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J'ai ouvert fébrilement l'enveloppe, mais il fallait se rendre à l'évidence: les négatifs s'étaient envolés!

— Mais... mais...

Jeremy m'a saisi brutalement les poi­gnets et les a serrés si fort que j'ai hurlé.

— Tu peux crier! a-t-il dit. On ne peut pas t'entendre ici avec tous ces moteurs! Et les quelques amateurs d'hydromoto sont trop loin! Dis-moi où sont les négatifs? Pourquoi les as-tu gardés? Ils n'étaient pas dans ton sac!

Mon sac? Il avait donc renversé inten­tionnellement son verre sur ma robe de satin pour fouiller dans mon sac de plage en mon absence? Je me débattais, à la fois furieuse et désespérée. Jeremy me secouait mainte­nant comme un pommier, mais il ne récoltait aucun fruit: je ne savais pas quoi lui ré­pondre. Lui dire que j'avais vraisemblable­ment égaré les négatifs en l'attendant? Il ne me croirait pas, c'était trop simple. C'était pourtant la vérité.

— Ne t'inquiète pas d'être reconnu! Les négatifs du film ne sont pas restés à la phar­macie: je les avais quand j'en suis sortie. Aucun employé ne verra ta photo. Je te ré­pète que tu es un peu paranoïaque. Les gens qui développent les films n'ont sûrement pas le temps de les regarder!

— Tu as bien mis au point ton histoire...

— Calme-toi! Ton affaire de vol va s'ar­ranger, je vais parler à papa! ai-je proposé une dernière fois, en espérant qu'il accep­terait et que je m'étais trompée sur son compte.

Mais non, il a émis un petit rire méchant:

— Quand je pense que tu as cru cette fable!

— C'est faux?

— Évidemment! Tu me vois en minable petit délinquant alors que je pourrai bientôt m'offrir tout ce que je veux! Je voulais seu­lement être certain que tu me donnerais les négatifs. Le film n'était pas dans ton appa­reil, un copain s'en est assuré... Eh oui! On ne t'a pas volée par hasard. Mais sans résul­tat. Il fallait donc que je t'amène à me don­ner toi-même les photos. Et pour ça, je de­vais toucher ton petit coeur! Te raconter une triste histoire de pauvre orphelin. Tu as mar­ché... mais pas assez! Je veux les négatifs!

Le salaud! Je l'aurais étripé!

Il était pourtant préférable que je ruse: je devais l'occuper jusqu'à ce que Flash-Fluo arrive. Mais avait-il pu nous suivre? On n'a­vait pas prévu que Jeremy aurait une moto.

Et si je réussissais à subtiliser les clés de l'hydromoto de Jeremy?... Je pourrais m'en-fuir! Et rejoindre Octave sur le canal?

J'allais dire à Jeremy que je lui révéle­rais où étaient les négatifs à la condition qu'il me dise pourquoi il voulait détruire cette photo. Mais j'ai entendu des branches craquer derrière moi.

Flash-Fluo! Enfin!

— Va-t'en! m'a-t-il crié. Vite!

Je n'ai pas eu le temps de m'écarter de Jeremy que celui-ci tirait un revolver de sa veste de cuir et le pointait sur moi.

— Non, elle n'ira pas plus loin, a dit Jeremy.

— Laisse-la! Elle ne dira rien! Malgré ma peur, j'ai bredouillé:

— Rien de quoi?

— Du trafic de crack! a dit Flash-Fluo. J'ai tout compris quand j'ai vu les photos, mais je devais être certain avant d'écrire mon papier. Excuse-moi, Natasha, j'aurais dû être prudent. J'ai cependant prévenu les policiers!

— Viens par ici! a fait Jeremy. Et dis-moi maintenant où sont les négatifs, sinon je te fais éclater la cervelle!

J'ai regardé Flash-Fluo qui m'a hurlé de donner les négatifs.

Il ignorait que je ne les avais plus! J'é­tais paralysée de terreur et je me répétais que c'était impossible que je meure pour de petits négatifs de rien du tout. Puis j'ai senti Jeremy s'approcher de moi. Non, il ne pouvait pas me tuer! Il voulait seule­ment me faire peur... Mais quand j'ai vu le canon du revolver briller au soleil à dix centimètres de ma tête, je me suis mise à trembler si fort que j'en ai échappé mon sac de plage:

— Grouille-toi, a dit Jeremy! Dis-moi où sont les négatifs!

— Dans... dans mon sac... ai-je bégayé. Il a eu un petit rire de satisfaction:

— Donne-les-moi! Vite! Pas de folies, je te surveille!

