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— Nous… manquons cruellement de réserves, capitaine Geary », protesta Tyrosian.

Réprimant difficilement un éclat de rire, Desjani se tourna de côté et émit un ricanement étouffé que Geary feignit d’ignorer. « Capitaine Tyrosian, expliqua-t-il patiemment, quand la flotte syndic lancée à notre poursuite apparaîtra, nous maintiendrons vos auxiliaires auprès de la Flottille sacrifiée, bien au-delà de la limite de sécurité. L’ennemi se focalisera sur vous et vos quatre auxiliaires de toute manière, puisqu’ils sont les bâtiments les plus sensibles de la flotte. Il faut donc fournir aux Syndics qui fondront sur vous une raison plausible à la présence de vos bâtiments auprès de la Flottille. S’ils se persuadent que c’est pour piller les carcasses de leurs vaisseaux, elle leur deviendra évidente.

— Nous les appâtons encore ? demanda Tyrosian après un moment de réflexion.

— Oui, capitaine. Nous les appâtons encore. »

L’officier du génie afficha une mine légèrement atterrée mais hocha la tête. « À vos ordres, capitaine.

— Inutile de vous dire que nous ferons tout notre possible pour éviter la destruction de vos auxiliaires, se sentit contraint d’ajouter Geary.

— Merci, capitaine. Nous apprécions.

— J’adresserai à vos bâtiments des instructions de manœuvre détaillées dès que la flotte syndic émergera et que nous connaîtrons les vecteurs de mouvement de ses vaisseaux. Merci, capitaine Tyrosian. »

Vingt minutes plus tard, alors que quelques autres navettes de l’Alliance fourmillaient encore parmi les carcasses syndics et que des spatiaux en combinaison de survie balançaient des fournitures pillées sur les vaisseaux syndics dans leurs soutes béantes en faisant tout un cinéma, les alarmes que Geary avait tant redoutées résonnèrent enfin.

« La flotte syndic a émergé du point de saut pour Ixion », annonça la vigie des opérations.

Geary retint son souffle le temps que les senseurs de la flotte évaluent la puissance de la force ennemie qui venait d’apparaître au point de saut, distant à présent de quinze minutes-lumière ; autrement dit, avant même que l’Alliance n’ait assisté à son irruption dans ce système stellaire, les Syndics avaient déjà disposé de quinze minutes pour décider de ce qu’ils devaient faire et commencer à l’entreprendre.

Le nombre des avisos et des croiseurs légers de cette flotte syndic restait impressionnant, en dépit des pertes que l’Alliance avait réussi à lui infliger. D’un autre côté, ses rangées de croiseurs lourds avaient été décimées lors des combats précédents à Lakota : nombre d’entre eux avaient été détruits, et vingt-deux de ces bâtiments figuraient parmi les plus endommagés abandonnés dans ce système stellaire. Neuf de ces vingt-deux vaisseaux avaient été anéantis, et les autres, à présent désertés, faisaient partie de la Flottille sacrifiée. Il ne lui restait plus que seize croiseurs lourds.

Les gros vaisseaux syndics commençaient de se matérialiser et leur nombre se multipliait : dix cuirassés. Quinze. Trente et un. Six croiseurs de combat. Treize.

« Trente et un cuirassés et treize croiseurs de combat, marmonna Desjani. Pas trop méchant.

— Ils sont en meilleur état que les nôtres », fit observer Geary. Il vérifia des chiffres qu’il connaissait pourtant déjà par cœur : il restait encore vingt-deux cuirassés, les deux cuirassés de reconnaissance et dix-sept croiseurs de combat à l’Alliance ; plus vingt-neuf croiseurs lourds. Mais bon nombre de ces bâtiments avaient subi de sérieux dommages au combat et, bien qu’on eût réapprovisionné les vaisseaux en munitions fraîches, les Syndics disposaient probablement d’un plus vaste arsenal de missiles et de mitraille.

