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— Je ne sais pas trop. Et toi? Tu fêteras avec ton cousin?

— Oui. Mais ensuite nous irons à l'hôtel Hollywood pour rejoindre Octave, un copain.

— Retrouvons-nous là! Demain, à vingt-trois heures. J'aurai un cadeau pour toi... Et je t'expliquerai le vol. Tu as le droit de sa­voir la vérité avant que je sois trop amou­reux de toi...

Amoureux?

Je pense qu'il exagérait un peu. Eberluée, je l'ai regardé courir vers la voiture.

Et j'ai reconnu John sur le siège avant.

Et moi qui n'avais pas prévenu Jeremy que John lui en voulait! J'ignorais ses mo­tifs, mais il avait beau s'être tourné vers Jeremy en souriant, je me souvenais du ton cruel et fanfaron de sa voix quand il en avait parlé deux jours plus tôt.

J'ai rêvé que John poursuivait Jeremy sur l'eau, chevauchant un coquillage géant qui laissait derrière lui une traînée de bave aussi brûlante que la lave d'un volcan. Du coquillage sortait une tête monstrueuse toute noire avec des dents aussi longues et aiguisées que des couteaux de cuisine.

Une tête qui portait des verres fumés comme ceux de Jeremy, mais à la monture d'un rose vif digne des accoutrements de Flash-Fluo. L'énorme bête rattrapait Jere­my qui lui tendait un cadeau de Noël pour l'amadouer quand on m'a secoué l'épaule:

— Nat! Réveille-toi! On doit acheter nos cadeaux!

Chapitre 11 Les cadeaux de Noël

C'est ainsi que le matin du 24 décembre, Pierre et moi avons traîné durant deux heures au centre commercial. Grand-papa et grand-maman iraient chercher la dinde, les fleurs, les canapés et la bûche, qu'ils avaient réservés chez les marchands pour le repas de Noël.

J'appréciais vraiment cette idée de man­ger avec mes grands-parents et de réveillon­ner ensuite, d'autant plus qu'Octave avait dit qu'il y aurait du homard à l'hôtel. J'adore le homard même si je suis incapable d'en jeter un vivant dans l'eau bouillante...

Pierre avait suggéré devant nos grands-parents d'acheter une bricole pour Octave, puisqu'il nous invitait à fêter avec lui. On cherchait effectivement ce qu'on pourrait lui offrir tout en pensant à Maia et Jeremy. J'avais envie de lui plaire tant j'étais heu­reuse qu'il n'aime pas le crack.

J'étais aussi troublée qu'il m'ait dit qu'il était amoureux, sans y croire vraiment. Mais si un coup de foudre unissait Pierre et Maia, pourquoi ça ne m'arriverait pas à moi, pour une fois!? Jeremy était très attirant. Oui, mes amies m'envieraient quand elles le verraient en photo et quand je leur racon­terais notre passion.

Chose certaine, Jeremy avait confiance en moi, puisqu'il m'avait confessé son vol.

Mais moi, avais-je confiance en lui?

— Eh, Nat! As-tu une idée pour le ca­deau d'Octave?

— Tu devrais lui donner un enregistre­ment des Dominos! Quand tu lui as fait écouter une cassette de ton groupe dans l'avion, il avait l'air d'aimer ça.

— Tu crois? a fait Pierre, ravi. Ça me fait penser que je n'ai pas encore écrit aux gars!

— On va acheter aussi des cartes posta­les: Laurence et Jeff m'en voudront à mort si je ne leur envoie rien!

On a trouvé aisément les cartes. Mais les cadeaux! Quel cauchemar! Heureusement qu'on avait déjà acheté ceux de grand-papa et de grand-maman à Montréal. J'ai fini par choisir un somptueux livre sur les coquil­lages pour Jeremy: c'était sa passion après tout et ce n'était pas aussi intime qu'un vê­tement. Pierre, lui, n'a pas hésité: il a ache­té un tee-shirt extrêmement moulant pour Maia, noir avec des bordures dorées.

— Elle sera encore plus belle avec! a déclaré Pierre. Dis donc, Nat, tandis qu'on est ici, on pourrait en profiter pour...

Je savais ce qu'il voulait, mais ça m'amu­sait de le voir s'efforcer d'adopter un ton détaché.

— Pour?

— Enfin... Les capotes... Même si je ne crois pas que Maia...

— Tu es trop pressé! Mais on en achète si tu veux. Elles te serviront un jour à Montréal.

