Il fallut à Geary quelques instants pour comprendre que le Majestic n’était pas mort en vain. « Quand ces cuirassés syndics sont venus achever le Majestic, ils ont dévié de leur trajectoire et pris du retard sur leur interception des auxiliaires. »
Desjani s’accorda le temps de manœuvrer l’Indomptable avant de consulter son écran. « La cinquième division de cuirassés pourrait arriver à temps », convint-elle.
Pourrait. Geary ne devait en aucun cas, assurément, compter sur une assistance efficace du Conquérant et de l’Orion. Il reporta le regard sur l’autre flanc de la formation ennemie. Les bâtiments rescapés convergeaient tous vers le Titan, le Gobelin, et le Sorcière et le Djinn qui les suivaient. Conséquemment, les quatre flancs de la boîte syndic évidée s’effondraient vers l’intérieur pour adopter des vecteurs les conduisant vers les auxiliaires.
Mais les sous-formations de l’Alliance construites autour des cuirassés fondaient sur ces mêmes flancs. Le capitaine Armus du Colosse menait l’Amazone, le Spartiate et le Gardien droit sur un bord de la formation syndic centrée sur trois cuirassés jusque-là relativement indemnes. Alors que les énormes bâtiments entraient lourdement en contact, les quatre vaisseaux de l’Alliance déchaînèrent toutes leurs forces sur celui de tête, puis frappèrent le second en le croisant en trombe, ne laissant du premier qu’un tas de ferraille dans leur sillage, tandis que le deuxième était gravement endommagé. Colosse et Spartiate avaient essuyé quelques frappes en contrepartie, mais aucune n’était critique.
Au même moment, les unités légères des deux camps s’entrechoquaient ; fortes de leur récente supériorité numérique, celles de l’Alliance débordaient les croiseurs légers et avisos syndics qui chancelaient sous leurs coups répétés.
Peu après, Acharné, Représailles, Superbe et Splendide balayaient les deux cuirassés ennemis et leurs escorteurs défendant un autre flanc d’une formation syndic de plus en plus chaotique ; ils avaient certes pilonné l’ennemi mais perdu le croiseur lourd Vambrace en échange.
Le Titan essuya encore une frappe, puis un croiseur léger syndic piqua sur le Gobelin, tandis que des destroyers le rasaient pour tenter d’éliminer l’assaillant.
Un croiseur lourd syndic rescapé conduisait deux croiseurs légers et plusieurs avisos droit sur le Titan. « Malédiction ! » chuchota Geary.
Il n’avait pas vu que le Furieux et l’Implacable, qui venaient d’achever leur ample virage à travers l’espace, se focalisaient sur cette menace directe des auxiliaires au lieu de s’attaquer à d’autres gros vaisseaux ennemis. Les deux croiseurs de combat de l’Alliance passèrent en trombe, criblèrent de tirs le croiseur lourd syndic, Firent exploser un croiseur léger et réduisirent le second en miettes, pendant que ses escorteurs liquidaient les avisos.
« Pas mal, les complimenta Desjani, dont la division continuait de grimper pour revenir au combat. Je vous avais bien dit que Cresida resterait avec les auxiliaires si elle savait que vous comptiez sur elle. »
En s’efforçant d’esquiver les autres attaques, l’Orion s’était retrouvé piégé entre Titan et Gobelin et les deux cuirassés syndics qui avaient anéanti le Majestic. Ceux-ci avaient épuisé toutes leurs munitions restantes sur ce cuirassé et ils tentaient de s’approcher à portée de lances de l’enfer, tandis que les deux auxiliaires, pour rester hors d’atteinte, fournissaient toute l’accélération dont sont capables de tels bâtiments endommagés.
Bien que Geary ne constatât aucune avarie à ses unités de propulsion, l’Orion commença de s’écarter de la ligne de mire des cuirassés ennemis comme s’il en avait perdu une partie. « Suffit comme ça. Si jamais le commandant Yin survit à cette bataille, elle sera relevée du commandement de ce vaisseau. » Son regard se reporta sur le Conquérant, toujours beaucoup trop loin devant Titan et Gobelin pour les défendre des deux cuirassés syndics. « Et ça vaut pour Casia. Je vais faire passer ces deux ânes bâtés en cour martiale. »
La bouche de Desjani se tordit en un sourire sans joie. « Lâcheté devant l’ennemi. Vous pouvez aussi bien ordonner leur exécution sommaire. Les enregistrements de la bataille faisant office de preuve officielle, nul n’irait s’en plaindre. »
Sur le moment, alors que se jouait encore le sort du Titan et du Gobelin, Geary s’y serait allègrement résolu. S’il perdait ces deux bâtiments parce que Yin et Casia avaient refusé le combat, il se savait parfaitement capable de ne pas résister à la suggestion de Desjani.
Les lances de l’enfer des deux cuirassés syndics commencèrent de s’étirer à leur portée maximale pour lécher les boucliers du Titan et du Gobelin. Geary savait que des boucliers d’auxiliaires ne résisteraient pas longtemps à la punition que leur infligeaient deux cuirassés, même à très longue portée.
Le Flanconade zigzagua entre les cuirassés ennemis et les auxiliaires et attira sur lui les tirs ennemis le temps qu’ils détruisent ce destroyer de l’Alliance.
Sacrifices et manœuvres s’additionnant finirent par emporter la décision : Téméraire, Résolution, Redoutable et Écume de guerre arrivèrent à portée de tir des deux cuirassés syndics. La cinquième division de cuirassés engageait enfin le combat avec l’ennemi : les quatre vaisseaux crachèrent leur feu à deux contre un.
Quand ils se retirèrent, les deux bâtiments adverses chancelants avaient considérablement ralenti en raison des coups portés à leurs systèmes de propulsion. Titan et Gobelin s’éloignaient poussivement hors de portée alors qu’ils cherchaient encore à les viser, puis les quatre croiseurs de combat de Tulev fondirent sur eux depuis un autre angle pour leur seconde passe d’armes et pilonnèrent le cuirassé syndic qui traînait la patte.
Geary clignait des yeux pour tenter d’enregistrer tous les événements qui se déroulaient dans cette zone de la bataille. Desjani menait de nouveau l’Indomptable, le Risque-tout et le Victorieux à l’assaut d’un cuirassé ennemi navré. Ailleurs, le Vengeance et le Revanche s’acharnaient sur celui qui avait failli détruire Titan et Gobelin. Les autres cuirassés syndics encore en état de combattre avaient perdu leurs escorteurs et étaient martelés par les incessantes passes d’armes des sous-formations de Geary. Il ne restait plus de la formation syndic complètement désintégrée qu’une traîne de vaisseaux endommagés et de débris s’étirant jusqu’à la position occupée naguère par l’ex-Flottille sacrifiée. Les seuls vestiges encore organisés de la force spatiale syndic du système de Lakota étaient la flotte de surveillance, encore très éloignée et cinglant à vive allure vers le portail de l’hypernet, soit deux cuirassés et deux croiseurs de combat plus leurs escorteurs. « On a gagné. »