que tu en penses?
S'il l'était, il ne me l'avouerait pas aussi candidement. Et pourtant, Jeremy m'avait bien confié qu'on le poursuivait...
— Je ne pense rien.
— Toi, ne pas penser? Tu es trop perspicace! Tu avais raison de croire que Dan n'était pas mort d'une cause naturelle...
Il essayait maintenant de me flatter!
— C'était juste une intuition, ai-je répondu.
— Dans mon métier, il faut souvent s'y fier. Vois-tu, je suis journaliste. Je fouine partout. C'est pour ça que les flics m'aiment plus ou moins... Pourquoi pensais-tu que la noyade n'était pas accidentelle?
— Qu'est-ce qui me prouve que tu es vraiment reporter? Il me semble que tu es pas mal trop jeune...
Il sourit:
— Merci! C'est gentil. Regarde ça.
Il me montrait une carte de presse qui semblait authentique. Mais l'était-elle? Je n'en avais jamais vu. Comment comparer? Une des qualités d'un bon détective, c'est de se méfier de ce qu'on lui dit.
— J'ai pris des photos de Dan, ce matin. Mais toi, tu t'es doutée de quelque chose sans avoir vu le corps!
J'ai nié:
— Non, je trouvais seulement bizarre qu'il se soit noyé alors qu'il nageait si bien.
Daniel s'est levé, l'air dépité:
— Bon, puisque tu ne veux pas m'aider, je vais continuer à me débrouiller tout seul.
Voilà qu'il voulait susciter ma pitié? Il tentait vraiment toutes les manoeuvres! A quand la séduction? Malgré tout, j'étais curieuse:
— T'aider? À quoi?
— A faire la lumière sur la mort de Dan. Tu y tiens autant que moi! On devrait unir nos forces.
— Pourquoi veux-tu savoir ce qui s'est réellement passé?
— Je suis ici pour faire un reportage sur le trafic de crack. Dan enquêtait là-dessus. On devait échanger nos informations, mais il est mort avant...
— Le trafic de crack? ai-je dit d'un ton que je voulais ferme.
— C'est un véritable phénomène ici! Tu en as entendu parler, non?
— Bah! un peu, oui. A la télévision.
Je préférais garder mes informations pour moi. A moins que Flash-Fluo ne me donne des tuyaux importants le premier.
Il était visiblement déçu. S'attendait-il à des révélations extraordinaires?
— Personne ne t'en a proposé depuis ton arrivée?
— Ça ne m'intéresse pas, ai-je fait, évitant de répondre directement à sa question.
Et s'il m'interrogeait pour savoir si j'aimais le crack? Et s'il n'était pas journaliste, mais revendeur de drogue? Souhaitait-il m'en vendre?
— Et le gars avec qui tu es presque tout le temps? Celui qui a les cheveux bruns? Et qui joue du saxophone?
— Mon cousin? Lui non plus n'est pas amateur de crack!
— Et le beau blond à qui tu parlais ce matin?
— Quel beau blond? Eh! Es-tu policier, pusher ou journaliste? J'en ai assez, salut!
Avant qu'il n'ait pu me retenir, je m'enfuyais en courant. Pas aussi vite que mon voleur, mais assez pour décourager Flash-Fluo. J'ai contourné le snack-bar et je suis restée blottie de l'autre côté en attendant qu'il se décide à quitter la plage. Il regardait partout, mécontent de mon départ. J'ai vu John lui emboîter le pas et j'allais les suivre quand j'ai aperçu Jeremy.
Qui devais-je choisir?
Je voulais en apprendre autant sur Flash-Fluo et John que sur Jeremy. J'ai préféré percer le mystère qui entourait ce dernier...
Mais pour l'aborder, je préférais avoir les photos qu'il m'avait demandées. Je suis entrée dans la boutique de souvenirs presque en courant, je devais avoir l'air très pressée, car une femme m'a laissée passer devant elle au comptoir:
— Je suis en vacances, j'ai tout mon temps, m'a-t-elle dit.
Moi aussi, j'étais en vacances. Mais je n'en avais guère l'impression!
Mes photos n'étaient pas prêtes! Je suis ressortie de la boutique découragée. Qu'allais-je dire à Jeremy? Il marchait vers moi sans sourire et il a gardé le silence un long moment avant de me demander si je me moquais toujours ainsi de mes amis.
— Tu m'as donné un film vierge!
— Je sais! J'étais trop énervée quand mon cousin nous a interrompus! Mais j'ai fait aussitôt développer les photos, en double, et je te les donnerai dès qu'elles seront prêtes! Je te le jure!
Il s'est radouci:
— Parfait... Dis-moi, je t'ai vue parler avec un gars tantôt. Qui portait des vêtements plutôt voyants.
— Ah! lui...
— Qu'est-ce qu'il te voulait?
— Bof! Me vendre du crack, ai-je dit pour voir sa réaction.
— Te vendre du crack?! s'est exclamé Jeremy.
Sa voix vibrait de colère et d'étonnement.
— J'aurais dû en acheter? ai-je murmuré en espérant une réponse négative.
— Non! Tu as bien fait de refuser! Ouf! J'étais soulagée qu'il condamne le
crack!
— Écoute, Jeremy, il faudrait que...
On a entendu klaxonner derrière nous. Jeremy s'est retourné:
— Plus tard, on m'attend. On se voit ce soir sur la plage?
— Je ne pourrai pas, on prépare Noël à la maison. Mais je devrais avoir les photos demain. Qu'est-ce que tu fais, toi, pour Noël?