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— Papa connaît des tas de gens! Il t'ai­dera! Tu n'étais pas majeur quand tu as vo­lé. Je ne dis pas que tu as eu raison de faire ça, mais je trouve que tu en exagères les conséquences.

— Oh, non! Écoute, changeons de sujet... Ce soir, c'est Noël! .

— Bien sûr...

Pour le distraire, je lui ai promis de lui donner les photos le lendemain, quand j'ai entendu mon cousin qui criait:

— Nat! Nat! Nat!

Je me suis écartée de Jeremy qui a remis ses verres fumés.

— Ça fait une heure que je te cherche! a dit mon cousin. Qu'est-ce que tu fabriques?

Il m'énervait! Il n'est pourtant pas idiot!

— Devine...

Il a regardé Jeremy sans sourire, puis il a dit que j'étais mineure.

— Pierre! Tu es ridicule!

Jeremy m'a regardée avec étonnement:

— Je pensais que tu avais au moins dix-huit ans! Tu es tellement mûre!

C'était la première fois qu'on me faisait un tel compliment et je me suis rapprochée de Jeremy comme pour le remercier. Il m'a tapoté l'épaule en me chuchotant à l'oreille qu'on pourrait se voir le lendemain.

— Attends-moi au pont... J'y serai à quinze heures. Avec ton cadeau.

Puis il s'est levé et a salué Pierre avec un sourire moqueur avant de retourner à l'hôtel.

J'ai pris mon sac et je me suis redressée sans accorder un regard à mon cousin qui tentait de se justifier:

— Il change de filles comme de che­mises! Octave me l'a dit!

— Et toi? Maia est la première fille que tu fréquentes?

— Ce n'est pas pareil! Je n'aimais pas les autres!

— Lui non plus, ai-je prétendu avec plus d'assurance que je n'en avais. Tandis que moi, c'est différent!

Je parlais avec beaucoup de fermeté pour masquer mes doutes. Car même si les con­fidences de Jeremy étaient une marque d'es­time, il ne me faisait pas confiance au point de me permettre d'appeler mon père pour tenter de l'aider. M'aimait-il vraiment? J'aurais aimé le croire parce que c'était très romantique, mais on se connaissait depuis si peu de temps...

La seule chose dont j'étais certaine c'est qu'il embrassait super bien!

Qu'il était beau. Que toutes les filles de l'école auraient été d'accord avec moi.

Mais qu'il était bizarre.

Comme Ralph.

— Tu sauras qu'il veut venir me voir à Montréal, ai-je affirmé à Pierre. Est-ce que ta Maia en fera autant? Elle est partie bien tôt ce soir! Peut-être qu'elle en a assez de toi?

C'était un coup bas, je le sais, mais j'avais envie de me venger de mon cousin et de ses sottes interventions.

Il ne m'a pas répondu. Nous avons mar­ché en silence jusqu'à l'orchestre, où nous avons retrouvé Octave.

— Pierre! Il faut que tu joues! a-t-il dit. Tu l'avais promis!

— Je n'en ai plus envie, a bougonné mon cousin. Il y a des gens qui ont le don de vous démoraliser...

J'ai soupiré, puis j'ai dit tout bas à Pierre qu'on était stupides de gâcher une aussi belle soirée et que je m'excusais. Il n'avait pas le droit de décevoir Octave qui avait un piano à sa disposition pour une fois. Pierre m'a promis qu'il ne se mêlerait plus de mes affaires et, durcissant les lèvres, il a pincé fermement l'embouchure du saxophone.

Chaque fois que j'entends Pierre jouer, je suis transportée! Je le regarde gonfler son ventre comme une cornemuse et je m'éton­ne qu'il sache si habilement insuffler l'air et la pression nécessaires pour obtenir des no­tes graves ou aiguës. Et choisir entre toutes les clés aux touches de nacre les bonnes no­tes, les dièses ou les bémols.

J'ai essayé une fois de jouer du saxo­phone: un éléphant aurait barri avec plus d'élégance! C'était archifaux! Pierre m'a dit que ce résultat était normaclass="underline" ça prend au moins un an avant de produire des sons justes. J'admirais d'autant plus mon cousin d'avoir eu la patience de persévérer.

Et je l'aimais beaucoup, pensais-je en l'écoutant ce soir-là sur la plage de l'hôtel Hollywood.