— Tu es décourageante! a gémi Pierre. Nous sommes entrés dans la première

pharmacie que nous avons vue. C'était bourré de monde: Pierre a légèrement hési­té sur le seuil, mais je l'ai entraîné. On a arpenté les allées pendant une demi-heure avant de les trouver. Et pour faire comme si on était habitués d'en acheter, on a laissé la boîte avec désinvolture dans notre panier.

Panier rempli de mouchoirs en papier, de pastilles pour la gorge, de crème solaire, de tampons, bref d'un tas de choses inutiles dans l'immédiat, mais qui camouflaient la petite boîte de condoms. A la caisse, on ba­vardait comme un vieux couple pour cacher notre gêne, mais dès qu'on est sortis de la pharmacie, Pierre s'est tourné vers moi en me disant:

— Tu vois, ce n'est pas compliqué! Je te l'avais bien dit! Ah, les gars!

Nous avons retrouvé nos grands-parents devant un énorme sapin synthétique au bout du centre commercial. Il était plutôt réussi, car il y avait tant de lumières et de décorations qu'on distinguait à peine les branches de plastique. Il manquait cepen­dant l'odeur si agréable de la résine, et j'ai plaint un instant les Américains de fêter Noël avec de faux arbres. Même s'ils ont de vrais palmiers.

Pierre avait caché le tee-shirt destiné à Maia dans mon grand sac de plage dont je ne me séparais jamais. Et j'ai dit à mes grands-parents que le livre sur les coquil­lages était pour Octave. Ça nous ennuyait de leur mentir, mais ils auraient peut-être trouvé que nous avions bien vite rencontré l'amour. Dans leur temps, ils s'écrivaient avant de se fréquenter! Je ne suis même pas certaine qu'ils se téléphonaient! Je se­rais morte d'impatience à leur place!

Quand j'étais amoureuse de Martin Gau­thier, on s'appelait tous les jours. Tiens, c'était curieux: j'avais vécu soixante-douze heures sans téléphoner à mes amis! Déci­dément, tout était différent en Floride!

On a passé l'après-midi à décorer l'ap­partement avec nos grands-parents et à em­baller les cadeaux chacun de notre côté dans le plus grand secret. J'ai beau être plus âgée, Noël m'excite toujours autant!

J'aimais le bruit des ciseaux coupant le papier d'emballage, le choix des choux et des rubans, la pose de l'étoile au haut du sapin, les lumières, les guirlandes et les glaçons argentés. J'aimais entendre le jus de la dinde qui grésille dans le four, même si ça réchauffait tout l'appartement. Et voir grand-maman s'affairer à sortir les bou­geoirs de porcelaine des placards, les as­siettes des grands jours et l'argenterie.

Il régnait une joyeuse excitation. Tout en emballant les cadeaux, je me demandais quels seraient les miens...

Pour que grand-maman puisse finir de tout préparer en paix, grand-papa, Pierre et moi sommes allés nous baigner. La mer n'avait jamais été aussi calme, comme si elle sentait que c'était une nuit particulière, et l'écume qui ourlait les vagues ressem­blait à des cheveux d'ange.

Malgré les événements inquiétants des derniers jours, je me sentais étrangement apaisée. Peut-être parce que tous les autres baigneurs souriaient, gagnés eux aussi par la magie de Noël? *

J'ai mis une robe en satin noir, car il me semblait qu'elle me vieillissait un peu, et je me suis fait un chignon tout en laissant ma mèche turquoise libre. Contrairement à ce que j'avais appréhendé, mes grands-parents ne m'avaient fait aucune réflexion sur la «drôle de couleur» de mes cheveux, alors que papa et maman en avaient parlé pendant des semaines! Ils sont vraiment chouettes, mes grands-parents!

Encore plus que je ne le croyais! Quand leurs amis sont arrivés, on a bu une coupe de Champagne (j'en ai mis une goutte der­rière chaque oreille, il paraît que ça porte bonheur) et on a échangé nos cadeaux. Il y en avait plus que je ne le pensais: même leurs amis nous en avaient fait! Pierre m'a donné la cassette la plus récente de mon groupe préféré, les invités m'ont offert une superbe bougie en forme d'orchidée et une barrette pour les cheveux en paillettes bleu­tées. Super.

Mais ce qui m'a le plus touchée, c'est le cadeau de mes grands-parents: ils avaient trouvé un collier et un bracelet mexicains en argent sertis de turquoises.