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Il referma le meuble, regarda autour de lui. Jusqu’ici, la chasse n’avait pas été très bonne. Il allait ressortir lorsqu’il décida de fouiller le tiroir du haut une deuxième fois. Un détail avait retenu son attention mais, dans sa hâte, il était passé dessus sans s’arrêter. Il le retrouva : une grande enveloppe en papier kraft scellée, sans aucune inscription. Noah la sortit du dossier suspendu dans lequel elle se trouvait et l’examina. Après une seconde d’hésitation, il déchira le rabat, plongea la main à l’intérieur de l’enveloppe et en ramena une liasse de feuillets. Tout d’abord, il se demanda ce qu’il voyait. Des feuilles format A4 ; imprimées et signées. Il approcha l’une d’elles de la lumière. On aurait dit un contrat… Puis il lut plus avant : « Je n’ai aucune intention ou désir d’être considéré comme un parent légal… » Il y avait également la raison sociale d’une société dans le coin en haut à gauche, une boîte domiciliée à Los Angeles.

Noah sentit sa respiration s’accélérer d’un coup. Se pouvait-il qu’il tînt entre ses mains la pièce la plus importante du puzzle ?…

Plongé dans ses pensées, il ne prit garde au bruit de moteur que trop tard.

Merde !

Il se dépêcha de remettre le dossier suspendu en place, glissa l’enveloppe sous sa veste et se rua vers le couloir. Alors qu’il débouchait dans le salon et s’apprêtait à filer par la porte de derrière, il entendit des talons claquer et vit une silhouette se profiler à travers le vitrail à gauche de l’entrée. Trop tard ! Une clé fourragea bruyamment dans la serrure, s’interrompit quand la personne de l’autre côté comprit que la porte n’était pas verrouillée et, l’instant d’après, le battant s’ouvrait en grand. La femme blonde apparut et elle écarquilla de grands yeux inquiets en voyant Noah.

Il s’empressa de brandir sa plaque de privé.

« La porte était ouverte, dit-il. J’ai cru qu’il y avait quelqu’un, alors je suis entré et j’ai appelé. Je suis désolé de vous avoir fait peur. »

Puis il se rendit compte que c’était inutile : la mère d’Henry était sourde. Mais elle parut avoir lu sur ses lèvres, car elle saisit un bloc-notes et un stylo sur le comptoir pour les clients, près de l’entrée, et il entendit la pointe griffer le papier — après quoi elle éleva le bloc vers lui :

Je ne vous crois pas.

Il s’efforça d’arborer son sourire le plus innocent mais il se savait peu doué pour ça. « Si, si, je vous assure, c’était ouvert. » Elle le toisait d’un air ouvertement sceptique. À nouveau, le stylo émit son grignotis fébrile :

Que voulez-vous ?

« J’enquête sur la mort de Naomi Sanders, dit-il en articulant avec soin. Je suis journaliste… »

La réponse écorcha rageusement le bloc : Foutez le camp.

Il leva les mains. « D’accord. Je m’en vais. »

Il passa devant elle ; elle avait les sourcils froncés, un petit air d’oiseau inquiet et un corps d’échassier — il imagina des os creux, des mouvements lents, une certaine indolence. « Encore désolé. Bonne journée. » Il avait son téléphone portable pendant au bout de son bras gauche, en mode appareil photo… Quand il se retourna pour lui serrer la main — elle refusa de prendre la sienne —, il le déclencha.

Le déclic retentit pour lui seul dans la pièce silencieuse.

Il l’entendit verrouiller la porte derrière lui.

Le grand panneau rouge brillait dans la nuit nuageuse : « PACIFIC STORAGE. 800.44.STORE. 1 $ le premier mois. » Après le lycée, j’avais laissé Charlie, Johnny et Kayla prendre le ferry pour Glass Island et attendu celui pour le continent ; puis j’avais roulé vers le sud sur la 5 jusqu’à la sortie « Mukilteo/Whidbey Island Ferry », à la hauteur d’Everett.

Ensuite vers l’ouest sur la 526, pour emprunter la sortie au bout d’un kilomètre et tourner à gauche au feu, sur l’Evergreen Way.

Au bout de deux autres kilomètres, le phare qui servait de symbole aux succursales Pacific Storage était enfin apparu sur ma droite.

Le phare à l’entrée était un vrai-faux phare, sa lanterne lançant des éclairs vers le ciel nuageux. Un vent violent soufflait quand je me suis garé sur le parking devant l’accueil. Il faisait claquer les drapeaux et agitait la rangée d’arbustes rabougris ; il était chargé d’humidité mais il ne pleuvait pas.

Le jeune mec derrière le comptoir — à peine plus vieux que moi — avait l’air de s’emmerder comme un rat mort. Il a levé ses yeux ensommeillés et rouges de son smartphone. J’ai posé la clé et la facture sur le comptoir sans rien dire à part « Salut ». Il s’est tourné vers l’écran de l’ordinateur, a pianoté un truc, m’a regardé.

« Ce box n’est pas à votre nom et ce n’est pas votre photo d’identité là-dessus, a-t-il fait remarquer d’un ton suspicieux.

— Il est au nom de Liv Myers, j’ai dit. C’est ma mère. C’est elle qui m’envoie. Voici la clé du box et la facture. Appelez-la si vous voulez, vous avez son numéro. »

Il a hésité, bâillé et une immense paresse l’a envahi.

« Non. C’est bon. »

Il a appuyé sur un bouton derrière le comptoir et j’ai entendu le moteur du portail se mettre en route dans mon dos.

« Vous pouvez me montrer où c’est ? »

Il a eu un petit rictus — il aurait sans doute préféré continuer à envoyer ses textos. « Bien sûr, mon pote… C’est un box de cinq pieds sur dix, c’est ça ? » J’ai acquiescé. On est ressortis ; nous avons franchi le portail et il m’a montré un bâtiment bas immédiatement après, avec une porte en fer.

« Tu prends ce couloir. Les petits box sont là. Le tien doit se trouver vers le fond. »

Il s’est dépêché de retourner à ses textos.

J’ai franchi la porte. Le couloir était étroit, éclairé au néon. Assez curieusement, les murs étaient peints en noir et les portes d’un gris sombre — de sorte que la lumière des tubes fluorescents, déjà faiblarde, était presque entièrement absorbée et qu’une pénombre désagréable régnait tout le long de ce boyau. Sur chaque porte, une grosse clenche en métal fermée par un cadenas.

Le box 181 était l’avant-dernier dans la rangée de gauche, après un carrefour d’où partait un deuxième couloir à angle droit.

J’étais seul là-dedans…

Je pouvais entendre les battements de mon cœur et, quelque part dehors, étouffés, les aboiements d’un chien.

Mon téléphone indiquait 17 h 39. J’avais envoyé un texto à mes mamans pour leur dire que je restais faire mes devoirs chez Charlie.

J’ai marché jusqu’à la porte, mes pas réverbérés par l’écho ; je me suis immobilisé devant.

Ma main était glissante de sueur quand j’ai introduit la clé trapue dans le cadenas. Je n’y avais pas pris garde jusqu’alors, mais mes aisselles aussi étaient humides, sous mon tee-shirt et ma polaire.

J’ai inspiré un bon coup.

Tiré sur la clenche.

Puis j’ai attrapé la poignée et j’ai remonté la porte, qui a couiné en s’enroulant.

J’ai tâtonné dans l’ombre à la recherche d’un interrupteur et la lumière d’un néon a éclaboussé le réduit. Un vrai capharnaüm… Comme si une vie entière avait été entassée là, j’ai vu :