Je me suis penchée lentement pour ra­masser mon sac. Je le lui ai tendu tout aussi lentement. Et durant la fraction de seconde où il plongeait sa main dedans, je lui ai jeté une pleine poignée de sable au visage. Il a hurlé. A appuyé sur la détente du revolver. Le coup est parti dans les airs.

En se jetant sur Jeremy, Flash-Fluo a crié:

— Dépêche-toi!

Et les policiers, eux? Est-ce qu'ils se pres­saient?

J'ai attrapé les clés que Jeremy avait laissées tomber sur le quai et j'ai enfourché l'hydromoto. J'ai bien regretté de n'en avoir jamais fait! J'ai dû m'y prendre par deux fois pour insérer la clé de contact! Où était donc l'accélérateur? Ah! Merde! Ça ressem­blait à une motoneige, mais je ne me souve­nais même plus comment ça fonctionnait tellement j'étais affolée.

J'entendais les grognements des deux gars qui se battaient! Je n'osais pas regar­der; j'étais certaine que Flash-Fluo essayait de désarmer Jeremy. Et si une deuxième balle était tirée? Et touchait quelqu'un?

J'ai fini par démarrer. J'ai foncé droit devant, bien décidée à arrêter la première personne que je verrais.

Il y a un bon Dieu pour les imprudentes de mon espèce! Octave était là, tout près, extrêmement étonné de me voir surgir de­vant lui! J'ai coupé le moteur en lui faisant signe de m'imiter et lui ai dit ce qui se pas­sait!

— Il faut y retourner tout de suite! Ils vont se tuer avant que les policiers soient arrivés!

— Les policiers?

— Flash-Fluo... enfin, Daniel Dubois... Il les a prévenus avant de me suivre. Je lui avais dit que je serais avec Jeremy.

— Il a parlé des policiers pour inquiéter Jeremy.

— Ce n'est pas vrai?

— Si c'était vrai, les policiers seraient déjà arrivés...

— Raison de plus pour nous dépêcher!

— Attends! Si on arrive comme ça, Je­remy abattra peut-être Daniel Dubois. S'il a eu le dessus dans la bagarre... Il vaut mieux ruser.

— Ruser?

— Je vais faire semblant d'être de son côté. Voici mon plan!

Je l'ai écouté avec attention; son idée était vraiment bonne, et je commençais à changer d'opinion sur lui. Ce n'était pas le fils à papa que j'avais imaginé. Je devais admettre qu'il était très ingénieux et que, dans l'état de nervosité où j'étais, je n'avais plus toutes mes facultés pour réfléchir. Heureusement qu'Octave gardait son sang-froid!

Chapitre 16 La ruse

Quand nous avons atteint le quai, Jeremy poussait Flash-Fluo devant lui en le mena­çant de son arme. Octave a coupé les gaz.

— Maintenant, je veux les négatifs! Si­non, je le tue, a vociféré Jeremy.

Octave a éclaté de rire:

— Tu peux t'en débarrasser, ça nous fe­ra une personne de moins à nous occuper.

— Quoi? ai-je crié aussi fort que prévu.

— Descends, pauvre imbécile! m'a or­donné Octave. Les mains en l'air! Tu vas rejoindre ton copain journaliste!

Jeremy a dévisagé Octave, cherchant à deviner ses intentions.

— Cette idiote m'a tout raconté, a dit Octave en souriant. Elle ne savait pas qu'une partie du trafic est secrètement gérée par mon père.

— Quoi?

— Allez, rejoins ton reporter... Les mains en l'air, j'ai dit.

Je me suis dirigée vers Flash-Fluo même si j'avais peur qu'au moindre geste, Jeremy sursaute et tire, mais on n'avait pas le choix. Je gémissais, je suppliais Octave et Jeremy de nous épargner et je pleurais aussi fort que je le pouvais. Puis Octave est descendu à terre à son tour, est venu vers moi et a fait semblant de me gifler. Je me suis ef­fondrée sur le sol en me lamentant pitoya­blement.

— Bon, elle va se tenir tranquille main­tenant! a dit Octave d'un ton arrogant.

— Eh! Ce n'est pas toi qui commandes ici, a fait Jeremy. C'est moi qui ai le revol­ver. N'oublie pas.

— Mais moi, j'ai mon père. Et son ar­gent. Beaucoup d'argent.

— Et alors?

— Si tu avais perdu moins de temps avec cette gourde hier soir, mon père aurait pu te parler et te proposer un marché.