Nous sommes rentrés à cinq heures du matin. Même si j'étais fatiguée, j'ai mis du temps à m'endormir; je ne pouvais m'empê­cher de repenser aux remarques d'Octave, de Flash-Fluo et de Pierre au sujet de Jere­my. Surtout de Pierre. Dans le passé, mon cousin m'avait toujours écoutée avec bien­ veillance raconter mes histoires d'amour. Pourquoi manifestait-il tant d'animosité envers Jeremy?

J'ai rêvé que Jeremy m'embrassait... C'était aussi fantastique que sur la plage, puis il finissait par m'étouffer parce qu'il ne me laissait pas respirer. Je me suis ré­veillée haletante et pas très reposée.

Ni rassurée.

Chapitre 15 Le rendez-vous

Je suis pourtant allée au rendez-vous fixé par Jeremy après avoir vu Flash-Fluo et pris les photos à la pharmacie. Elles étaient enfin prêtes! J'ai glissé les négatifs dans mon grand sac de plage après avoir regardé les photos. Revoir le bon visage de Dan m'a émue, et j'ai tenté de chasser mon chagrin en observant le pont du boulevard qui s'ouvrait et se refermait. C'était très amusant de voir les mâts des bateaux se faufiler entre les deux parties du pont re­dressées.

Chaque fois, les automobilistes refoulés de chaque côté du pont sortaient de leurs voitures pour admirer le spectacle: bien des petits enfants avaient envie de monter sur le pont pour s'élever aussi dans les airs!

C'était amusant, oui, mais pas durant une heure et quart! Je regrettais d'avoir re­fusé de suivre Octave à la plage où il allait étrenner son hydromoto. À ma grande sur­prise, Pierre ne l'avait pas accompagné, car Maia l'avait invité chez elle. Allait-elle le présenter à ses parents? C'était donc plus sérieux que je ne le pensais?

Je m'interrogeais à leur sujet quand j'ai reconnu la voix de Jeremy derrière moi, puis deux coups de klaxon. Jeremy condui­sait une superbe Yamaha 1100! Entière­ment équipée. Je trouve que les motos sont plus belles sans les valises de chaque côté, mais telle quelle, la Yam était super. Je me suis dit que je la prendrais en photo après avoir cette fois demandé l'autorisation à Jeremy.

J'ai trébuché trois fois avant d'enfour­cher la moto, et Jeremy a dû croire que je n'avais jamais fait de moto...

Quand nous nous sommes arrêtés, j'ai reconnu l'endroit où j'avais vu des gens faire de la course en hydromoto. C'était plus calme ce jour-là, car c'était Noël, mais on entendait gronder au loin les moteurs de ces engins. Jeremy a garé la moto tout près du quai où les propriétaires attachaient leurs hydromotos. Il a retiré un sac d'une des valises et l'a jeté sur le quai.

Je le regardais sans trop savoir où il vou­ lait en venir. Je lui ai demandé ce qui se passait.

— Je suis obligé de quitter Hallendale quelques jours... J'ai réservé une hydromo­to et je voudrais que tu m'accompagnes jusqu'à un bateau ancré plus loin. Et que tu ramènes ensuite l'hydromoto au quai.

— Tu pars?

Il a soupiré, puis m'a dit qu'il ne serait pas absent longtemps. Il a sorti un polaroïd d'un des sacs et il m'a demandé s'il pou­vait prendre une photo de moi pour la re­garder en attendant de me retrouver. J'ai dit oui en pensant que j'aurais dû mettre mon maillot turquoise, puis je me suis ins­tallée devant le canal, près d'un buisson d'hibiscus.

— A propos de photos, tu as les miennes? a demandé Jeremy d'un ton décontracté tout en refermant son sac et en se dirigeant vers une des hydromotos.

— C'est à toi? ai-je dit en désignant l'appareil.

— As-tu les photos?

— Oui, tiens, ai-je fait en lui tendant l'enveloppe.

Il l'a prise promptement, a feuilleté le pa­quet d'images et en a retiré la sienne, qu'il a brûlée aussitôt avec son briquet. Puis il a farfouillé dans l'enveloppe en s'énervant de plus en plus.

Il m'a regardée d'un air si dur que j'en ai eu la chair de poule et il m'a jeté l'enveloppe au visage en me criant haineusement:

— Espèce de petite garce! Où sont les négatifs?

— Quoi?

— Les négatifs! Je n'ai pas de temps à perdre!

— Mais dans l'enveloppe! Ils y étaient tantôt! Je te le jure!