Trente et un cuirassés ennemis. Geary s’accorda un instant de détente, conscient qu’il devait respecter une telle capacité combattante sans toutefois se laisser abattre par elle. « Le nombre de nos croiseurs lourds est notre seul avantage », déclara-t-il à haute voix.

Desjani secoua la tête. « Nous en avons un autre et d’importance, rectifïa-t-elle. La dernière fois, le commandant syndic nous a vus fuir pour sauver notre peau et il a eu onze jours pour se graver cette image dans la tête. Il va maintenant s’apercevoir des dégâts que nous avons infligés aux vaisseaux de son camp restés sur place et ça le rendra fou furieux. Colère et trop grande assurance conduisent à l’imprudence, capitaine.

— J’aurais peine à critiquer votre analyse », lâcha Geary. Il ne pouvait s’empêcher de se dire que sa trop grande assurance, ajoutée à la colère que lui inspiraient ses commandants les plus rétifs, l’avait peut-être conduit lui-même à prendre l’imprudente décision d’aller une première fois à Lakota. Peu importait à présent, au demeurant. L’essentiel, c’était de tirer profit de l’état d’esprit, quel qu’il fût, du commandant ennemi. « Voyons s’il réagit comme nous nous y attendions. »

Les minutes passant, il devint de plus en plus clair que le commandant syndic, peut-être effectivement poussé par l’imprudence, réagissait comme ils l’avaient espéré. Sa classique formation syndic en forme de boîte se modifia légèrement, en même temps qu’elle accélérait vers une interception des vaisseaux de l’Alliance, pour adopter celle d’un profond parallélépipède dont la face la plus large les affronterait ; formation sans doute convenable et pouvant servir de multiples propos, dans la mesure où l’on pouvait adapter ses trois dimensions aux diverses situations tactiques, mais qui avait ses limites en termes de concentration de la puissance de feu sur un point précis de la formation ennemie, et qui ne permettait guère d’ajuster assez vite le tir. Mais c’était la seule, semblait-il, qu’on apprenait (ou qu’on autorisait) aux commandants syndics.

« Il se prépare à intercepter les bâtiments de l’Alliance proches de la Flottille sacrifiée », annonça en souriant Desjani.

Geary calcula le délai avant interception. La flotte ayant ralenti pour régler son allure sur celle de la Flottille sacrifiée, tous ses vaisseaux de guerre s’éloignaient de la formation syndic à moins de 0,02 c, tandis que celle-ci arrivait sur eux rapidement, à plus de 0, 079 c. Geary ordonna aux systèmes de manœuvre de l’Indomptable de partir du principe qu’elle continuerait d’accélérer jusqu’à 0,1 c : il obtint un délai de deux heures et cinquante et une minutes avant le contact.

À condition, toutefois, que les vaisseaux de l’Alliance ne procèdent à aucune manœuvre. Ne voyant pas d’alternative compte tenu de sa dimension et de son état, Geary avait longtemps projeté de fuir dès qu’apparaîtrait la flotte syndic lancée à sa poursuite. L’idée de recourir comme d’une arme à la Flottille sacrifiée avait changé la donne. Il lui faudrait la combattre tôt ou tard, de toute façon, sauf si, inexplicablement, elle décidait de renoncer à sa traque ; et, maintenant, peut-être la vaincrait-il.

« Se persuaderont-ils que nous nous contentons de les attendre ? s’enquit Rione.

— Avec un peu de chance, ils s’imagineront que nous nous efforçons encore de décider de la manière dont nous devons réagir », expliqua Geary. Exactement comme dans leur système mère, quand l’Alliance avait longuement tergiversé et perdu un temps précieux pour débattre de l’identité de son commandant et décider des mesures à prendre. « La vilaine grosse boule les convaincra peut-être que je ne suis plus aux commandes.

— La vilaine grosse boule ? Je vois. Vous comptez feindre l’indécision et l’affolement, faire mine d’être tétanisé.