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Il lut rapidement le message d’alerte puis ajouta une autre instruction : Tout porte à croire que ce sabotage a été fomenté par des individus appartenant à notre flotte. Quiconque détiendrait des informations à cet effet doit contacter au plus vite le vaisseau amiral. Il est crucial de découvrir les responsables de cette tentative de destruction de deux au moins de nos vaisseaux, assortie de la mort de leurs spatiaux, avant qu’ils ne se livrent à d’autres actes de haute trahison contre l’Alliance et leurs camarades de la flotte.

Desjani lut l’addendum et acquiesça sans mot dire. Geary hésita un instant puis le présenta au lieutenant Iger. L’officier du renseignement le parcourut rapidement des yeux, et son visage afficha la plus grande stupeur. Puis Geary appuya sur la touche « approuvé » et le message partit. Dans quelques instants, tous les commandants de vaisseau de la flotte seraient arrachés à leur sommeil par cette regrettable nouvelle. « Merci, capitaine Desjani.

— À vos ordres, capitaine. » Le regard de Desjani passa très vite sur Rione puis revint se poser sur Geary. « Autre chose, capitaine ? »

Oui. Cesse donc un instant d’être aussi détachée et officielle. « Nous tiendrons une réunion stratégique dans quelques heures.

— Oui, capitaine. » Desjani salua avec rigidité et s’éloigna avec son officier de sécurité.

Geary se tourne vers Rione, lui jeta un regard furtif et constata qu’elle parvenait mal à dissimuler l’amusement que lui inspirait le départ aussi raide qu’empesé de Desjani. « Nous avons besoin d’une salle d’interrogatoire, lieutenant Iger. »

La stupeur d’Iger céda la place à l’étonnement. « Vous avez déjà un suspect, capitaine ?

— Disons plutôt une personne qui risque d’être suspectée, lieutenant. Je ne pense pas qu’elle soit vraiment impliquée, mais on a forgé des preuves destinées à détourner les soupçons sur elle, de sorte qu’elle consent à répondre à toutes les questions dans un environnement supervisé officiellement. »

Iger hocha la tête, manifestement toujours aussi mystifié, puis son regard se posa sur Rione et il écarquilla les yeux, à nouveau sidéré. « M-madame la coprésidente ?

— Finissons-en », ordonna Rione.

L’air passablement décontenancé, Iger les guida dans les services du renseignement, leur fit franchir d’autres écoutilles hautement sécurisées et d’autres postes de garde, où le personnel du renseignement de faction à cette heure de la nuit regardait passer leur procession inusitée en cachant mal son inquiétude. Un sous-officier vint demander à Iger s’il avait besoin d’aide et fut congédié d’un geste.

Le lieutenant ferma hermétiquement derrière eux la première écoutille de la salle d’interrogatoire puis tourna vers Rione un regard fébrile. « Si vous voulez bien franchir cette seconde écoutille et vous asseoir dans ce fauteuil rouge, madame la coprésidente… »

Rione opina avec hauteur et s’éloigna à grandes enjambées, pendant qu’Iger conduisait Geary dans la salle d’observation adjacente. Une des cloisons faisait office de miroir sans tain ; ils regardèrent Rione s’asseoir et fixer ce qui n’était pour elle qu’un mur nu. Iger tapa sur quelques touches pour activer les dispositifs qui surveilleraient non seulement les réactions physiques de Rione, mais procéderaient aussi à l’analyse de ses ondes cérébrales et à d’autres relevés destinés à prouver de façon flagrante qu’elle mentait ou disait la vérité.

Iger se tourna vers Geary. « Euh… capitaine… Qui… ?

— Je vais l’interroger moi-même. »

Le lieutenant enfonça une autre touche et lui fit un signe de tête.

Geary se composa une contenance puis, sachant que ses paroles seraient retransmises dans la salle d’interrogatoire, s’efforça de s’exprimer clairement : « Madame la coprésidente Victoria Rione, étiez-vous informée de la présence de ces vers avant qu’on ne les trouve dans les systèmes de propulsion par saut de l’Indomptable et d’autres vaisseaux de la flotte de l’Alliance ?

— Non. » Un seul mot, aussi dru et direct qu’une rafale de mitraille.

Devant Geary, les diodes restaient vertes.

« Avez-vous connaissance de l’existence de logiciels malveillants sur ces vaisseaux ?

— Maintenant, oui », répondit froidement Rione.

Geary fit la grimace. Il allait devoir mieux formuler ses questions. « Avez-vous eu vent, avant que je ne vous en parle, d’une quelconque modification des codes d’accès de ma cabine ou de celle du capitaine Desjani ?

— Non.

— Êtes-vous pour quelque chose dans ces modifications ?

— Non.

— Avez-vous pris part à des actions pouvant nuire à un vaisseau de la flotte ?

— Non.

— Sauriez-vous qui aurait pu entreprendre de telles actions ?

— Pas avec certitude. Je soupçonne seulement certains individus. »

Geary s’accorda une pause en s’efforçant de réfléchir aux questions suivantes puis jeta un regard au lieutenant Iger. Ce dernier hocha la tête, se lécha nerveusement les lèvres puis s’exprima avec toute l’impavidité d’un inquisiteur accompli. « Madame la coprésidente Rione, si vous étiez au fait d’agissements nuisibles pouvant porter atteinte à l’Alliance, à l’un des vaisseaux ou spatiaux de cette flotte, préviendriez-vous les autorités compétentes ?

— Oui.

— Nuiriez-vous à ce vaisseau ou permettriez-vous qu’on lui nuît ?

— Pour m’en empêcher, il faudrait que j’aie de bonnes raisons de croire qu’on œuvre pour le bien de l’Alliance. »

Tous les indicateurs étaient au vert. Iger tapa de nouveau sur une touche puis s’adressa à Geary : « Capitaine, tous les signes indiquent que les réponses sont sincères. Elle n’est… euh… pas contente, mais elle est en paix avec son esprit et ses réponses sont courtes et directes. »

Geary fixa longuement les relevés. Tous confirmaient les propos d’Iger, encore que « pas contente » fût une traduction charitable de la vive colère qu’ils signalaient. Il se demanda quelle part de cette colère s’adressait à Desjani, laquelle à l’ennemi et laquelle à lui-même. Je t’ai conduite là où j’avais la certitude que chacune de tes réponses serait vérifiable. Jusqu’à quel point étais-tu éprise de moi ? Que ressens-tu à présent ? Serais-tu capable de tenter de nuire à Tanya Desjani et de justifier cette tentative en te persuadant qu’elle représente une menace ? Mais il ne pouvait pas poser ces questions. Même en l’absence du lieutenant Iger, cela reviendrait à violer les clauses du pacte auquel elle avait souscrit implicitement pour accepter d’entrer dans la salle d’interrogatoire. « Merci, lieutenant. Nous pouvons reconduire madame la coprésidente. Une conférence stratégique se tiendra dans quelques heures. Je tiens à ce que vous y assistiez.

— À vos ordres, capitaine. »

Cette fois Iger avait l’air intrigué. Au cours du dernier siècle, ces conférences avaient pris l’allure de véritables meetings politiques, de réunions en coulisse où l’on passait des marchés et où les officiers de haut rang s’efforçaient de s’adjuger le soutien d’un plus grand nombre de leurs subalternes directs. Les petits gradés en étaient exclus, afin qu’ils restassent dans l’ignorance des manœuvres politiques dont discutaient leurs supérieurs.

« Vous avez jeté un œil sur ce que je vous ai demandé d’examiner ? De l’autre côté de l’espace syndic ?